« Bien malgré moi/se dépose dans mon corps/ce besoin de vouloir/disparaître en claquant des doigts », confie Rosie Valland sur une des pièces de ce troisième album en forme de grand dévoilement, au cœur duquel il est pourtant moins question de disparaître que de laisser tomber les masques.

À l’instar du récent album des sœurs Boulay, Emmanuelle repose sur ce qui peut a priori ressembler à un paradoxe : c’est en embrassant les sonorités synthétiques d’une certaine pop internationale que Rosie Valland signe son cycle de chansons le moins embarrassé d’artifices, le moins voilé.

Sa pochette, ornée d’une photo d’enfance, et son titre, Emmanuelle, un clin d’œil au véritable prénom de l’artiste (Rose-Emmanuelle), mettent d’emblée cartes sur table : si Rosie Valland se transfigure, c’est moins en se camouflant derrière une nouvelle identité qu’en assumant enfin son amour de toujours pour la pop.

Son précédent disque, BLUE (2020), s’éloignait certes du folk rock de ses débuts, en puisant notamment dans le soft rock des années 1980. « Forçons les tiges à pousser », scandait-elle alors, mais il n’est désormais plus question de forcer quoi que ce soit. Si les textes d’Emmanuelle sont habités par de nombreuses angoisses, il s’agit de ces angoisses qui surgissent au moment précis où l’on cesse de jouer à autre chose qu’à soi-même.

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Pas étonnant que Rosie Valland emprunte les couleurs principales de cette réinvention à la pop radiophonique de la fin des années 1990 et du début des années 2000, celle de son enfance. La chanteuse a manifestement bien étudié les divas de l’époque et décore les murs de ses refrains de nombreuses et ensorcelantes pistes de voix. R’n’b, trip hop, dance à la manière Eveyrything but the Girl : Emmanuelle recèle de riches références, tout en s’enracinant dans le son du présent grâce au coréalisateur Frédéric Levac et aux faiseurs de rythmes Félix Petit (Les Louanges), Mike Clay (Clay and Friends) et Gene Tellem.

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Emile Farley est néanmoins le héros de l’ombre de ce disque, lui qui signe avec Attiser le dilemme une des lignes de basse les plus costaudes depuis Alain Caron sur Miami (1980) de Diane Tell. Ses performances sur la langoureuse Exil et la goguenarde Non merci magnifient elles aussi les mélodies entêtantes de la Rosie nouvelle.

« Chaque seconde que l’on surmonte est un triomphe ici-bas », chante-t-elle sur Ici-bas, une phrase tout droit sortie du gospel FM de Jean-Jacques Goldman, période D’eux. Une phrase, et une chanson, que Céline Dion pourrait aisément faire sienne sur son prochain album en français. On l’entend évidemment comme un immense compliment.

Emmanuelle

Pop

Emmanuelle

Rosie Valland

Secret City

8/10