« Miles Davis est l’un des artistes les plus importants du XXe siècle, au même titre que Stravinsky et Picasso. Il est dans cette classe unique. Un être d’exception. »

André Ménard, cofondateur du Festival international de jazz de Montréal (FIJM), a rencontré le maître trompettiste new-yorkais à quelques reprises dans les années 1980. À tout le moins assez souvent pour que l’artiste finisse par l’interpeller par son prénom… une fois. « Une rencontre fortuite à Paris, se souvient-il. Il sortait d’un ascenseur, dans le hall d’entrée d’un hôtel. Il m’a vu, est venu vers moi en me lançant un “Hi André !”. J’étais un petit gars bien content. Je m’en souviendrai toujours. »

Et il se souviendra toujours également des passages de Miles Davis dans la métropole, dans le cadre du festival.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

André Ménard, cofondateur du Festival international de jazz de Montréal

Montréal a été un témoin privilégié de son œuvre et de sa renaissance artistique.

André Ménard, cofondateur du Festival international de jazz de Montréal

Il poursuit : « On était bien contents de l’avoir en 1982, lui qui recommençait à jouer après quelques années difficiles. Mais c’était un concert où on le sentait un peu hésitant, moins dans l’exploration ou dans l’abandon. »

Rien pour empêcher les organisateurs de lancer une nouvelle invitation pour revenir l’année suivante. « On parle de Miles Davis quand même, souligne M. Ménard. Il a une aura autour de lui. Il dégage quelque chose d’unique. Il a réinventé la musique. Bien sûr qu’on voulait qu’il revienne jouer. »

Retour donc du trompettiste au FIJM le 7 juillet 1983. Ce soir-là, Miles Davis n’est plus l’artiste partiel vu 12 mois plus tôt, explique le cofondateur du FIJM.

On était au [Théâtre] St-Denis, et dès les premières notes, on a compris que le maître était en grande forme ! La renaissance était complétée. Tous ceux qui étaient à ce concert le diront : c’était un grand moment, un show éclatant.

André Ménard, cofondateur du Festival international de jazz de Montréal

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Mettre le feu au St-Denis

Un concert marquant dans la carrière de Miles Davis, donc. À un point tel que, 39 ans plus tard, le voilà de retour dans l’actualité. Ce concert a d’abord pris le chemin des disquaires, en format vinyle, en juillet dernier. Il est maintenant au cœur du coffret CD sorti il y a quelques jours et titré That’s What Happened 1982-1985 : The Bootleg Series Vol. 7.

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On y retrouve trois disques qui retracent ses dernières années chez Columbia – une division de Sony Music depuis – avant son saut chez Warner Music. Sur les deux premiers, des enregistrements en studio, des essais – certains heureux, d’autres moins – et des coups de pinceau de certaines pièces qui marqueront la toile musicale du trompettiste.

PHOTO ROBERT ETCHEVERY, FOURNIE PAR LE FESTIVAL INTERNATIONAL DE JAZZ DE MONTRÉAL

Miles Davis au Théâtre St-Denis, le 7 juillet 1983

Le troisième est ledit concert. Neuf pièces pour plus de 80 minutes. L’ambiance électrique – dans la salle comme sur scène – s’entend. Les spectateurs présents sont accrochés aux notes projetées par un Miles Davis énergique, qui propose une fusion de funk, de blues, de soul, mais aussi de pop. Des sonorités rafraîchissantes qui découlent d’un amour assumé pour la musique des petits nouveaux de l’époque, de Michael Jackson à Cyndi Lauper, en passant par Prince et D-Train.

Pour mettre le feu – musicalement parlant, bien sûr – au Théâtre St-Denis, ce soir-là, M. Davis s’est entouré de jeunes musiciens prometteurs qui deviendront des références des milieux jazz et rock : le guitariste John Scofield, le saxophoniste Bill Evans, le bassiste Darryl Jones, le batteur Al Foster et le percussionniste Mino Cinelu.

Une équipe all-star, rien de moins. C’est un élément majeur pour lequel ce concert a été aussi important. Et aussi une bonne raison pour Sony de le choisir et de l’inclure dans ce nouveau coffret !

André Ménard, au sujet des musiciens présents sur la scène du Théâtre St-Denis

À l’écoute, le fan de Davis notera des moments majeurs. On pense à la pièce d’ouverture, Speak (That’s What Happened), qui lance avec brio le son funk-synthétisé du Davis version années 1980, accompagné de la basse grasse et joyeuse de Darryl Jones.

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Ou encore à la pièce What It Is, où Davis s’agite au synthétiseur dans les cinq premières minutes avant de reprendre son souffle avec force à la trompette et d’accompagner un John Scofield en transe, rien de moins. Non, ce n’est pas un hasard si ces deux compositions trouveront place sur l’album Decoy, qui sortira l’année suivante.

Osons l’écrire : ce coffret porte bien son nom, car la renaissance de Miles Davis, That’s What Happened ce 7 juillet 1983, à Montréal.

Miles Davis – That's What Happened 1982-1985 : The Bootleg Series Vol. 7

Jazz

Miles Davis – That's What Happened 1982-1985 : The Bootleg Series Vol. 7

Miles Davis

Columbia Records