Ils sculptent le son, l’espace et la lumière : voici six artisans de l’ombre finalistes à l’ADISQ, vus par les artistes avec qui ils ont travaillé. Six histoires d’amitié et de confiance, parce qu’au-delà de la technique, la musique est d’abord une aventure humaine.

Ariane Moffatt et Julie Basse : la partenaire incandescente

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Julie Basse et Ariane Moffatt

Ariane Moffatt et Julie Basse ne se connaissaient pas avant que la conceptrice d’éclairage ne se joigne à l’équipe du spectacle Incarnat. Mais la connexion entre les deux artistes s’est établie « dès le premier partage d’idées », raconte la chanteuse.

L’autrice-compositrice-interprète se retrouve seule sur scène avec son piano pour ce spectacle où la vulnérabilité règne. Julie Basse est venue lui donner des « partenaires de scène » grâce à son travail. « Quand tu as un band, le public regarde tout autour, mais quand tu es seule, ton accompagnement sur la scène, c’est notamment le travail de lumière », affirme Ariane Moffatt.

Pour Julie Basse, la conception d’éclairage fait partie d’un tout. « Tout ce que je fais, je le fais en équipe », dit-elle, en soulignant l’apport du metteur en scène Philippe Cyr et de la scénographe Odile Gamache.

Ma discipline existe parce que du monde imagine des espaces et des corps dans ces espaces. Je viens y mettre ma touche et cette chimie donne un spectacle.

Julie Basse

Pour Incarnat, le mandat de Julie était notamment de créer une dimension autour de l’artiste, un espace qu’elle pourrait habiter. « Ariane, c’est avant tout une bête de scène. On pourrait ne rien faire et ça fonctionnerait et les gens seraient touchés, observe Julie. Odile est arrivée avec l’idée d’un champ de pampas et j’ai dû travailler cet espace pour que ça vive sous différents angles, pour créer une relation entre le décor et Ariane. »

« Julie considère vraiment la scène comme un lieu sacré. Elle ne prend pas de gants blancs quand vient le temps d’aborder le lieu, l’univers de l’artiste, dit Ariane. Elle travaille avec beaucoup d’engagement et de sérieux. »

Complices, les deux artistes sont liées dans cette envie de tout mettre en œuvre pour que le spectacle soit un vecteur d’émotions. « On partage une passion folle de ce qu’on fait et c’est facile de travailler et communiquer avec quelqu’un d’aussi passionné, qui veut toujours pousser les choses, dit Ariane Moffatt à propos de celle qu’elle appelle maintenant son amie. Ç’a été comme un coup de foudre. »

Julie Basse

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En lice dans la catégorie Conception d’éclairage et projections de l’année – spectacle Incarnat d’Ariane Moffatt

Ariane Moffatt

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Finaliste dans cinq catégories, dont Spectacle et Chanson de l’année

Marissa Groguhé, La Presse

Dominique Fils-Aimé et Simon Lévesque : le musicien invisible

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Simon Lévesque et Dominique Fils-Aimé

Simon Lévesque est le sonorisateur des spectacles de Dominique Fils-Aimé depuis 2019, et c’est la deuxième fois qu’il est sélectionné à l’ADISQ pour son travail avec elle. « Simon, c’est un musicien. Complètement. Sauf que les gens ne le voient pas. »

Avec les années, un début d’amitié est né — « On n’habite pas loin, quand j’avais mal au dos cette année, il venait me porter des petites soupes avec sa femme ! » —, et une grande relation de confiance s’est développée.

Ça me rend presque paresseuse ! C’est le meilleur des deux mondes. Il est super expérimenté, et en plus, il a une volonté d’amener le show à un autre niveau et de s’assurer que ma voix est le mieux représentée possible. Pour une chanteuse, c’est le top des luxes.

