Fanny Bloom admirait tellement le travail du musicien et cinéaste Stéphane Lafleur qu'elle a profité du fait qu'ils partagent la même compagnie de disque pour lui demander une chanson. C'est ainsi qu'à l'été 2010, Fanny Bloom a reçu le texte d'Apprentie guerrière. Sans savoir que cela allait devenir la pièce-titre de son premier album solo, de même que la métaphore de ce que la vie allait lui réserver, ou plutôt lui imposer.

C'était un passage obligé qu'elle redoutait dans le déni: la fin de son groupe La Patère rose, car ses acolytes Kilojules et Roboto étaient devenus trop occupés avec Misteur Valaire. Cela s'est officialisé après le Festival de musique émergente, en septembre 2010. Non seulement Fanny Bloom venait-elle de perdre son groupe bien malgré elle, mais la jeune femme vivait aussi d'autres chagrins. «C'était une période difficile. J'avais l'impression de me battre dans le vide pour garder quelque chose qui me tenait à coeur.»

Telle une «apprentie guerrière», Fanny Bloom n'allait pas se laisser abattre pour autant. Disposant de seulement quatre jours pour déposer une demande de subvention au Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), elle a appelé «en catastrophe» Étienne Dupuis-Cloutier, réalisateur et ami de longue date qui a aussi émergé de la scène «Sherbrooklyn» à l'autre bout de l'autoroute 10 (sans compter qu'il a fait des spectacles avec La Patère rose). «Je lui ai demandé: qu'est-ce que tu fais de ta vie dans la prochaine année? As-tu envie de faire un album?»

Fanny et Étienne sont allés en studio pour bricoler un démo composé de trois compositions de la pianiste et chanteuse, en plus de la pièce Apprentie guerrière, un cadeau du cinéaste et musicien Stéphane Lafleur (Avec pas d'Casque). «Il venait juste de me l'envoyer et je me suis approprié ce titre-là, explique-t-elle. Ç'a m'a inspirée pour la ligne directrice de l'album.»

En attendant une réponse positive du CALQ, les deux complices ont pris le temps de discuter longuement de la signature sonore qu'allait prendre l'album, s'envoyant mutuellement des chansons ou des extraits de films. «J'avais une idée pas mal claire de ce que je voulais... Une identité propre, quelque chose de plus noir, de plus lourd, d'assumé... J'étais tannée des frivolités, du côté bubble gum.

«Je ne savais pas comment fonctionner avec quelqu'un d'autre», poursuit-elle. Mais une grande complicité est née, les deux vivant des transitions dans leur vie. «On avait une bulle dans laquelle on se comprenait.»

Une fois en studio, le mot d'ordre était d'y aller avec «des synthés super assumés», assortis de sons «organiques et tribaux» (Fanny Bloom est une fan de Lykke Li). Apprentie guerrière est en effet tapissé de piano, de claviers et de synthétiseurs de toutes sortes (piano classique, synthés kitsch et froids, claviers électro dansants), avec des percussions fortes et de multiples échantillonnages et arrangements électro-acoustiques. Les pièces demeurent mélodiques et somme toute assez pop, avec des clins d'oeil ici et là: l'auto-tune à la Bon Iver sur Mon hiver (justement), ou le titre de Tootles en référence au personnage de Peter Pan de l'enfant perdu qui égare ses billes, puis qui les retrouve en reprenant goût à la vie. «La poussière doit redescendre/Je dois renaître de nos cendres», y murmure Fanny Bloom.

Et même si le nom n'est pas dans le texte de la chanson Annie, c'est en hommage au personnage féminin du film What Dreams May Come qui perd son mari. «Et c'est dur de ne pas te voir/Et ce soir je m'éreinte à te rejoindre.»

Fanny Bloom est inspirée et à fleur de peau, c'est le moins qu'on puisse dire. Avec sa voix douce et haut perchée, elle incarne l'émotion de ses pièces aux textes courts et fort imagés. Elle est une apprentie guerrière qui ne vit pas ses émotions à moitié.

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Fanny Bloom

Apprentie guerrière

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