À 62 ans, après une pause de près de trois ans, Bruce Springsteen est de retour avec une nouvelle énergie. On l'avait constaté à l'écoute de son très bon nouvel album Wrecking Ball et il l'a prouvé tout au long d'un spectacle de près de trois heures au Madison Square Garden de New York, vendredi soir.

Springsteen a toujours été un rockeur fougueux dont chaque concert a des allures de marathon. Celui qu'il a donné à New York est à classer parmi les 4 ou 5 meilleurs que j'ai vus de lui depuis 34 ans.

Le tout a commencé comme un rappel, toutes lumières allumées. Le Boss et son E Street Band se sont lancés dans Badlands, le classique rassembleur où se manifestait déjà, en 1978, le rockeur social qui prend la parole sur Wrecking Ball. Ses fans new-yorkais ont immédiatement emboîté le pas, chantant en choeur avec leur héros, le poing en l'air.

Springsteen lui-même était tout feu tout flamme, une énergie qu'il doit tenir de sa mère Adele, 87 ans, qui est venue se trémousser sur scène au rappel pendant Dancing in the Dark. Les chansons se sont imbriquées l'une dans l'autre tant et si bien qu'il a fallu attendre une cinquantaine de minutes avant une première pause permettant à tout le monde, musiciens comme spectateurs - debout depuis le tout début -, de souffler un peu.

Après l'irrésistible Murder Incorporated et une version rockabilly de Johnny 99, chanson vieille de 30 ans dont le protagoniste hors-la-loi ne détonnerait pas sur Wrecking Ball, ce fut la nouvelle Jack of All Trades, écrite avant le mouvement Occupy Wall Street et qui dénonce le sort des moins nantis victimes de la crise pendant que les gras durs - «et les guitaristes riches», a ajouté Springsteen - s'en tirent.

Un grand disparu

Le E Street Band de 2012 compte 15 musiciens et chanteurs, dont pas moins de cinq cuivres. Ce n'est plus un groupe rock, c'est un véritable orchestre! Ce nouveau E Street Band s'est approprié sans problème aucun les récentes chansons aux accents folkloriques comme Death to My Hometown et Shackled and Drawn qui ont pris leur place tout naturellement dans le répertoire de Springsteen.

Le Boss a fait référence à quelques reprises, sans les nommer, aux deux musiciens du E Street Band que la mort a fauchés depuis 2008: l'organiste Dan Federici et le saxophoniste format géant, et complice essentiel, Clarence Clemons. Celui-là même dont on a revu avec émotion le sourire sur écran géant quand Springsteen s'est arrêté net après avoir mentionné le Big Man dans Tenth Avenue Freeze-Out, dernière chanson de la soirée.

Pendant que défilaient des images du disparu, la foule l'a ovationné comme elle avait acclamé jusque-là le jeune Jake Clemons chaque fois qu'il prenait un solo qui portera toujours la signature de son oncle.

Autre moment fort de cette soirée magnifique: le blues-jazz torride de Kitty's Back, chanson de 1973 au cours de laquelle l'organiste Charlie Giordano, le guitariste Springsteen, les cinq cuivres et surtout le pianiste Roy Bittan ont laissé libre cours à leur talent d'improvisateurs. Mentionnons également American Skin (41 Shots) qui avait suscité une certaine controverse au même Madison Square Garden il y a 12 ans et qui est plus que jamais d'actualité à la suite de la mort du jeune Trayvon Martin en Floride.

Ajoutez à cela quelques surprises - la rarissime Lion's Den, joyeusement rhythm and blues, ajoutée par le Boss en plein milieu du concert - et vous avez là tous les ingrédients d'un spectacle mémorable.

Souhaitons-nous que la tournée Wrecking Ball s'arrête au Centre Bell quand Springsteen et le E Street Band fouleront à nouveau les scènes nord-américaines à l'automne.