Dominique Fils-Aimé

Simon Lévesque, qui « fait du son » depuis une douzaine d’années, aime beaucoup l’enveloppe jazz et la délicatesse de l’univers de Dominique Fils-Aimé. Il se voit lui aussi comme un membre de l’équipe des musiciens, même si son rôle est ingrat.

« Si ça sonne bien, c’est le band qui est bon. Si ça sonne mal, c’est la faute du soundman… » Son objectif est d’être « transparent » pendant le spectacle et de faire véhiculer les émotions au-delà des (nombreuses) contraintes techniques.

« Quand je commençais dans le métier, je voulais juste que tout soit bien balancé. Aujourd’hui, je crois que c’est l’émotion qu’il faut amplifier. Dominique a apprécié ça et m’a donné carte blanche. »

« Ça s’est fait de manière très organique, explique Dominique Fils-Aimé. Mais c’est le fun d’avoir un soundman proactif, qui connaît le show par cœur et qui vient en appuyer les moments forts. Ça rajoute une couche. »

Pour la chanteuse, qui aime offrir une « expérience multisensorielle » aux spectateurs, le sonorisateur agit comme une « colle ». « Il est connecté avec nous et nous connecte à la salle. C’est essentiel, vraiment. »

Simon Lévesque

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En lice dans la catégorie Sonorisation – Three Little Words de Dominique Fils-Aimé

Dominique Fils-Aimé

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Finaliste dans trois catégories, dont Spectacle anglophone

Josée Lapointe, La Presse

Patrice Michaud et Marcella Grimaux : la complice des grands jours

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Patrice Michaud et Marcella Grimaux

Non seulement Marcella Grimaux et Patrice Michaud sont amis, mais elle est aussi associée à plusieurs projets majeurs de l’auteur-compositeur-interprète. Réalisation de son premier clip d’envergure, Je cours après Marie, qui leur a valu une nomination à l’ADISQ. Scénographie de son grand concert sur les plaines d’Abraham. Direction artistique de Star Académie l’année où il a animé l’émission.

La voici encore à ses côtés, à la conception en collaboration avec Renaud Pettigrew de son spectacle « le plus ambitieux à vie ».

Tous ces projets, ce sont des X sur la feuille. Avoir du fun, s’aimer, travailler ensemble dans des moments forts, ça crée des liens plus forts encore.

Patrice Michaud

De Jean Leloup et Harmonium symphonique à Marie-Mai, Marcella Grimaux a conçu la signature visuelle de spectacles très différents. « Quand tu pars du principe que c’est la musique avant tout, la démarche reste honnête », explique celle pour qui le travail scénique est un véhicule qui doit « permettre à la musique de vivre ».

« On n’aborde pas un show de Michaud comme un show de Loud », rappelle Patrice Michaud, qui constate que Marcella Grimaux sait toujours s’adapter. « La vidéo, la typo, l’infrastructure lumineuse, il n’y a rien où elle n’a pas mis les mains. C’est rare d’avoir une aussi grande polyvalence et une signature. D’abord on apprécie la polyvalence, et après tu fais câline, je la reconnais. Je vois des affaires des fois et je me dis : c’est ma chum, ça. »

Et quelle est cette signature ? « Toujours risquer plus que moins. En respectant le projet et la musique, en ne volant pas la vedette. »

Marcella Grimaux, qui approche chaque projet comme une collaboration, est d’accord. « Il y a un échange, un respect à installer où on peut lancer toutes les idées sans s’autocensurer. Parfois une mauvaise idée va donner une très bonne idée. Il ne faut pas avoir peur de l’essayer pareil. »

Patrice Michaud opine. « Ça illustre ce que j’aime de toi. Risquons plus et voyons après. »

Marcella Grimaux

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En lice dans la catégorie Mise en scène et scénographie (avec Renaud Pettigrew) – Grand voyage désorganisé de Patrice Michaud

Patrice Michaud

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Cinq sélections, dont Interprète masculin

Josée Lapointe, La Presse

Salomé Leclerc et Ghyslain Luc Lavigne : le magicien

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Ghyslain Luc Lavigne et Salomé Leclerc

La réputation de Ghyslain Luc Lavigne n’est plus à faire. En 20 ans, il a travaillé avec une foule d’artistes, remporté 3 Félix et récolté 11 sélections, dont 3 avec Salomé Leclerc… soit une pour chaque collaboration. « Pourquoi j’ai fait trois albums avec lui ? Parce que c’est le meilleur », laisse tomber l’autrice-compositrice-interprète.

