On a remarqué Tamino il y a trois ans grâce à sa voix douce, capable d’atteindre des notes haut perchées avec souplesse. Quelques jours après un passage à guichets fermés au Club Soda, le chanteur belge aux origines égyptiennes lance Sahar, un disque élégant plein de zones d’ombre.

Il est presque midi, mais Tamino a les traits tirés à l’écran. La veille de son entretien avec La Presse, il était sur scène à Boston. Seul, comme pour le reste de sa tournée nord-américaine. Il ne s’est pourtant pas attardé après son spectacle. Son apparente lassitude tient plutôt à son mode de vie sur la route.

« Je mène une vie vraiment plate en tournée, révèle-t-il. Je ne reste pas tard après un concert, je rentre et je me couche pour prendre soin de ma voix. C’est le contraire d’une vie rock’n’roll. »

Tamino, 25 ans, grand gaillard né d’une mère néerlandaise et d’un père égyptien, s’astreint à ce régime par respect pour les gens qui se déplacent pour entendre ses chansons raffinées construite autour de sa voix souple, habitée par quelque chose de spirituel.

Il croit profondément en la connexion qui peut s’établir à travers la musique. « Je trouve ces moments vraiment importants sur le plan humain, dit-il. Je suis tout à fait conscient que les gens qui viennent voir mes concerts cherchent autre chose que lorsqu’ils vont voir un groupe de rock. Je me sens une responsabilité envers eux. »

Désir de transcendance

Sahar, comme son album Amir (2018), est un disque lent, à la fois paisible et traversé d’ombres, où tout est plus grand que nature. Tamino n’est pas Rufus Wainwright : il n’y a absolument rien de pompeux ni d’extravagant dans son univers. Rien non plus d’aussi grandiose que chez Radiohead, dont on reconnaît l’influence dans certaines textures et certains arrangements – pour l’anecdote, il travaille de façon sporadique avec Colin Greenwood, bassiste du célèbre quintette d’Oxford.

Ce côté plus grand que nature tient plutôt au désir d’élévation qui porte ses chansons. Un je-ne-sais-quoi d’intangible qui s’éclaire lorsque le chanteur raconte que, même s’il n’a pas grandi dans une famille croyante, il a toujours été très intéressé par les histoires religieuses.

Même petit, [les histoires religieuses] m’intriguaient, je trouvais qu’elles avaient du sens. C’était pareil pour les mythes grecs : j’adorais ça et j’adore toujours ça. J’ai lu des parties de livres sacrés – la Bible et le Coran – et je les trouve signifiants. On peut leur trouver un sens même si on ne croit pas en Dieu.

Tamino

Sur Amir, une chanson s’appelait Persephone, déesse protectrice de la vie et de la mort. Sur Sahar, une chanson s’intitule The First Disciple (le premier disciple) et une autre, Sunflower, qu’il chante en duo avec sa compatriote Angèle, est aussi inspirée d’un mythe grec. Les références ne sont pas directes. Parlons plutôt d’un état d’esprit, un désir de transcendance qu’on sentait aussi chez Leonard Cohen.

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Ambiances feutrées

Tamino, pourtant, résume son approche à une « question de feeling ». Et ça a quelque chose de thérapeutique pour ce jeune homme en général trop pris dans ses pensées. « J’ai tendance à trop réfléchir, j’aimerais penser moins ! lance-t-il. C’est pour ça que j’aime écrire des chansons, ça me met dans un autre état. »

Il dit d’ailleurs que ses morceaux, il les compose autant qu’il les « reçoit ».

Sur Sahar, ça donne des chansons aux ambiances le plus souvent feutrées, nées d’une guitare délicate ou d’un piano nuageux, parfois traversées de textures électroniques ou enluminées par des violons. Nouveauté intéressante : Tamino utilise davantage l’oud, luth arabe dont il dit jouer « dans le respect de la tradition », mais à sa manière. Il n’a pas tort : si la sonorité de l’instrument renvoie aux musiques moyen-orientales, il s’en sert parfois pour accentuer des passages dont on sent que, s’il adoptait une approche rock, ils seraient joués par une guitare électrique.

Tamino embrasse large sur ce deuxième disque ni rock, ni pop, ni folk, ni indie et qui est aussi un peu tout ça à la fois. On s’étonne d’ailleurs de l’entendre offrir une chanson aux contours soul (Cinnamon) et une autre presque country-folk (Only Your Love). Pourquoi ? Le chanteur n’a pas d’explication. « Si ça me touche, dit-il, ça me touche… » Question de feeling.

Sahar

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