Luc Plamondon vit en ce moment des moments exaltants. L’accueil que le public français réserve à la nouvelle version de Starmania, l’œuvre phare de sa carrière, le comble au plus haut point. À Nice, Marseille et Nancy, de nombreux spectateurs sont venus vers lui après le spectacle pour faire partager leur émotion, ce qui fait chavirer le cœur de l’auteur.

« C’est absolument extraordinaire, ce qui se passe. Il y a des gens de 70 ans et d’autres de 30 ans avec leurs enfants qui viennent vers moi après les spectacles. Ils me disent à quel point ces chansons ont enrichi leur vie », m’a-t-il confié alors qu’il s’apprêtait à assister à l’une des trois avant-premières parisiennes précédant le grand soir du 8 novembre à la Seine Musicale.

Créée sur disque en 1978 et sur la scène du Palais des Congrès de Paris l’année suivante, Starmania est sans aucun doute l’œuvre la plus riche du long parcours de Plamondon. « Cet opéra rock est important, car je suis parti de rien pour l’écrire, me dit-il. Pour Notre-Dame de Paris, j’avais une base. Si on s’y attarde, la plupart des comédies musicales s’inspirent d’une autre œuvre. »

Comme il l’a rigoureusement fait pour ses autres spectacles musicaux, Luc Plamondon s’est impliqué à fond dans la recherche des talents. « Disons que j’ai passé beaucoup de temps sur Zoom ces derniers temps. »

Pour choisir les interprètes de cette nouvelle mouture, pas moins de 2600 auditions ont été réalisées au cours des trois dernières années. Certains artistes ont été choisis très tôt. Mais d’autres, comme Alex Montembault, qui interprète Marie-Jeanne, ont été découverts il y a quelques mois.

Avec Rafaël Hamburger, fils de France Gall et Michel Berger, Luc Plamondon s’est tourné vers des créateurs de haut calibre qui sont des figures de proue dans leur domaine. D’abord Thomas Jolly, metteur en scène sur lequel tous les regards sont braqués en ce moment. « On est allés manger au restaurant. On est arrivés à 20 h et on s’est quittés vers 2 h du matin. Ça a vraiment cliqué entre nous deux. Il est comme un enfant. En répétition, il saute et court tout le temps. »

Un déclic s’est aussi produit avec le chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui (Tony Award 2019 pour Jagged Little Pill d’Alanis Morissette). Quant à Nicolas Ghesquière, génial directeur artistique de la maison Vuitton, il est celui qui a été désigné pour signer les costumes. Avec tout ce beau monde, on peut affirmer que ce spectacle, que les Québécois auront la chance de voir à l’automne 2023 à Montréal, est entre très bonnes mains.

Depuis le début des représentations, on souligne que les thèmes de Starmania (le vedettariat instantané, l’écoanxiété, la rage du pouvoir, l’omniprésence des médias, etc.) prennent aujourd’hui un sens très fort. Le choix d’un jeune interprète pour jouer Zéro Janvier n’est pas anodin. « Bien sûr que nous avions en tête tous ces jeunes loups devenus hyper puissants dans le monde du numérique et des réseaux sociaux », commente Luc Plamondon.

Quarante-trois ans après sa création, Luc Plamondon reconnaît qu’il n’a pas songé à la postérité de son œuvre quand il l’a écrite.

J’ai créé une histoire qui était de son temps, mais l’être humain ne change pas. Regarde ce qui se passe avec Trump et Poutine. On n’a qu’à retourner dans la Grèce antique pour se rendre compte que ces thèmes étaient aussi présents à cette époque.

Luc Plamondon

Plamondon avait 35 ans quand il a écrit Starmania. Depuis, il y a eu plusieurs productions de cette œuvre. La dernière fut une version opératique. « C’était merveilleux ! Je pensais mourir avec ça. Mais voilà que l’œuvre revit. »

Il semble que Starmania, qualifiée de « comédie musicale culte » par certains médias français, n’a pas fini de faire vivre des émotions fortes à son auteur. « Ouf ! Je vais prendre une grande respiration… C’est vrai que c’est le délire depuis le début des avant-premières. Pour le moment, ça se passe avec du vrai public. Mais il y a toujours l’étape des critiques. On verra bien ! Mais disons que je suis plutôt confiant. »

Au cours de notre conversation, j’ai senti Luc Plamondon très heureux, épanoui, désireux de parler. Celui qui a la réputation d’être un gaffeur invétéré a même réussi à déclencher l’alarme incendie de son appartement parisien au beau milieu de l’entrevue. « Excuse-moi, je me faisais des toasts quand tu m’as appelé », a-t-il dit en rigolant.

Luc Plamondon a eu 80 ans en mars dernier. Cette nouvelle création de Starmania est une formidable façon de souligner cet évènement. Car contrairement au personnage de Stella Spotlight qui dit que « la mort s’habille en technicolor », Plamondon préfère colorer la vie. La sienne d’abord.