« Quand je laisse aller mes chansons à l’étape du mixage, je les ai travaillées pendant des mois. Je ne peux plus rien faire, je les lui envoie et je dis : “Amuse-toi.” » Une étape libératrice, mais qui demande aussi une grande confiance.

« Ghyslain Luc, il fait de la magie avec ça. Il donne une direction aux chansons. C’est sa création. »

Pour cet album, Louis-Jean Cormier s’est chargé de la prise de son. Ghyslain Luc Lavigne, qui fait souvent les deux, s’est consacré seulement au mixage. « Le mixeur reçoit toutes les pistes séparées et il balance tout ça, explique-t-il. Moi, je travaille du général au particulier. Je passe à travers toutes les chansons, plusieurs fois, pour qu’à la fin, on ait un film ou une pièce de théâtre en 12 actes. Et dans chaque acte, il y a des scènes, qui sont les couplets et les refrains. »

Avec les années, les deux ont développé une relation amicale, nourrie par une admiration et des goûts mutuels. « J’aime la musique de Salomé, ses mélodies, ses textes, ses directions musicales… et elle me laisse jouer dans ça. C’est fou. Il y a beaucoup de nuances dans ce qu’elle fait. Le défi est de faire vivre ça ensemble. »

Ce qui est flyé, c’est que le 50 % de technique, je ne l’entends pas, je le ressens. Avec sa création, il va me faire vivre de quoi.

Salomé Leclerc

Et au-delà de son talent et de son souci du détail, Ghyslain Luc Lavigne est un passionné qui sait s’adapter à l’univers de chaque artiste, ajoute-t-elle. « Il est le fun, passionné et pas boqué. Ce n’est pas pour rien qu’il travaille avec plein de monde. »

Ghyslain Luc Lavigne

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En lice dans la catégorie Prise de son et mixage – Mille ouvrages mon cœur, Salomé Leclerc

Salomé Leclerc

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Finaliste dans quatre catégories, dont Auteur.e ou compositeur, compositrice

Josée Lapointe, La Presse

Étienne Coppée et Guillaume Chartrain : le grand frère

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Étienne Coppée et Guillaume Chartrain

Depuis 20 ans, Guillaume Chartrain a réalisé des albums et accompagné de nombreux artistes sur scène comme bassiste. Mais ce pro des studios, un des copropriétaires du studio Dandurand avec Louis-Jean Cormier, aime beaucoup travailler avec la relève. Sa rencontre avec Étienne Coppée, dont c’est le premier album, s’est avérée fructueuse.

« Les jeunes arrivent avec de nouvelles idées et façons de faire », dit Guillaume Chartrain, qui explique que le son est surtout « une affaire de contrastes et de perspectives ». La quête de l’émotion brute du jeune auteur-compositeur-interprète l’a même inspiré pour la suite. « En studio, il y a souvent beaucoup de couches, tu penses moins au texte. Étienne nous ramenait toujours au côté le plus connecté. »

Étienne Coppée rigole. « Ça donne l’impression que je savais où on s’en allait. Mais je suis arrivé sans aucune compréhension de ce que j’allais faire. »

Le fait qu’ils ne se soient pas rencontrés avant pour préparer l’enregistrement ne gênait pas Guillaume Chartrain. « J’ai compris avec le temps qu’il faut conserver l’énergie de départ, être toujours prêt à enregistrer et que tout est gardable. La clé de cet album, c’est qu’on n’a pas eu le temps de se poser 10 000 questions. C’est juste l’essence des chansons. »

Mais au-delà de son évidente compétence, Étienne Coppée estime que la force de Guillaume Chartrain, c’est les liens humains qu’il sait tisser.

