Mercredi soir, ils étaient tous les deux réunis pour un concert très particulier à la nouvelle salle Bourgie du Musée des beaux-arts de Montréal. Anne Robert au violon. Alain Gagnon au piano. Une violoniste de profession et... le médecin-chirurgien qui l'a opérée. Une rencontre pour le bonheur de vivre exprimé en musique dans un but de plaisir, d'aide et de compassion.

Ils donnaient leur concert Continuum pour la 4e fois. Continuum raconte l'expérience douloureuse qu'a vécue Anne Robert quand elle a pris la décision, en octobre 2010, de subir une intervention chirurgicale préventive. Apprendre qu'on a un patrimoine génétique à risque pour le cancer après avoir déjà été soignée pour un cancer du sein est une grosse épreuve.

« Quand j'ai pris ma décision de subir cette opération, quelque chose de très fort en moi m'a convaincue de faire quelque chose pour aider, car la génétique c'est très nouveau et il n'y a pas vraiment de structures pour aider les patients, dit Mme Robert. Après l'opération, j'ai senti une affinité humaine avec mon médecin Alain Gagnon et il a été d'accord pour s'associer à moi pour sortir un livre et un disque. »

Le concert comporte dix morceaux de musique - correspondant aux dix états d'âme vécus progressivement par Mme Robert - accompagnés de la lecture de textes par le comédien Jonathan Morin.

Continuum débute ainsi par une sonate de Mozart qui traduit l'insouciance de chacun quand on a la santé. Puis, le diagnostic de cancer génétique asséné à Mme Robert est illustré par une sonate énergique de Janacek et les mots d'Éloi Leclerc. Suit, avec une sarabande de Bach, la solitude d'Anne Robert qui prend conscience de sa situation délicate et inquiétante.

Quatrième épisode : les combats intérieurs et l'errance, avec le poème Impuissance d'Alphonse Beauregard, et un autre extrait d'une sonate de Janacek. Puis, c'est la prise de décision de se faire opérer, rendue avec la musique de Massenet et un texte de Deng Ming-Dao :

« L'ironie de la vie est qu'il s'agit d'un voyage aller simple, dit Jonathan Morin sur scène. Vous ne pouvez pas faire demi-tour. Vous ne pouvez pas faire de comparaison en essayant une chose ou une autre.  Il n'existe pas de sessions de rattrapage lorsqu'il est question de votre vie.  C'est pourquoi seule la sagesse pourra vous guider. »

Le sixième morceau correspond à l'abandon, quand Anne Robert a confié son corps aux soins du Dr Gagnon et de deux autres médecins pour l'intervention chirurgicale en décembre 2010.

Viennent alors la souffrance puis la grâce, le retour à la vie et enfin la renaissance. Anne Robert et Alain Gagnon ont été très applaudis à la fin du concert. Ils ont expliqué qu'ils n'en resteront pas là. Ils enregistreront Continuum dans deux semaines pour sortir un livre-disque l'an prochain.

« Il comprendra des informations sur les cancers du sein et des témoignages de patients », dit le Dr Gagnon, un chirurgien plastique qui a étudié la musique et le piano avant de se diriger en médecine.

Le prochain concert d'Anne Robert et d'Alain Gagnon aura lieu le 22 février au Conservatoire de musique et d'art dramatique, à Montréal. Ils veulent présenter des concerts ailleurs au Québec et à l'étranger pour donner du plaisir et pour livrer un message de prévention.

« Continuum peut se faire ailleurs, dit le Dr Gagnon. Ça peut s'exporter en France. Il y a la même problématique là-bas. Le but est d'aider les patients pour leur dire de s'accrocher, de continuer. »

Le livre-disque devrait aussi être traduit en anglais pour lui donner plus de portée.

« Le grand clarinettiste James Campbell était chez moi hier soir, dit Anne Robert. Il me disait de présenter le concert en Ontario et de traduire le livre-disque en anglais car ça rejoint beaucoup de gens. La musique transcende les mots. Les gens viennent me dire souvent que le concert les a inspirés ou qu'il les a aidés à transcender le deuil d'une soeur morte du cancer. C'est extraordinaire de voir ces réactions. »

Ils désirent aussi qu'une structure de soutien aux personnes concernées par des cancers génétiques soit implantée au CHUM et ils créeront un site web pour informer les patients et les personnes à risque.

« On se rend compte que notre projet suscite de plus en plus d'intérêt, dit Anne Robert. Il y a une demande pour ça. Il y a un besoin. Toute épreuve est une porte vers une vie plus riche et plus profonde. Ces émotions que j'ai vécues, tout le monde les a vécues pour toutes sortes de raisons. La souffrance est universelle. »