« Peut-être que je ne suis qu’un rêveur, qui sait ? », murmure Dumas, comme s’il se rendait compte plus de 20 ans après le début de sa carrière de ce que ses fidèles savent à son sujet depuis le premier jour. Comment continuer de rêver, après avoir essuyé les intempéries du temps qui passe, mais sans trop se bercer d’illusions ? Voilà la question qui aiguille son 12e album, Cosmologie, sur lequel les astres sont particulièrement bien alignés.

En 2003, Dumas signait avec Le cours des jours un disque culte, éternellement associé pour toute une génération à des souvenirs d’errance en silence, d’amours intenses et de longues nuits à rêvasser sur le linoléum d’un appartement mal isolé. Fixer le temps confirmait en 2006 sa place parmi l’élite des auteurs-compositeurs de sa cohorte.

Les années suivantes, généreuses en bonnes chansons, auront néanmoins donné l’impression que Dumas peinait à trouver la manière adéquate d’honorer cet important jalon de sa carrière. Une tension qu’il résolvait en partie avec Nos idéaux (2018) et avec sa récente tournée célébrant Le cours des jours.

Autrement dit : même si le temps qui passe est depuis toujours le personnage principal de ses refrains, Dumas a parfois semblé avoir du mal à bien l’accueillir. L’ensorcelant Cosmologie tranche en ce sens avec l'espoir un peu forcé de Dumas (2014) et avec l’écriture plus diaristique, par moments très sombre, de Nos idéaux.

« J’ai toujours en moi cette part d’ombre/elle se disperse quand la lumière nous inonde », résume-t-il dans Mouvement, une chanson enivrante, habitée par une sorte de mélancolie apaisée, quelque chose comme une solution de rechange à la vraie sérénité pour qui est incapable de l’atteindre. Une émotion composite, purement Dumas, qui imprègne les moments les plus mémorables de son œuvre, et avec laquelle il renoue ici.

Réalisé par l’infaillible Philippe Brault, Cosmologie tire le meilleur d’une approche minimaliste, à la manière d’une série de démos judicieusement bonifiés. La dizaine de pièces, qui ne contiennent aucune vraie batterie et qui misent fort sur les claviers analogues, rappelle les quatre mini-albums qu’a lancés Dumas en 2008 et en 2009, mais en beaucoup moins dispersé.

Cosmologie contient en fait tout ce que nous aimons d’un excellent album de Dumas : une chanson à la Bowie coiffée d’un mot rare (Leitmotiv), une chanson dans laquelle la route devient métaphore d’une relation amoureuse, coiffée du nom d’une ville (Chicago) et une chanson de flânerie urbaine (Tout passera, la plus belle ode au vélo depuis Intouchable et immortel de Daniel Bélanger). Autres traits reconnaissables du Dumas que l’on préfère : de brèves phrases murmurées en fin de couplet, une référence à un écrivain mythique et des accroches de guitares façon The Cure.

Album d’une renaissance ? Parlons plutôt d’un retour à soi : Dumas semble enfin avoir compris que personne d’autre n’écrit des chansons comme les siennes. Tout est clair, quand on y pense.

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La Tribu

8/10