À la réalisation, au mix, à la prise de son, il faut trouver ce dont l’artiste a besoin. Et moi, j’avais besoin d’humanité. Je me suis senti en confiance tout le temps. Guillaume a été très patient.

Étienne Coppée

Surtout qu’il a dû gérer ses insécurités à l’étape du mixage, qui a été pour Étienne Coppée fort tortueuse. « Il a été comme un grand frère. Il y a des moments où il me rassurait, d’autres où il disait : “Là, Étienne, tu gosses.” Il m’a fait gagner du temps sur des choses, et moi, j’ai poussé sur d’autres. Ç’a été très passionnel, fusionnel et c’était beau. »

Guillaume Chartrain

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En lice dans la catégorie Prise de son et mixage – Et on pleurera ensemble d’Étienne Coppée

Étienne Coppée

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Finaliste dans trois catégories, dont Révélation

Josée Lapointe, La Presse

Les Louanges et Félix Petit : l’âme sœur

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Félix Petit et Les Louanges (Vincent Roberge)

Dans le livret du plus récent album des Louanges, Crash, Vincent Roberge adresse ses tout premiers remerciements à son grand ami : « Merci à Félix Petit, mon complice depuis le jour #1, ma pierre angulaire, souffleur occasionnel, grand frère et psychologue malgré lui. »

Sur Crash, il y a évidemment du Vincent Roberge et beaucoup de Félix Petit. Ce dernier accompagne le chanteur depuis son premier disque, La nuit est une panthère. Le duo coécrit (Félix est d’ailleurs cité dans la catégorie Auteur.e ou compositeur, compositrice de l’année avec Vincent), coréalise et monte sur scène ensemble (Félix joue dans le band des Louanges).

Les deux artistes se sont rencontrés en 2017, durant les Francouvertes. Leur « déclic » est arrivé peu après, lorsqu’ils ont travaillé ensemble sur la chanson Pitou, qu’ils ont dû boucler en quelques jours. « Dès le début, c’était un bon match, lance Vincent Roberge. Un match inégalé pour le moment dans l’histoire des Louanges ! »

Pendant que son ami se fait croquer le portrait, l’auteur-compositeur-interprète se permet de… chanter ses louanges. « Félix s’adapte à n’importe quelle situation et apporte ce qui est nécessaire, dit Vincent. Son but, c’est d’être à l’écoute, de mener l’idée à bon port, d’essayer de comprendre quelqu’un et de l’amener au meilleur de ses capacités, tout en respectant où cette personne a envie d’aller. Il peut magnifier tout ce que tu vas lui présenter. »

Félix Petit, qui admire « l’identité forte » du projet Les Louanges, décrit son rôle simplement.

Ce que j’aime, c’est de ne pas trop dire non ! Toutes les idées peuvent être nice. Je me vois comme un entonnoir. Je ne filtre pas, mais j’essaye de traiter les idées de Vince pour que ça puisse se retrouver sur le disque.

Félix Petit

Les deux amis ont débuté en même temps, ensemble. La rencontre a été bénéfique pour Vincent comme pour Félix. La nuit est une panthère (qui a également valu des sélections de l’ADISQ au duo) a donné des ailes au projet Les Louanges, tandis que Félix n’a jamais autant travaillé que depuis la sortie de cet album. « Ç’a vraiment été donnant-donnant comme rencontre », dit Félix.

Félix Petit

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En lice dans la catégorie Arrangements de l’année – Crash, des Louanges

Les Louanges (Vincent Roberge)

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Finaliste dans six catégories, dont Auteur.e ou compositeur, compositrice et Album alternatif de l’année

Marissa Groguhé, La Presse