Tout mélomane montréalais intéressé un tant soit peu à la musique contemporaine, au jazz contemporain ou autres musiques actuelles l'a vu et entendu à maintes reprises. Peut-être sans le reconnaître puisque ses fonctions étaient plutôt discrètes, enfin jusqu'à une période récente. Jusqu'à... aujourd'hui?

Mis en relief dans le Ratchet Orchestra au dernier Festival international de musique actuelle de Victoriaville, un solo magnifique et d'autant plus flamboyant de l'altiste Jean René a motivé la rédaction cette cette interview. La présentation de son quatuor à l'Off Festival de jazz de Montréal, ce dimanche à la Casa del Popolo, en a déterminé la publication.

Parlons d'abord de l'alto, ce «gros violon» connu pour son rôle relativement effacé dans les ensembles et... peu connu pour ses solistes. Qu'en dites-vous, Jean René?

«L'alto, soulève-t-il, est souvent écrasé par le violon et le violoncelle. Même dans le répertoire classique (pré-contemporain), l'alto reste souvent à l'arrière-plan alors que dans la musique contemporaine, il est davantage mis en évidence. Il y de la matière à jouer pour deux vies!»

Originaire de Victoriaville, le musicien a entrepris de vraies études de musiques sur le tard: à 18 ans, il s'était inscrit à l'École supérieure de musique de Nicolet avant de poursuivre ses études en composition à l'Université de Montréal, sans compter la direction d'orchestre. «À cette école dirigée par des soeurs dans les années 70, relate-t-il, j'ai étudié en même temps que les violoncellistes Claude Lamothe et Alain Aubut, ainsi qu'avec le compositeur Jean Lesage. Des soeurs très dynamiques nous enseignaient la musique, elles étaient compétentes et disposaient de ressources pour accroître leur expertise.»

Qu'avait alors motivé le choix de l'alto?

«Je ne voulais pas apprendre le violon parce que la corde de mi m'agressait. Et aussi parce que j'avais entendu à la radio une pièce de musique contemporaine pour alto... que je n'ai jamais retrouvée! Avant de choisir l'alto, d'ailleurs, j'étais guitariste gaucher; je suis devenu  altiste droitier lorsqu'on m'a indiqué que je ne pourrais jamais être gaucher dans le monde classique, très conservateur. Ce que j'avais acquis en vélocité sur le manche de la guitare, j'ai dû y renoncer, mais... À cet âge-là, on était fou! On commençait à 7h le matin et on finissait à 21h le soir. La musique est une maladie, c'est connu», raconte le musicien, étouffant un rire contagieux.

Longtemps instrumentiste permanent à l'Orchestre Métropolitain, Jean René a renoncé à sa permanence pour prendre part à de nombreux projets qu'il estimait ne pouvoir rater. En tant que pigiste, il a participé à plusieurs ensembles de musique contemporaine dont celui de la SMCQ ou encore des ensembles classiques tel l'orchestre de chambre Appassionata.

En tant que soliste et leader d'orchestre, sa démarche est plus récente:

«Depuis 2003,  j'ai commencé à faire du solo et travailler sur un projet d'album; Fammi est finalement sorti en 2010 - sous label &. Je voulais une petite formation pour interpréter ma musique, mais aussi celles que j'avais déjà jouées aux côtés de René Lussier, Jean Derome ou Normand Guilbeault - pour citer celles au programme de dimanche. Des oeuvres que je considère comme des classiques québécois, mais qui ne sont généralement jouées que par leur compositeur. Quant à mes compositions,  elles naissent généralement d'improvisations. J'en note des bouts, je construis autour et je laisse une place à l'improvisation.»

Jean René avait d'abord composé pour l'alto, le violon et la contrebasse, trio auquel il a ensuite greffé une batterie. Ainsi, son projet Et quart se compose du violoniste Joshua Zubot, du contrebassiste Nicolas Caloia et du batteur Pierre Tanguay.

Difficile de circonscrire le style de Jean René, qui puise dans tous les univers de la musique instrumentale contemporaine. Laissons-le donc résumer: «C'est de la musique qui pourrait se prendre la tête entre les deux mains, mais... qui a aussi envie de danser.»

Et quart, projet mené par l'altiste Jean René, est présenté ce dimanche à la Casa del Popolo dans le cadre de l'Off festival de jazz de Montréal

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