Le concert de l’Orchestre symphonique de Montréal vendredi soir était l’un des évènements de la saison musicale. Le chef Bernard Labadie a été digne de sa réputation dans La Création de Haydn.

La dernière interprétation à Montréal de cet oratorio phare du compositeur autrichien remonte à un an avant le début de la pandémie, avec les Violons du Roy et son chef Jonathan Cohen.

C’est cette fois le chef émérite des Violons qui était sur la scène de la Maison symphonique, mais avec l’OSM et son chœur, ainsi que la soprano Miah Persson, le ténor Andrew Haji et la basse James Atkinson.

Comme avec les Violons du Roy, Labadie a judicieusement opté pour un pianoforte pour assurer les récitatifs, lui donnant toutefois, dans les autres morceaux, une place qui nous a semblé plus discrète qu’avec Cohen.

L’orchestre, mené par le violon solo associé Olivier Thouin, a fait merveilleusement honneur à cette partition pas toujours facile, spécialement pour les cordes.

Le chœur, constitué de professionnels, a été tout à fait impressionnant, faisant preuve d’une vraie facilité dans les aigus (même dans les la tenus) et les vocalises (époustouflant Stimmt an die Seiten).

Magnifiquement exécutée

Labadie a beau diriger assis, sa direction garde une fraîcheur de jeune homme. On peut bien trouver que tel vivace aurait pu être légèrement plus emporté (le trio avec chœur Der Herr ist groß in seiner Macht ou le chœur Vollendet ist das große Werk) ou tel andante plus pondéré (aria avec chœur Nun schwanden vor dem heiligen Strahle), cela reste des détails dans cette grande fresque magnifiquement exécutée par le chef.

L’ouverture, dépeignant le chaos précédant l’étincelle divine, est un véritable tableau en technicolor, chacun des détails de ce riche largo ressortant en trois dimensions. Les sonorités des cordes semblent parfois venir d’un autre monde, comme dans le récitatif d’Uriel In vollem Glanze, où des basses doucement sépulcrales se font entendre pianissimo avant le Mit leisem Gang.

Bernard Labadie fait également bien ressortir les différents éléments figuratifs de la partition, comme cet abyssal do dièse des contrebasses figurant le sourd vrombissement des baleines, ou le Léviathan laissant échapper quelques cris de contrebasson, à la surprise de plusieurs membres du public.

Il faut également parler du trio de solistes, à qui est confiée la part du lion dans l’oratorio. La soprano suédoise Miah Persson est une sorte d’hybride entre sa compatriote mezzo-soprano Anne Sofie von Otter (à qui elle ressemble même physiquement) et la soprano Gwyneth Jones. Une belle voix en général, mais aussi passablement acide par moments. Il nous semble que cette œuvre gagne à être confiée à une voix plus cristalline.

Nous avons souvent dit tout le bien que nous pensons du ténor anglo-canadien Andrew Haji, que nous avons la chance d’entendre relativement souvent au Québec. Il a été lui aussi égal à sa réputation, avec une voix toujours ronde et légère, bien projetée, et une excellente diction.

Une belle découverte que le baryton-basse britannique James Atkinson, une voix qui semble réconcilier les contraires : puissante et douce en même temps, fine et corsée à la fois. Espérons qu’on le réentendra.

Le concert est redonné ce samedi à 14 h 30.

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