Le mariage entre Fred Pellerin et l'Orchestre Symphonique de Montréal est parfaitement réussi s'il faut en juger par le sourire du conteux Pellerin et du maestro Kent Nagano, et l'insistance avec laquelle le public qui emplissait la Maison symphonique vendredi soir refusait de les laisser partir.

Ces quelque 2000 spectateurs ovationnaient évidemment la verve de Pellerin, son imagination foisonnante, son délire langagier et ce plaisir qu'il prend à improviser et à détourner son conte de Noël pas comme les autres de sa trajectoire pour jouer avec les mots et faire des blagues parfois faciles, mais non moins irrésistibles. Ils applaudissaient également Kent Nagano qui a eu l'idée de cette collaboration audacieuse, et son orchestre qui a joué le jeu à fond. Quand Pellerin s'est rappelé le disque de la collection de sa grand-mère dont la face A consacrée à Beethoven était scratchée, la musique de l'orchestre s'est mise à sauter comme un vieux vinyle usé. Et quand l'ambassadeur de Saint-Élie a distribué des tuques, le maestro et ses chics musiciens tirés s'en sont coiffés sans opposer de résistance.

Pellerin a été à la hauteur de sa réputation. Après s'être amusé de sa présence dans la Maison symphonique, il a maintes fois pris à témoin l'assistance qu'il appelait symphonie. «L'histoire est pas encore commencée que je décolle», a-t-il dit après avoir ri lui-même de sa folle présentation de sa grand-mère «très propulsée» à laquelle on avait greffé a posteriori une chaise berçante taillée à la hache. Il a fait défiler l'un après l'autre la belle Lurette, héroïne involontaire de ce conte, son père forgeron, grand amateur de cantiques aux si nombreuses appendicites qu'il a fallu lui poser «un snap» plutôt que de le recoudre, et la sorcière du village, championne olympique du tricot de vitesse avec l'aide de sa machine starfrit.

L'OSM s'est insinué progressivement dans le conte avant de prendre toute la place le temps de pièces du répertoire classique. On pouvait entendre le souffle de la tempête qui laissait «14 ou 15 pieds de neige... à l'heure» dans les violons de l'Ouverture de Guillaume Tell de Rossini et l'extrait de Roméo et Juliette de Prokofiev, substitué à celui de Casse-noisette prévu au programme, a parfaitement rendu «la tragédie» que vivait Lurette. Soulignons également le beau flash du metteur en scène René Richard Cyr de projeter sur une immense boule de Noël au-dessus de la scène des images d'hiver qui ne distrayaient ni du conte ni de la musique.

On ne vous racontera pas l'histoire de Lurette dans le détail, ce serait faire injure à la manière Fred Pellerin. Sachez toutefois qu'elle finira par croire à la magie de Noël comme les 1760 habitants de Saint-Élie-de-Caxton se nourrissent de contes qui agissent comme un baume quand les jours prennent un peu trop de gris.

Les deux autres représentations de cette réjouissante Tuque en mousse de nombril aujourd'hui affichant complet, on vous suggère fortement de ne pas en rater la présentation sur toutes les plateformes de Radio-Canada jeudi à 21h.