À 77 ans et après 45 ans de carrière, Leonard Cohen s'est enfin senti «autorisé à chanter le blues» sur Old Ideas, son premier album de chansons originales en huit ans, auquel le poète canadien envisage déjà une suite.

Frêle et élégant en costume et trilby noirs, le chanteur est venu présenter en avant-première à la presse française et internationale à Paris.

Old Ideas est un recueil de dix chansons inédites, sur lequel Leonard Cohen renoue avec un style musical plus dépouillé que celui de son dernier essai Dear Heather, publié en 2004.

Certains titres, habillés de banjos et de guitares, ont une coloration nettement blues et rappellent que Leonard Cohen avait tenté de s'établir à Nashville lorsqu'il croisa la scène folk de Greenwich Village à ses débuts.

«J'ai toujours aimé le blues, sa construction musicale. Mais j'ai toujours eu l'impression que je n'avais pas le droit de le chanter», raconte le poète de sa voix de baryton.

«Mais en quelque sorte, ce droit m'a été octroyé, je ne sais par quelles autorités. J'ai senti que j'étais autorisé à utiliser cette forme et beaucoup de chansons me sont venues de cette façon. Maintenant, j'ai la permission de chanter le blues», dit-il.

Leonard Cohen évoque sur Old Ideas les thèmes qui lui sont chers: la spiritualité, l'amour, la sexualité, le temps qui passe, la mort.

Pourtant le musicien était «plutôt de bonne humeur» quand il a écrit ces chansons, dont certaines remontent à 2007.

Si Leonard Cohen a longtemps souffert de dépression, «celle-ci s'est lentement dissoute et n'est plus revenue avec la même férocité que ce qui avait prévalu pendant la plus grande partie de (sa) vie». «Elle n'est plus là et j'espère qu'elle ne reviendra plus», confie-t-il.

Mais, estime-t-il, «comme le tofu, une chanson prend le goût de la sauce émotionnelle que vous y mettez. Si quelqu'un a besoin qu'on s'adresse à sa propre souffrance, il trouvera cette composante dans une chanson».

La gravité des thèmes abordés dans les chansons d'Old Ideas est d'ailleurs souvent contrebalancée par l'humour et l'autodérision dont fait preuve leur auteur.

Ainsi, l'album s'ouvre sur Going Home, un titre dans lequel Cohen s'adresse à Leonard, décrit comme «un sportif et un berger, un bâtard paresseux habillé en costume».

Devant les journalistes non plus, le poète ne se départit jamais de son sens aigu de la dérision.

Interrogé sur sa réputation d'homme à femmes, il répond pince-sans-rire: «au point où j'en suis être un homme à femmes implique une bonne dose d'humour».

À un journaliste qui lui demande pourquoi il s'intéresse autant à la mort, il réplique: «Je suis parvenu, à contrecoeur, à la conclusion que j'allais mourir, et cette possibilité amène quelques réflexions».

À un autre qui lui demande en quoi il aimerait être réincarner, il dit du tac au tac: «le chien de ma fille».

Poussé à remonter sur scène par des problèmes financiers, Leonard Cohen a parcouru le monde de 2008 à 2010, lors d'une tournée acclamée par le public et la critique. Blessé au dos, il avait dû en reporter une partie.

Un retour sur scène en 2012 est «certainement dans ma tête», dit-il, tout en laissant entendre que rien n'est moins sûr.

Une suite à Old Ideas pourrait en tout cas voir le jour rapidement.

«J'ai beaucoup d'éléments inachevés. Suffisamment pour un nouvel album sur lequel je suis en train de travailler. Donc, si Dieu le veut, je serai en mesure de finir un autre album d'ici un an environ».