On a découvert Matiu il y a quatre ans avec Petikat, premier album au folk rock rugueux et authentique. Avec Louis-Jean Cormier à la réalisation de son deuxième, Tipatshimushtunan, qui vient tout juste de sortir, le chanteur innu arrive avec quelque chose d’encore plus solide et concentré… mais sans se dénaturer.

Comme dans son premier album, c’est de la vie à « Malio », la réserve de Maliotenam sur la Côte-Nord, près de Sept-Îles, qu’il est question dans Tipatshimushtunan.

« C’est comme si j’ouvrais la porte de chez nous un peu », nous dit Matthew Vachon.

Tipatshimushtunan signifie « racontez-nous » en innu. C’est aussi le titre de la première chanson de l’album, qui parle des séquelles des pensionnats autochtones et dont le clip en forme de mini-documentaire donne la parole à des survivants. Un sujet dur et nécessaire, qu’il n’aurait pas osé aborder il y a quatre ans.

« Le premier album, c’est l’histoire de toute ta vie. J’avais eu 30 ans pour y penser. Le deuxième, ça prend deux-trois ans pour le réfléchir, alors il faut que tu ailles plus loin. Je trouvais que c’était un sujet important à raconter. »

La vie à Malio

C’est Matiu, et son regard observateur sur le monde, qui est le fil conducteur de cet album. Il y raconte l’histoire d’un homme qui cherche partout sa sœur disparue (l’émouvante 4 flasheurs), relate le sentiment d’enfermement vécu pendant la pandémie (l’effervescente Me semble que ça fait longtemps), rend un doux hommage à sa fille et à sa mère (Hélicoptère, Mom), et évoque les hauts et les bas de la vie sur la réserve (l’excellente Nos belles chansons).

« On l’aime, notre communauté, on est fiers d’être innus ! Des fois c’est plus difficile, mais des fois, la vie est full belle à Malio. »

0:00
 
0:00
 

Il lui rend d’ailleurs un hommage joyeux dans la chanson Maliotenam, en duo avec le rappeur Shauit. En fait, une bonne partie de l’album est menée tambour battant, et les chansons y avancent à un rythme trépidant.

Oui, on a envie de peser sur le gaz ! Il y a des tounes qui te font aller à 140, d’autres qui te ramènent à 80 peut-être...

Matiu

Canaliser

Matiu le sait : son premier album, enregistré sans réalisateur et qui lui a demandé énormément de temps à faire, était plus éparpillé. Travailler avec Louis-Jean Cormier lui a permis de canaliser ses influences diverses.

« Avec mon ami Louis-Jean, on a trouvé de belles couleurs. Et il était là pour me ramener quand je m’éloignais trop de la piste. »

0:00
 
0:00
 

Matiu est arrivé en studio avec ses chansons guitare-voix qui, en dix jours, ont été habillées une par une avec les musiciens. Mais il n’a jamais été question de le transformer ou d’adoucir son grain de voix rocailleux par exemple. « Je suis quelqu’un qui est difficile à dénaturer ! », dit-il dans un éclat de rire.

Et puis, la base était là : des mélodies très fortes, des textes simples et vrais. « Avant de l’écrire, je vois toujours la toune dans ma tête comme un film. J’aime que les gens voient des images quand je chante. »

Message

Environ le tiers des chansons de l’album est écrit en innu et le reste, en français. Comment fait-il pour décider quelle langue utiliser ?

« Ça dépend à qui le message s’adresse. Si la personne à qui tu veux parler ne comprend pas, le message ne passe pas ! »

Le chanteur, qui participe depuis quelques années au spectacle collectif Chansons rassembleuses – Nikamu Mamuitun, qui réunit des artistes autochtones et allochtones, a vu avec plaisir les mentalités changer depuis la sortie de son album précédent en 2018. Des ouvertures se créent et des ponts se bâtissent, constate-t-il.

On parle tout le temps de créer des ponts. Mais il faut aussi les traverser, ces ponts.

Matiu

Un quota à la radio pour la musique autochtone — une pétition circule en ce moment — pourrait aider à en découvrir toute la diversité. Le même genre d’impact qu’a le trophée remis par l’ADISQ à l’artiste autochtone de l’année depuis 2019.

« On l’aime beaucoup, mais il n’y a pas juste Florent [Vollant] ! Un trophée comme ça, ça permet de découvrir plein d’autres artistes. » De l’électro-pop d’Anachnid au folk de Laura Niquay, il y a en effet un monde, et un réel bouillonnement de talents.

« Je suis fier d’être dans ce mouvement, de participer à toute cette fierté. »

0:00
 
0:00
 

Matiu espère que son nouvel album lui permettra de créer de nouveaux liens et il a hâte de le présenter en spectacle. « J’espère qu’il fera du bien. » Et que le message passera ?

« On veut tous changer le monde pour le mieux dans la vie. S’il fait du bien et qu’il ouvre l’esprit des gens sur des réalités qu’ils connaissent moins, ma job va être faite. »

Voyez le clip de la chanson Tipatshimushtunan
Tipatshimushtunan

Folk rock

Tipatshimushtunan

Matiu

117 Records