L'enquête interne ouverte à l'Orchestre symphonique de Montréal relativement à deux plaintes de harcèlement sexuel visant Charles Dutoit n'a pas permis de colliger suffisamment d'informations, indique l'OSM mardi.

Le comité exécutif de l'OSM avait décidé en décembre 2017 de commander une enquête indépendante en matière de harcèlement sexuel au travail après avoir reçu une plainte contre M. Dutoit, qui avait été le directeur artistique de l'orchestre montréalais de 1977 à 2002. Finalement, au terme de son travail, l'experte indépendante a été saisie de deux plaintes de harcèlement sexuel visant M. Dutoit.

Mais après avoir rencontré ou communiqué avec les plaignantes «à plusieurs reprises», l'enquête de l'experte n'aurait pas permis «de consigner d'informations suffisantes en rapport avec des allégations de harcèlement sexuel», indique l'OSM dans un communiqué. Les deux plaignantes «n'auraient pas souhaité donner suite à leurs plaintes, ne jugeant pas opportun de fournir de déclarations formelles relatives à leurs allégations», écrit l'orchestre. Le processus d'enquête interne a donc pris fin à la mi-octobre.

Charles Dutoit fait face depuis environ un an à une série d'allégations d'agressions sexuelles, et plusieurs orchestres ont depuis mis fin à leur collaboration avec le chef. M. Dutoit rejette en bloc les allégations, qui n'ont pas été prouvées en cour.

Selon l'OSM, l'experte indépendante a mené son enquête sur le modèle du Code de conduite de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, tout en s'inspirant d'un guide rédigé par le Barreau du Québec.

«Nous compatissons sincèrement avec les deux plaignantes qui ont finalement décidé de ne pas donner suite à leurs plaintes pour des motifs qui leur appartiennent en propre», a indiqué Madeleine Careau, chef de la direction de l'OSM. «Nous respectons ce choix personnel et accueillons avec considération le travail réalisé par l'experte indépendante.»

Harcèlement psychologique

L'experte indépendante a par ailleurs recommandé à l'OSM de resserrer et élargir les dispositions de sa politique en matière de harcèlement au travail. L'OSM indique mardi qu'une nouvelle version de cette politique proposée par la spécialiste sera discutée avec la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec, avant d'être soumise au comité exécutif de l'orchestre.

Plusieurs musiciens se sont plaints du comportement passé de M. Dutoit, qui se serait souvent acharné sur certains membres de l'OSM qu'il avait pris en grippe. Le directeur artistique avait quitté son poste le 10 avril 2002, moins de 48 heures après avoir été accusé par des musiciens d'être «un tyran qui les harcèle, les insulte et fait preuve d'une cruauté mentale telle que certains ont été déstabilisés».

La nouvelle politique proposée par l'OSM protégerait contre le harcèlement tous les musiciens et les artistes invités, ainsi que tous les membres de l'administration, durant ou à l'extérieur des heures normales de travail. L'OSM recommande d'y définir le harcèlement comme «l'exercice de pouvoirs ou de l'autorité de manière abusive et moralement contraignante». La nouvelle politique clarifierait aussi les modalités de dépôt et de traitement des plaintes.

«Nous devons prendre acte des résultats des travaux de l'enquêteuse et en tirer les enseignements qui s'imposent en adoptant une nouvelle politique, renforcée et élargie, a indiqué Mme Careau. Cette nouvelle politique sera alignée sur les meilleures pratiques et sur le principe de la tolérance zéro en matière de harcèlement, quelle qu'en soit la forme.»

En outre, l'OSM «compte inclure une clause dans le contrat de son prochain directeur musical l'engageant à respecter la Politique de prévention en matière de harcèlement au travail et de discrimination». Le directeur artistique actuel de l'OSM, Kent Nagano, doit quitter son poste en 2020.

La même clause sera insérée dans les contrats des artistes invités et de tierces parties comme les fournisseurs de biens et services, précise l'OSM.