Après 41 ans à la barre, Michel Levasseur quitte le Festival international de musique actuelle de Victoriaville. Qui pourra lui succéder ?

Vous êtes une personne allumée ? Ouverte ? Polyvalente ? Vous aimez la musique hors normes ? Le free jazz ? L’expérimental ? Vous êtes capable de gestionner ? D’organiser ? De programmer ? De faire des demandes de subventions ? Vivre en région pourrait être une option ?

Vous avez peut-être le bon profil pour prendre la barre du Festival international de musique actuelle de Victoriaville (FIMAV). L’évènement d’avant-garde est à la recherche d’un nouveau directeur artistique et codirecteur général, ou d’une directrice artistique et codirectrice générale, pour succéder à Michel Levasseur, qui quittera les productions Plateforme après 41 ans de bons et loyaux services.

La 39édition, qui aura lieu du 15 au 21 mai, sera donc sa toute dernière. Sans regret, explique-t-il.

« Ça faisait un moment qu’on en parlait, mais j’ai pris la décision fin novembre, après avoir complété la programmation », lance le principal intéressé, de passage à Montréal lundi pour rencontrer les médias.

L’âge a forcément joué dans son choix. À 70 ans, Michel Levasseur a théoriquement passé l’heure de la retraite. Mais il évoque surtout un « amalgame de raisons », qui vont de la « fatigue » à la « difficulté de gérer le stress » lié à la l’échafaudage annuel d’une programmation de pointe.

« Tout le processus devenait moins intéressant. C’était plus dur de se ré-énergiser », résume-t-il.

Pour le FIMAV, c’est manifestement la fin d’une époque. Et il ne fait aucun doute que le départ de Michel Levasseur laisse un grand trou dans l’organisation. Un double vide, ajouterons-nous, puis que sa compagne Joanne Vézina, chargée de l’administration et codirectrice générale, tire aussi sa révérence après 35 ans.

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De grands noms

Avec ce changement vient forcément l’heure des bilans. De ce côté, Michel Levasseur peut dire mission accomplie. Il laisse un évènement culturel en bonne santé financière, avec une certaine réputation dans le circuit d’avant-garde international.

PHOTO FOURNIE PAR FIMAV

Fred Frith

Depuis sa toute première édition en 1983, le FIMAV a révélé au Québec des musiciens exceptionnels, qui n’auraient peut-être pas eu de vitrine autrement, dont le guitariste Fred Frith, le saxophoniste John Zorn et la bidouilleuse japonaise Ikue Mori, qui sont d’ailleurs de retour pour cette 39édition.

Dans le désordre, on pense aussi à Christian Marclay, Tom Cora, Merzbow, Keiji Heino, Lars Hollmer, Chris Cutler et d'autres brillants créateurs venus des quatre coins du monde. Sans oublier les Québécois René Lussier, Jean Derome, Martin Tétreault, Johanne Hétu ou Klaxon Gueule, qui ont rayonné grâce à l’évènement.

Considérant l’extrême marginalité du style et des artistes représentés, on s’étonnera que le FIMAV ait fleuri à ce point, dans une petite ville de région de surcroît. Mais avec du recul, Michel Levasseur estime que Victoriaville fut une bénédiction plutôt qu’un désavantage.

« Ça nous a servi, dit-il. Ça a créé un environnement super pour la qualité. »

Le côté intimiste a été un plus. Après, il y a eu le bouche-à-oreille et une bonne couverture des médias. Dans un grand centre, on aurait été engloutis.

Michel Levasseur, fondateur du Festival international de musique actuelle de Victoriaville

Levasseur se dit content, par ailleurs, d’avoir su injecter du sang neuf à l’évènement, tout en restant loyal aux musiciens de la première génération. Les yeux brillants, il évoque le Growlers Choir, ensemble vocal métalleux qui vient tout juste de lancer un album, ou No Hay Banda, issu de la scène contemporaine montréalaise.

« C’est sûr que quand on fait ce travail-là, on craint de ne pas toujours être sur la nouveauté. Il y a le stress de devoir rester pertinent. Mais je n’ai pas souvenir de ne pas avoir réussi », souligne-t-il.

Parler français

Reste à voir comment l’organisation survivra au départ de son binôme.

Vézina et Levasseur étaient les seuls employés à temps plein des productions Plateforme, le reste de l’équipe étant composé d’une soixantaine de pigistes et de saisonniers. Ils avaient l’expertise et les connaissances nécessaires pour faire vivre et prospérer un évènement culturel de pointe.

Mais celui qui se destinait à travailler en foresterie ne semble pas inquiet pour l’avenir de son bébé. Une demi-douzaine de personnes aurait déjà montré de l’intérêt pour son poste, y compris des Européens. Piloter l’évènement à distance n’est pas exclu, mais il faudra un minimum de présence physique pour tisser des liens avec le milieu culturel, social et municipal. « Ça ne peut pas se faire complètement dans le numérique », lance-t-il.

Pour le reste, tout est possible. « On a bon espoir de trouver les bonnes personnes. On fera nos entrevues en juin, après le festival. Le seul prérequis, c’est de parler français. Si tu ne parles pas français, tu ne peux pas survivre à Victo. »

Qui aller voir cette année ? Les suggestions du programmateur

PHOTO PAUL BOURDREL, FOURNIE PAR LE FESTIVAL

Le groupe PoiL Ueda

Bien sûr il y a le réputé John Zorn, qui jouera deux fois en clôture de festival (dimanche 21 mai). Mais qui aller voir, sinon, lors de cette 39édition ? Trois propositions de Michel Levasseur.

  • PoiL Ueda : un groupe de rock français avec une chanteuse traditionnelle japonaise. « Vraiment une juxtaposition de styles étonnante », résume Levasseur. (18 mai, 20 h)
  • Zoh Amba : à tout juste 23 ans, cette saxophoniste free a déjà cinq ou six albums à son actif. On l’a notamment entendue avec le batteur William Parker. « Assez incroyable, à cet âge-là, d’avoir déjà un son si personnel ». (18 mai, minuit)
  • Fred Frith Trio avec Susana Santos Silva : le premier est un habitué du festival depuis sa toute première édition. La seconde est une étoile montante de la trompette. « À mon avis, elle sera une révélation », lance Michel Levasseur. (19 mai, 22 h)
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