Rafael Payare est de retour dans la métropole cette semaine pour roder une partie du programme qu’il dirigera à la tête de son orchestre lors de la première tournée européenne qu’ils effectueront ensemble du 21 au 28 octobre. L’aperçu qu’il nous a été donné d’entendre mercredi soir à la Maison symphonique ne laisse guère d’inquiétudes sur le succès outre-mer de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM).

C’est avec Liszt (Les préludes), Ravel (Concerto pour piano en sol avec Víkingur Ólafsson) et Chostakovitch (Symphonie no 10) que l’ensemble commencera sa visite sur le Vieux Continent (Zagreb et Budapest). C’est le même programme qui a été entendu mercredi soir à Montréal.

La formation poursuivra son périple avec deux programmes au Konzerthaus de Vienne, où elle reprendra certaines œuvres jouées ces derniers mois, Nänie et Le chant du destin de Brahms avec la Wiener Singakademie, la Rhapsodie sur un thème de Paganini avec le pianiste montréalais Bruce Liu et la Symphonie no 5 de Mahler, également jouée en Corée du Sud l’été dernier.

Après le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (Mahler et un concerto de Mozart avec le violoniste Augustin Hadelich), l’OSM retrouvera Ólafsson au Royal Festival Hall de Londres pour clore sa tournée. Les Belges et les Autrichiens – et ceux qui iront au concert de jeudi à la Maison symphonique – entendront également Elysium du Montréalais Samy Moussa. Beaucoup de pain sur la planche, donc.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Rafael Payare dirigeant le programme de l’OSM, mercredi soir

Les férus de classique auront peut-être déjà entendu l’Islandais Víkingur Ólafsson, une des nouvelles stars de Deutsche Grammophon. Âgé de 38 ans, il laisse déjà dans son sillage une série de disques burinés témoignant d’un sens aigu de la réinvention.

De son Concerto en sol de Ravel, on retiendra en particulier un mouvement lent en suspension, avec des couleurs d’un autre monde (malgré la désormais traditionnelle sonnerie de cellulaire intervenue au pire moment…). Les mouvements rapides sont pour leur part bien assurés, avec une poésie de chaque instant.

En rappel, il a offert, pour son ami Andrew Wan, co-violon solo de l’orchestre, une étrange transcription par August Stradal (un élève de Liszt et Bruckner) du mouvement lent de la Sonate en trio no 4 en mi mineur pour orgue, BWV 528, de Bach. Étrange car annihilant le dialogue entre les deux mains rendu possible à l’orgue. Mais le pianiste joue le morceau avec une profondeur et un toucher absolument uniques.

On goûte moins la direction de Payare dans le concerto. Il est vrai que Ravel indique peu de changements de tempos dans les mouvements rapides. Mais certains changements d’atmosphère invitent à notre avis à plus de différenciation.

Et manque le côté canaille, notamment par une légère anticipation des contretemps et syncopes. Le chef de l’OSM entre toutefois admirablement dans le climat instauré par Ólafsson dans le mouvement central.

La Symphonie no 10 de Chostakovitch est nettement plus convaincante. Le Vénézuélien nous avait éloquemment montré ses affinités avec le compositeur soviétique l’an passé lors du concert d’ouverture, à l’occasion duquel il avait donné une fascinante Symphonie no 5.

Ici, tout est en souplesse, les lignes coulant de source. Le Moderato initial est un vrai Moderato (pas un Largo comme le font certains chefs). Le mouvement suivant, un Allegro, est réalisé avec une énergie tellurique, malgré certaines notes qui pourraient être plus « sèches » (les deux premières, notamment, sont trop longues, trop confortables).

L’Allegro final (deuxième partie du dernier mouvement) aurait également pu davantage en découdre en raccourcissant l’espace entre certains motifs pour obtenir quelque chose de plus haletant. Mais dans l’ensemble, l’œuvre, dirigée de mémoire, est bien digérée, bien sentie par le chef titulaire de l’OSM. On les retrouvera avec plaisir en novembre !