Animé dimanche soir en direct d'Ottawa par l'acteur William Shatner, le gala des Juno s'est terminé par un grand malaise quand le trophée de l'album de l'année est allé à Michael Bublé pour son disque de Noël.

Ce dernier était absent, disant dans un message vidéo à quel point Noël est une fête importante pour lui et ses proches. Allait suivre une performance du DJ Deadmau5 avec des invités. C'était à l'image de la soirée: un gala sans queue ni tête, qui veut plaire au plus grand dénominateur commun tout en se perdant dans des élans de fierté canadienne et de volonté d'être hip.

William Shatner a été grinçant dans son introduction plutôt comique et audacieuse, faisant des blagues sur les Sénateurs d'Ottawa («I'm from Montreal so who care», a-t-il lancé), mais son medley de succès canadiens (Bryan Adams, Trooper) était trop vieux jeux.

Mais revenons au plus important, c'est-à-dire les gagnants. Il n'y a pas eu de raz-de-marée comme celui d'Arcade Fire l'an dernier. Le groupe rock de Saskatchewan The Sheepdogs a néanmoins gagné trois prix, soit meilleurs single et album rock, de même que nouveau groupe de l'année. Dommage que le groupe était absent, mais il est en tournée en Australie avec John Fogerty.

City and Colour, derrière qui est Dallas Green, a remporté le prix du meilleur auteur-compositeur. «Tout est à propos des chansons, pas de tout le reste» a-t-il dit en hommage à la musique.

Vêtue d'une magnifique robe moulante rouge en dentelle, Feist a été sacrée artiste de l'année. «J'ai besoin d'une seconde (...) je suis sous le choc», a-t-elle déclaré. Lors du gala hors d'ondes, la veille, Feist avait également remporté les prix du meilleur DVD musical et du meilleur album «adulte-alternatif». « Je ne sais pas que cette catégorie existait», a-t-elle dit aussi sur le coup de la surprise.

Dan Mangan est reparti d'Ottawa avec les statuettes du meilleur nouvel album alternatif et du nouvel artiste de l'année. Parmi les autres gagnants, il y a également Arkells (groupe de l'année), Drake (enregistrement rap), Hedley (meilleur album pop), ainsi que Dragonette en collaboration avec le DJ Martin Solveig (enregistrement dance).

Soulignons que Simple Plan a fait une prestation et que l'acteur François Arnaud (The Borgias, Les Grandes Chaleurs) a présenté un prix en arborant un carré rouge sur son veston en appui aux étudiants québécois en grève.

Facteur Arcade Fire oblige, le Québec n'avait pas la représentation enviable qu'il avait l'an dernier dans les catégories populaires, mais il a fait excellente figure dans les catégories jazz et classiques avec le pianiste Marc-André Hamelin et la chanteuse jazz Sonia Johnson qui ont remporté des trophées.

Ginette Reno et Arcade Fire ont perdu dans la catégorie du choix du public devant -c'était à prévoir- Justin Bieber, qui était absent.

Samedi soir, lors du gala hors d'ondes, Malajube avait remporté le trophée du meilleur album francophone de l'année pour son disque La Caverne devant Catherine Major, Coeur de Pirate, Fred Pellerin et Jérôme Minière.

Mais bonne nouvelle pour la scène électro montréalaise: Tim Hecker a gagné un trophée Juno pour son album Ravedeath, 1972.

Ce n'était pas une grande année pour le Québec, ni pour la musique canadienne en général. C'est du moins ce qu'on peut en conclure quand deux disques de Noël (!) étaient finalistes dans la catégorie de l'album de l'année, soit Under the Mistletoe de Justin Bieber en plus de Christmas de Michael Bublé.

Quant à la remise de prix officielle, elle avait les défauts de ses qualités comme la plupart des galas télévisés. Il faut plaire à tous donc en résulte un spectacle éparpillé entre des performances d'artistes aussi différents que Feist, Nickelback, Hedley et un hommage à Blue Rodeo.

Les producteurs du gala auraient également intérêt à enlever une couche de fierté canadienne, et à cacher davantage leurs intentions de vouloir être jeune et hip. Trop, ce n'est comme pas assez.