Visa de travail en main, l’illustre chanteuse-compositrice-interprète nigériane vient honorer son rendez-vous manqué au festival Nuits d’Afrique

Elle a beau parler anglais, langue de sa compatriote et aînée Sade Adu devenue célèbre au Royaume-Uni, Yemi Alade est tout sauf une Smooth Operator ! « Je continue d’enregistrer beaucoup de musique, nous révèle-t-elle, jointe à Paris. Tu dois amener un morceau de ton patelin, de ta culture partout où tu te déplaces ! »

« Je vais te dire la vérité, j’habite là où est l’argent », dit-elle en faisant sûrement allusion aux occasions intercontinentales qui se présentent à elle. Officiellement, le Nigeria et le Ghana sont ses deux terres d’assise – « mais au rythme où vont les choses, Londres, Paris et les États-Unis sont devenus des lieux de résidence temporaires ».

Au sommet

À 33 ans, possédant une discographie de cinq stimulants albums qui défrichent et fédèrent de partout, de deux minialbums et d’une quantité impressionnante de simples à son actif, on la place déjà avec raison au sommet des vedettes africaines et des sonos mondiales.

Alade a attiré tous les projecteurs sur elle en 2014 avec la chanson Johnny, dont les visionnements se comptent par millions. Avec Beyoncé en 2019, elle a participé à l’album-compilation The Lion King : The Gift. Ses deux derniers disques, Empress (2020) et le minidisque Queendoncom (2021), lui donnent une imposante tribune pour parler de société, d’amour, de pauvreté, d’affirmation, des thèmes qui trouvent écho avec son public en concert : « J’ai enregistré seulement deux chansons durant la pandémie, alors j’étais affamée ! »

PHOTO FOURNIE PAR NUITS D’AFRIQUE

Yemi Alade

Un exemple ? La nouvelle, Baddie, où elle lance à son homme : « tu me donnes le goût de dépenser tout mon argent, mes pounds avec toi », bien que la devise de son pays soit le naira. Sinon, elle nous dévoile son enthousiasme pour une autre de ses compos, Dancina : « Dès que j’ai eu la cadence dans ma tête et que j’ai établi le rythme, le beat, j’ai fait appel à un producteur néerlandais pour la rendre très dansante. Si tu danses et que ton ami reste assis, tu lui lances avec insistance : “Dancina !”, qui veut dire : “Viens donc danser !” »

On ne s’étonnera guère qu’elle ne marche dans les sillons tracés par ses aînées nigérianes telles Tiwa Savage, Simi ou Waje. « Elles étaient là bien avant moi, elles continuent et persévèrent. C’est ce que la musique vous fait : elle vous met en état d’arrestation et vous tient prisonnier pour la vie ! »

Rompues aux sonorités de la juju music de transe de King Sunny Adé durant sa jeunesse – ce dernier a déjà foulé les planches de l’ancien Spectrum de Montréal –, Alade puise surtout dans l’afrobeat et le R&B de ses aïeux Fela Kuti, son fils Femi et Tony Allen, mais sans s’y acharner. « Les maquillages traditionnels de la tribu de Femi sont beaucoup plus colorés, je pense à la présence des points blancs sur le visage. Moi, je peins le mien selon mes humeurs. »

PHOTO FOURNIE PAR NUITS D’AFRIQUE

Yemi Alade

Femme africaine et société : une évolution

Incarnant la femme africaine forte et radieuse, Yemi Alade veut surtout rassembler. « Je porte les vêtements traditionnels de plusieurs pays africains », dit celle qui parle aussi le wolof et apprend le swahili. « J’ai un amour pour cette langue qui s’ajoute aux trois principales du Nigeria, le haoussa, l’igbo et le yorouba.

« Je ne suis qu’un vaisseau de l’évolution actuelle, j’essaie de faire ma part avec cette prise de conscience de la femme africaine. Cette torche doit continuer de brûler dans cette évolution. La femme africaine, sa condition, si on mesure tout le chemin parcouru bien avant ma naissance, ont fait beaucoup de chemin, we’ve come a long way, depuis l’époque où la place des femmes était dans la cuisine et à donner naissance. »

Je rencontre beaucoup d’Africaines qui occupent des rôles importants dans leur communauté, ce qui leur était interdit jadis. Nous avons des femmes pilotes d’avion maintenant en Afrique ! Il y a de l’espoir.

Yemi Alade

Après avoir fait danser l’Olympia de Paris, le 6 novembre dernier, que nous réserve la prêtresse de l’afrobeat ? « Ça fait quatre ans que je ne suis pas venue au Canada. J’ai un seul conseil à donner : portez vos souliers de danse ! Si vous n’avez pas dansé de l’année ou si vous croyez avoir dansé récemment, vous n’avez aucune idée de ce qui va vous frapper ! »

Yemi Alade sera accompagnée de sept musiciens en plus de danseurs et danseuses. « Je me dis alors : vas-y, fonce, go get it, it’s party time. À ce moment précis, le temps n’existe que pour moi, vous entrez dans MA maison. » Naxx Bitota, originaire du Congo, assurera la première partie.

Au MTelus, le 10 novembre, à 20 h

Les Cabarets acoustiques Nuits d’Afrique

Le Club Balattou s’emballe tout le mois de novembre, porté par la présentation en formule découverte de spectacles à configuration réduite. Ainsi, en acquittant son droit d’entrée pour une place, on vous en offre une autre ! Le mythique bar-spectacle fondé par Lamine Touré est le lieu par excellence de toutes les musiques africaines, latines et caribéennes. Ce deux pour un durant le mois des morts est une belle occasion de faire le plein d’ambiances tropicales et de rythmes chauds. Et elle est extrêmement bien torchée, cette programmation. Ce jeudi, la Montréalaise Chanda Holmes vire au funk. Le lendemain, la Brésilienne du Sud, établie à Montréal et collaboratrice de Boogat Bianca Rocha, nous propose les chansons de son nouveau disque Fim de Mundo. African Guitar Spirit y sera ce dimanche. Reggae, flamenco, musique cubaine et africaine, un condensé d’exotisme qui plaît ! Jusqu’au 27 novembre.