Dans le cadre du Festival Bach Montréal, la soirée de jeudi est consacrée... au jazz contemporain. La fascination des jazzmen pour JSB existe depuis des lustres, on se souvient entre autres des enregistrements du pianiste français Jacques Loussier dans les années 60.

Originaire de Philadelphie, le New Yorkais Uri Caine, évolue dans une autre ligue : plus récente, plus contemporaine. En 2000, il enregistrait sa propre vision des Variations Goldberg qu'il fait évoluer sur scène depuis lors.

Que motive ce choix, Uri Caine?

Lorsque j'étais adolescent et aspirant pianiste de jazz, j'ai découvert l'enregistrement de Glenn Gould réalisé en 1955 (sa première version) et ça m'avait grandement inspiré. J'ai commencé à étudier la musique de Bach et réalisé qu'il avait créé une trentaine d'oeuvres en répétant des progressions harmoniques similaires. Ce qui me rappelait la manière de procéder des musiciens du jazz moderne, qui reprenennet les harmonies d'une chanson de Broadway et usent d'une progression harmonique récurrente comme le fondement de leurs improvisations.

Comment voyez-vous votre rôle de pianiste dans le contexte?

Je peux jouer la partition originelle mais je me propose  aussi d'improviser sur l'harmonie que suggère l'Aria en introduction.

Comment avez-vous converti une pièce pour le piano (clavecin) en pièce pour un ensemble?

En tant qu'arrangeur, j'ai essayé de transformer cette musique de clavecin (et transposée au piano) pour d'autres insruments. Ainsi, j'ai arrangé la presque totalité de cette trentaine de variations pour un ensemble. Or, j'ai aussi voulu composer mes propres variations dont l'objet est de faire miroiter ce que Bach aurait pu écrire en s'inspirant de danses.

S'il a écrit pour des gigues et des sarabandes, je l'ai fait pour des mambos, tangos, klezmer. Alors que Bach a évoqué le style d'autres compositeurs comme Scarlatti ou Haendel, j'ai écrit des variations à la manière d'autres compositeurs issus de différentes époques: Mozart, Thelonious Monk, Steve Reich, Karlheinz Stockhausen, Sergeï Rachmaninov. D'autres variations rappellent les relectures électroniques du compositeur (Switched on Bach) ou encore les parodies du compositeur telle PDQ Bach.

Quels sont les arguments jazzistiques et nord-américains de cette relecture?

J'ai voulu inscrire une histoire brève du jazz à travers ces pièces. Ainsi, j'ai écrit différentes variations dans différents styles de jazz. Certaines peuvent être improvisées lorsque j'annonce les progression harmoniques originelle des variations, les musiciens peuvent alors improviser leurs propres variations. Quelques-unes de mes variations sont totalement composées et d'autres incluent des improvisations. Chacune d'entre elles suivent les mêmes schémas harmoniques que les arias et variations de Bach.

Et puisque la musique de Bach inspire souvent l'extase spirituelle, j'ai choisi d'évoquer à mon tour l'extase spirituelle que procure le chant gospel, soit en composant des variations qu'interprète la chanteuse Barbara Walker. Pour la finale, cependant, c'est moins mystique: je suggère une chanson à boire pour un choeur très éméché qui doit interpréter... la musique de Bach !

Pourriez-vous décrire brièvement le rôle de chaque musicien impliqué?

Barbara Walker est une vieille amie, originaire de Philadelphie, elle est une merveilleuse chanteuse gospel. Réputés internationalement, le batteur Jim Black et le saxophoniste Chris Speed sont de grands musiciens et improvisateurs, ils apportent beaucoup de créativité au projet. Le trompettiste Kirk Knuffke, lui, en est à sa première apparition dans ce projet. Quant au contrebassiste Morgan Moore et la violoniste Bénédicte Lauzière, ils sont tous deux de Montréal; Morgan jouera les variations jazzifiées et Bénédicte les variations originelles.

Les Variations Goldberg réinventées, un concert de l'ensemble du pianiste new-yorkais Uri Caine, ce jeudi à  L'Astral, 19h30