Réduit à un duo, Depeche Mode signe un disque puissamment hanté par la mort et de nombreux clins d’œil sonores au passé.

Il y a sur tous les albums de Depeche Mode depuis la fin des années 1980 au moins un morceau qui se démarque par sa ligne mélodique pure et quelques notes égrenées à la guitare. Sur Memento Mori, c’est Ghosts Again, où Martin Gore et Dave Gahan contemplent ni plus ni moins que leur propre finalité, rendue cruellement concrète par la mort subite et prématurée de leur ami Andrew Fletcher en mai de l’an dernier.

Ghosts Again est la chanson qui se démarque le plus de ce 15disque des pionniers anglais de l’électro sombre. L’essentiel de Memento Mori n’a pas la pulsation presque entraînante de ce titre-là. Martin Gore développe plutôt des morceaux aux sonorités parfois étonnamment rétro (Wagging Tongue évoque Jean-Michel Jarre, People Are Good, Kraftwerk, et Never Let Me Go sonne comme du Depeche Mode du début des années 1980 avec une touche pop-punk) et empreints de gravité.

Ce n’est pas surprenant : bien qu’il ait fait sa marque avec de la musique électronique dansable, Depeche Mode a toujours lorgné le côté obscur du cœur. La différence ici, c’est que le duo n’essaie pas d’alléger l’atmosphère. Au contraire.

Don’t Say You Love Me sonne comme une espèce de blues à l’aura menaçante, doté d’un côté épique comme une musique de film. My Perfect Stranger, où il est aussi question de vieillissement, a quelque chose de tendu et de torturé. Before We Drown brille comme un joyau noir. L’ironique People Are Good ressort aussi du lot avec son propos inquiet. Il y a un moment de flottement en plein milieu de Memento Mori (le doublé Soul With Me et Caroline’s Monkey), mais Martin Gore, qui est encore le principal architecte musical de Depeche Mode, nous impressionne par la finesse de sa lutherie électronique et ses subtiles juxtapositions mélodiques.

Memento Mori n’est pas un grand disque de Depeche Mode, mais c’est assurément son plus solide depuis Playing the Angel, il y a presque 20 ans. Surtout, c’est l’album habité d’un groupe endeuillé qui a réussi à se survivre à lui-même.

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Memento Mori

Électro

Memento Mori

Depeche Mode

Columbia/Sony

7/10