Yuki Isami n’est pas une flûtiste ordinaire. À la fois membre du groupe Teke::Teke et de l’Orchestre symphonique de Drummondville (OSD), la musicienne alterne entre paillettes de rockeuse et chic robe du soir, sans oublier son kimono traditionnel.

Au dernier Gala de l’ADISQ, Teke::Teke a remporté le Félix de l’album de l’année, langue étrangère. En même temps, Yuki Isami intégrait l’OSD à titre de deuxième flûtiste. Entre les répétitions et autres tournées, la musicienne planche aussi sur un album de son cru, pour conjuguer tous les styles musicaux qui l’habitent : du plus classique au plus psychédélique en passant carrément par la musique traditionnelle japonaise.

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Yuki Isami, à droite, en compagnie de Teke::Teke

Yuki Isami est multi-instrumentiste. Multi tout, en fait. Archi active, elle fait aussi partie d’une équipe de nage synchronisée (« c’est hardcore, j’aime ça ! […] Et puis au Japon, personne ne fait ça ! »), et a commencé le water-polo l’an dernier. Ah oui : elle a aussi appris le français en un an en débarquant ici, il y a tout juste 20 ans.

Comment fait-elle ? « Je dors moins », pouffe la dynamique quadragénaire, qui fait aussi son propre kimchi, rencontrée un matin dans un petit café de son quartier montréalais, rue Rachel. Avec sa jupe écossaise et sa veste de cuir, elle a tout l’air d’une ado. Elle se rend justement au collège Notre-Dame, après notre entretien, pour y donner un cours de flûte traversière !

Naissance d’une passion

Née à Osaka, Yuki Isami baigne dans la musique classique depuis toujours. Toute petite, elle joue déjà du piano (« c’est typique au Japon ») et rêve de devenir pianiste. Un beau jour, dans un spectacle donné à son école de Tokyo, elle découvre l’existence de la flûte traversière. Changement de vocation : « C’est quoi, ce truc ? C’est tellement beau ! Je veux faire ça ! » C’est le « coup de foudre » : « Je veux devenir flûtiste ! » Elle a 10 ans.

Yuki Isami a en prime une « fascination » pour la culture occidentale, en plus d’être « fascinée » par les langues étrangères. « Mon rêve, c’était de parler plusieurs langues. C’est très rare au Japon. »

Elle rêve aussi de voir d’autres pays : après des études universitaires en musique classique, la jeune femme réunit ses économies et agit : « Je sors du Japon ! » Pourquoi le Québec, au fait ?

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Yuki Isami est aujourd’hui membre de l’Orchestre symphonique de Drummondville.

J’étais fan de l’OSM !

Yuki Isami, flûtiste

« Il était venu souvent jouer à Tokyo et j’avais croisé le premier flûtiste dans un magasin d’instruments ! »

Ce n’est pas le seul hasard. Alors qu’elle débarque ici, elle se retrouve chez un acuponcteur, grand ami de qui ? De la flûtiste Claire Marchand. Yuki Isami suit alors des cours auprès de la musicienne, avant de s’inscrire au Conservatoire. Là, toutefois, c’est le choc. « L’éducation à la flûte est tellement différente ! » Ici, on lui parle de couleur du son, de prise de conscience du corps, de soutien. « Mais personne ne dit ça au Japon ! »

D’ailleurs, au bout de quelques mois, elle se blesse. « J’ai tellement voulu, tellement pratiqué, je me suis fait une tendinite ! […] Je pratiquais 12 heures par jour sans arrêt ! »

Yuki Isami décide donc de se mettre plus sérieusement au sport, notamment à la natation.

C’est important d’être en forme ! Tenir une flûte, ce n’est pas lourd, mais tenir une flûte de six à huit heures, c’est beaucoup demander au corps !

Yuki Isami, flûtiste

C’est aussi à ce moment que la jeune femme, qui se fait souvent questionner au sujet de sa culture traditionnelle, de laquelle elle ne sait rien, décide d’y plonger à pieds joints. D’un séjour au Japon un été, elle rapporte une flûte japonaise (en bambou, « très différente »), un banjo japonais (à trois cordes), même une harpe japonaise (horizontale, qu’elle a dû placer en classe affaires pour le voyage). « Je n’ai jamais étudié la musique traditionnelle, mais c’est tellement dans mes cellules ou mon sang, comme revenir aux sources. […] J’ai été vraiment surprise à quel point c’était naturel pour moi. »

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Yuki Isami

Et puis voilà qu’il y a cinq ans, l’ami compositeur Serge Nakauchi Pelletier lui propose de monter un groupe, conjuguant musique traditionnelle japonaise (son nouveau dada) et rock psychédélique des années 1960-1970. La fonceuse fonce. « J’ai tout de suite aimé ça. Je fais ça ! » Le groupe (prix Espoir du Festival d’été de Québec en 2022), composé de sept musiciens, a rapidement ses entrées à l’Escogriffe, puis carrément au Jazz. « Mais ç’a été un gros choc, rit-elle. Les musiciens rock n’ont pas de partitions ! Au premier concert, j’en avais, j’étais beaucoup trop anxieuse ! Et puis, j’ai appris l’art de la scène ! »

Un énième apprentissage. « J’adore, tout est varié, différent, conclut Yuki Isami, tout sourire. J’ai besoin de projets, tout le temps ! Si je n’ai pas de projet, je me sens triste ! » Pas de souci, elle ne court pas grand risque de ce côté.