«Pourquoi êtes-vous debout aussi fucking tôt? a lancé le Boss. Tous les musiciens décents qui sont en ville dorment!»

Le ton était donné et Bruce Springsteen allait captiver la foule avec son charme et son humour durant la conférence qu'il donnait jeudi midi à Austin, au Festival South by Southwest (SXSW).

Springsteen a rendu hommage à la musique en retraçant son histoire du rock à lui. «Il y a quoi, 10 000 groupes en ville? Quand j'ai pris une guitare pour la première fois, le rock n'avait même pas 10 ans.»

Tellement de styles ont explosé depuis, a-t-il rappelé. Le Boss a alors cité les paroles du fameux défunt journaliste musical Lester Bangs après la mort d'Elvis, à savoir que c'était la fin du rock comme on le connaissait (We will never again agree on anything as we agreed on Elvis, a écrit Bangs).

Mais si la musique populaire ne fait plus consensus comme à l'époque en raison de la multiplication des sous-genres, un fait demeure : «le pouvoir créatif de l'auteur-compositeur». «La pureté de l'expression créative n'est pas dans les guitares ou les tables tournantes dans ce monde post-authentique», a fait valoir Springsteen.

C'est justement en voyant Elvis Presley au Ed Sullivan Show en 1956 que le jeune Bruce a eu l'appel de la musique en pratiquant ses gestuelles devant le miroir («Je le fais encore», a-t-il blagué).

Le fait que la télé, en tant que nouveau média de masse, censure les coups de bassin trop suggestifs du King allait faire naître le grand pouvoir rassembleur et militant de la musique populaire. « Elvis était un précurseur de la révolution sexuelle », dit Springsteen.

Humble, le Boss n'a pas parlé de ses succès ou sa carrière florissante lors de son discours, mais de sa vie à travers la musique. Il y a eu les pulsions de son adolescence avec les groupes Doo-Wop et Roy Orbison, le son unique de Phil Spector, le fait de voir des gars de son âge comme les Beatles devenir des héros, et la chanson We Gotta Get Out of This Place de The Animals qui lui a donné envie de découvrir autre chose que le New Jersey. C'est sans compter ce qu'il a dit sur les Sex Pistols, Bob Dylan, Pete Seeger, etc.

Springsteen a agi tel un conférencier de grand talent qui sait truffer ses propos d'anecdotes personnelles attachantes et comiques. La foule buvait ses paroles, que ce soit quand il imitait James Brown ou quand il a rendu un vibrant hommage au country de Woody Guthrie en interprétant à la guitare un extrait de Your Land is Your Land.

Sa conclusion: ne pas trop se prendre au sérieux, mais prendre sa musique au sérieux. Tout donner, mais ne jamais oublier que : «It's only rock'n'roll

Arcade Fire à Austin

À chaque année, SXSW a comme tradition d'inviter une légende de la musique. Springsteen succède aux Lou Reed, Johnny Cash, Lucinda Williams, Robert Plant, Pete Townshend, Daniel Lanois et Neil Young. Son allocution était spéciale puisqu'elle avait lieu exactement 25 ans après le tout premier jour de SXSW, le 15 mars 1987.

Les membres d'Arcade Fire ont assisté à sa conférence, dont Win Butler et Régine Chassagne. «Lundi, nous donnons une conférence sur Haïti à l'Université du Texas», nous a-t-elle indiqué.

Qui sait, peut-être que les membres d'Arcade Fire -qui sont proches de Springsteen- vont participer au spectacle que le Boss donne jeudi soir, pour lequel une sorte de système de loterie permettait d'avoir un billet.