Après un passage à vide de plusieurs années, la douce et têtue Catherine Durand est de retour avec La maison orpheline, riche et ambitieux album orchestral.

Catherine Durand distille son folk évanescent depuis près de 25 ans déjà. Mais en 2016, après la sortie de son sixième album, La pluie entre nous, l’autrice-compositrice-interprète a senti l’inspiration la quitter. « C’est pour ça que deux ans après j’ai fait Vingt, un album de relectures. Pour me redonner le goût, après des années pratiquement sans écrire une seule chanson. »

Au téléphone, on comprend tout de suite dans sa voix enjouée que cet épisode est chose du passé. Elle raconte que la pandémie, qui l’a forcée à rester emmurée chez elle, lui a « ouvert des portes » plutôt que d’en fermer.

Les idées venaient, j’avais envie de créer, de mettre aussi sur papier ces années difficiles. Ç’a été un exutoire à un paquet d’expériences plus tough qui ont marqué les cinq ou six dernières années.

Catherine Durand

La musicienne a retrouvé son erre d’aller dans une résidence de création à Banff et le « goût de la musique pour le plaisir seulement » en accompagnant sur scène Mara Tremblay, puis Marie-Annick Lépine des Cowboys Fringants, qui a sorti un album solo l’an dernier. « On est allés deux fois en Europe, on a fait des grosses scènes en ouverture des Cowboys. Depuis 2022, ça va bien, tout s’est allégé, est devenu plus serein. Peut-être que c’est à cause de la cinquantaine ! »

C’est quand même dans un esprit « cet album est peut-être le dernier » que Catherine Durand a concocté La maison orpheline. « Avec tous les jeunes qui sont bons et qui veulent leur place, je me dis : est-ce que je suis encore pertinente ? Alors j’ai décidé de mettre le paquet et d’aller jusqu’au bout de toutes les idées que j’avais depuis longtemps. J’en ai parlé à ma compagnie de disques, avec qui je m’entends super bien ! »

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Catherine Durand éclate de rire : elle a fondé son propre label, KatMusic, il y a plusieurs années déjà. La chanteuse-productrice s’est donc « payé la traite » avec un orchestre de neuf musiciens, avec des cordes, des cuivres et des arrangements somptueux de Vincent Legault des Dear Criminals, avec qui elle a coréalisé l’album. « Le résultat est encore mieux que ce que j’avais en tête, se réjouit-elle. C’est un génie, ce gars-là, je suis choyée et privilégiée d’avoir travaillé avec lui. »

Vibration

Catherine Durand a toujours fait une musique atmosphérique, et ses chansons se glissent bien dans ce son « orchestral, ouvert et étoffé ». Son interprétation tout en délicatesse vient aussi s’y lover parfaitement — la douceur de sa voix, une de ses principales caractéristiques, est même magnifiée.

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« On change en prenant de la maturité, et notre voix aussi. Je trouve que je chante de mieux en mieux… Quand je réécoute mes premiers albums, je me tape sur les nerfs ! lance-t-elle. Là il y a une place pour la vibration qui vient s’ancrer plus profondément, de manière plus intérieure. »

Bien sûr, l’émotion est ici à fleur de peau. La maison orpheline, qui porte bien son titre, est un album de deuil et de perte, un journal intime et grave qui trace son chemin vers la lumière. « Ça parle beaucoup de l’absence, des amours qui s’en vont, des amitiés et des gens qu’on aime, quand on se retrouve seul… »

Mais plein de gens peuvent maintenant entrer dans sa maison. Elle espère qu’ils prendront le temps de s’y asseoir pendant 45 minutes pour écouter toutes les chansons et se nourrir de son ambiance enveloppante avant d’en ressortir. « J’aimerais qu’il accompagne, qu’il apaise. »

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Catherine Durand devrait annoncer bientôt la création d’un « projet parallèle », et elle continue à mener seule sa petite entreprise de chocolat chaud, SÜK. « Ça m’a tellement aidée pendant la pandémie. Les gens en ont bu beaucoup, du chocolat chaud ! »

À 51 ans, elle a appris à ne plus trop se projeter dans l’avenir et à profiter du présent. Et elle se sent très reconnaissante d’avoir encore une place, malgré la marée de nouveautés qui sort chaque semaine. « Je suis très humble par rapport à tout ça. Je sais que c’est difficile de durer. » Difficile sur le moral, sur le cœur, financièrement. « Il faut être têtu un peu pour faire ce métier, dit-elle. Mais il n’y a rien de plus satisfaisant pour moi que de terminer une chanson de laquelle je suis fière. Retrouver le feu de la création, c’est la plus belle chose au monde. »

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