En tête d’affiche, le brillantissime musicien de blues, folk et gospel Ben Harper nous cause depuis la Ville Lumière, sa ville d’adoption, un mois après la sortie de Bloodline Maintenance, son 17e album.

La première fois que Ben Harper s’est fait connaître du public québécois — nous y étions –, c’était en 1994 ; un set de 15 minutes qui a tétanisé tout le monde avec une poignée de chansons revendicatrices venues des tréfonds du blues et du reggae, le poing en l’air, chantant I Rise, hymne fédérateur.

« C’était au Spectrum en première partie de Colin James », lance notre interlocuteur à la mémoire intacte. Il a beau n’avoir que 52 ans, Ben Harper, 28 ans et des dizaines de tournées à travers le monde plus tard, s’en souvient.

« Montréal est l’une des greatest cities on the planet », enchaîne-t-il, faisant aussi allusion au Festival international de jazz de Montréal, qui l’a ponctuellement invité.

Avec des disques immenses durant les années 1990 comme Welcome to the Cruel World, Fight for Your Mind, The Will to Live et Burn to Shine, toujours dans les talles de l’americana, les échafaudages de sa renommée étaient érigés. Musicien iconoclaste et imprévisible, il a fait paraître Bloodline Maintenance, disque entièrement autoproduit, le 22 juillet dernier. Harper joue de tous les instruments sur cet album réjouissant, corpus de 11 chansons qui défriche de nouveaux territoires musicaux.

Il a fallu que je mette de côté mes méthodes de création habituelles pour en faire un nouvel alliage, c’est un sonic rebirth, une renaissance, comme si c’était mon premier, et avec chaque nouveau disque, je gagne de nouveaux fans et j’en perds, on ne s’en sort pas.

Ben Harper

Injustices sociales (Problem Child) et ethniques (We Need to Talk About It), menaces nucléaires (Where Did We Go Wrong), on est loin des chansons du top 40.

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« J’ai découvert très jeune comment faire un hit, Steal My Kisses, qui a été sur les palmarès radio. J’aurais facilement pu en faire quelques variantes pour le restant de mes jours, mais rien ne m’aurait plus ennuyé. Alors j’ai couru en sens inverse le plus loin possible. Imagine la tête des patrons de Virgin en 2004 quand je leur ai annoncé que j’avais un projet de disque gospel [avec The Blind Boys of Alabama]. Je suis très imprévisible d’une chanson à l’autre et d’un disque à l’autre ; être éclectique, c’est mon fonds de commerce. »

Pas du tout préoccupé par les ventes, de toute évidence, il se définit davantage comme un no-hit wonder, « parce que la célébrité, tu n’en as pas besoin pour avancer dans une carrière ». « Je me définis d’abord comme un agnostique amoureux de Dieu », dit celui qui a récemment reçu un coup de fil d’un certain Harry Styles, vedette planétaire de l’heure.

« Il aimait ma façon de jouer de la guitare, j’ai sauté sur l’occasion. Quand je suis arrivé au studio, la première chose qu’il m’a dite, c’est : “Qu’est-ce qu’on mange pour dîner ?” Mais une fois dans le laboratoire, c’est devenu très sérieux. »

Un Américain à Paris

À l’instar de la chanson Free Man in Paris de Joni Mitchell (sur l’album Court and Spark), Ben Harper est désormais un homme libre dans la Ville Lumière. Le climat anxiogène qui règne aux États-Unis en est la principale raison.

PHOTO LIONEL BONAVENTURE, AGENCE FRANCE-PRESSE

Ben Harper

« Je viens ici depuis l’âge de 17 ans et j’y ai passé de longs séjours autrefois. Cette fois-ci est peut-être la bonne, on verra. Mais il y a tellement de paperasse, d’obstacles bureaucratiques : visas de travail, de résident temporaire, les taxes, ce n’est pas si simple, mais je fais connaissance avec les gens du quartier, je laisse mes enfants [ses deux plus jeunes] me brasser au parc et je compose de nouvelles chansons tout en apprenant le français. »

Sans Juan Nelson, son compagnon de la première heure des Innocent Criminals, mort l’an dernier, la vie continue.

La vie en tournée à mon âge n’a jamais été aussi agréable. Je ne bois pas, je ne fume pas ; ça m’a pris tout ce temps pour finalement être à l’aise avec la manière de présenter ma musique.

Ben Harper

« On vient de terminer une trentaine de shows durant une tournée européenne de sept semaines qui m’a fait vivre des moments rares, avec mon nouveau groupe. »

Son indéfectible adhésion à la guitare Weissenborn, dont il joue assis, l’instrument couché à l’horizontale sur ses cuisses, les cordes vers le haut, est notoire. Excellent joueur de lap steel aussi, Ben Harper a hâte de débarquer à Trois-Rivières.

« On va jouer quelques chansons de Bloodline Maintenance, l’époque où je ne jouais que le nouveau disque en concert dans un esprit de rébellion est derrière moi. Je préfère choisir des chansons de mon catalogue, y ajouter quelques surprises, mais l’objectif principal demeure de rendre les chansons du disque encore meilleures en spectacle, sans pour autant m’éloigner des versions studio. »

Ben Harper sera à Trois-Rivières en blues le 26 août à l’Amphithéâtre Cogeco. Premières parties : The Lachy Doley Group et le Steve Hill Band.

Consultez le site de Trois-Rivières en blues