Le groupe originaire de Québec Men I Trust est en tournée partout dans le monde. Après l’Océanie et l’Asie, et avant l’Europe, les membres de la formation s’arrêteront au festival Santa Teresa, où ils figurent en tête d’affiche. Entrevue (par courriel) avec Emmanuelle Proulx, Dragos Chiriac et Jessy Caron, avant leur performance à Sainte-Thérèse, le 14 mai.

Vous êtes sur la route depuis un bon moment. Comment ça se passe ? Sentez-vous que votre rapport aux concerts a beaucoup évolué depuis vos débuts, il y a près de 10 ans ?

Les deux dernières tournées en Asie, en mars et en mai, se sont super bien passées ! C’est extraordinaire de voir tant de gens avoir autant d’intérêt pour notre musique. L’ampleur des spectacles a beaucoup évolué depuis nos débuts. Nous avons commencé à faire de la tournée dans des petites salles vides à quatre musiciens. Nous étions entassés avec notre humble équipement dans une Dodge Caravan 1998 toute rouillée. Nous nous sommes toujours sentis privilégiés, et cet aspect n’a pas changé aujourd’hui avec des salles plus grandes et beaucoup plus pleines. Dernièrement, nous essayons d’offrir des versions de nos chansons live, qui vont au-delà des versions enregistrées en studio, afin de mieux adapter l’intimité de notre musique à des salles plus grandes, tout en étant fidèles à l’esprit des originales.

Le son Men I Trust est très identifiable, même s’il évolue aussi. Avec votre dernier essai, Untourable Album, quelle direction vouliez-vous prendre ?

Nous avons enregistré notre Untourable Album durant la pandémie. On ne s’attendait pas à pouvoir jouer la musique de l’album en tournée. Avec cet esprit en tête, nous avons composé de la musique un peu plus sombre. Nous croyons que c’est le processus de composition et d’enregistrement qui donne une cohésion [à notre musique] ; le fait que ça soit toujours nous trois qui écrivons les chansons, le fait qu’on se connaît depuis une vingtaine d’années, le mélange de plein de styles, c’est tout ça qui nous évite de sonner monotone ou, à l’opposé, « gâteau aux fruits ».

PHOTO FOURNIE PAR LE GROUPE

Men I Trust sur scène

Vous travaillez avec une équipe restreinte, même si votre succès peut vous pousser à avoir un gros label et tout ce qui va avec. Pourquoi décider de garder les choses entre vous ?

Pour nous, c’est vraiment important de pouvoir sortir notre musique lorsqu’elle est prête. Ça nous permet de vivre la nouveauté de nos chansons pratiquement en même temps que les auditeurs qui la découvrent. Le fait d’être indépendants, c’est un choix qui est né d’une nécessité et un esprit qu’on a fini par adopter totalement au fil du temps. Nous avons commencé en 2014, et deux années et deux albums plus tard, il n’y avait toujours aucune maison de disques qui souhaitait représenter notre groupe. Nous avions contacté quelques labels, mais personne ne voyait de l’intérêt ou du potentiel avec notre musique.

Cela aide-t-il votre liberté créative ?

Au fil du temps, nous avons appris à tout faire nous-mêmes et y avons pris goût. Nous avons maintenant monté une bonne équipe pour nous aider avec le roulement de notre groupe sans label. Le fait d’être propriétaires de nos masters, et de garder l’entièreté de nos redevances, a été un gros avantage qui nous a permis de nous consacrer à faire de la musique à temps plein à partir de 2018 environ. Paradoxalement, si nous avions donné la moitié de nos redevances à une maison de disques, la même transition nous aurait peut-être pris plus de temps à faire. C’est important de pouvoir générer un revenu. Tout le monde a des obligations financières. Rester indépendants a du sens et fonctionne bien pour nous. Aujourd’hui, on se fait approcher par beaucoup de maisons de disques, mais nous ne voyons pas vraiment l’avantage.

Parlez-moi de votre expérience chez Jimmy Fallon à la fin de l’année dernière. C’est quelque chose qui n’arrive pas à beaucoup de Québécois. Comment ça s’est passé ?

C’était vraiment surréel ! On se sent toujours un peu comme le canard brun à patte cassée dans des setups aussi « gros », même si le plateau de tournage était plus petit qu’à la télévision. Tous les gens étaient bien gentils et on a pu faire un coucou à Jimmy Fallon. On était un peu stressés à l’idée un peu irrationnelle de faire potentiellement une bourde majeure à la télévision devant les grands musiciens du groupe The Roots, mais tout s’est bien passé au final. Nous revenions d’une tournée en Europe de l’Est, qui avait fini à Vilnius, et étions tous un peu jetlag. Nous avons pris une journée pour pratiquer notre chanson avec Joey Badass, ce qui nous a permis de descendre le niveau du stress. Joey un grand doux, très gentil et très charmeur. Un des membres du groupe The Roots est par la suite venu nous voir en spectacle à New York avec sa fille. En somme, c’était une expérience très pure et wholesome.

Vous faites partie de ces artistes qui ont un plus grand succès à l’extérieur qu’à la maison. Est-ce que c’est quelque chose que vous imaginiez ? Comment ça s’est fait, selon vous ?

C’est une question de hasard, et ça s’est fait très graduellement. En gros, nous allons là où nous sommes invités. Les États-Unis ont un très large bassin de population et beaucoup de grandes villes séparées par des distances relativement courtes. C’est un joli pays où la tournée en auto se fait vraiment bien ! En ce moment, nos top pays pour les écoutes sont les États-Unis, le Royaume-Uni, le Mexique, le Canada et l’Indonésie.

PHOTO FOURNIE PAR LE GROUPE

Men I Trust en compagnie de Tyler, The Creator

Cela ne veut pas dire que vous n’avez pas un grand public aussi présent au Québec. Vous allez les retrouver à Santa Teresa bientôt. C’est important pour vous de toujours revenir à la maison ?

On est toujours très contents de pouvoir jouer au Québec. C’est vraiment un des plus beaux endroits au monde et revenir dormir chez soi après un spectacle, c’est un gros bonus ! On est vraiment heureux de pouvoir jouer à Santa Teresa, en headline en plus ! C’est rare qu’on puisse jouer parmi nos amis musiciens, ça va feeler comme un gros party.

Qu’est-ce qu’on peut attendre pour la suite ? Vous venez de sortir le simple Ring of Past, est-ce que c’est le début d’une nouvelle ère ?

Nous prévoyons sortir une chanson ou deux encore cette année. Par la suite, en 2024, nous allons prendre plus de temps à la maison pour travailler sur un nouvel album. Nous avons plusieurs idées sur la direction que nous souhaitons prendre, mais préférons garder la surprise pour l’instant !

Le festival Santa Teresa aura lieu du 12 au 14 mai.

Consultez le site du festival Santa Teresa

Qui est Men I Trust ?

  • Men I Trust a plus de 7 millions d’auditeurs mensuels sur Spotify.
  • Sa chanson Show Me How (2019) a accumulé un quart de milliard d’écoutes.
  • Men I Trust a été invité à jouer au populaire festival Coachella en 2019.
  • Son album Oncle Jazz se classe sur la liste préliminaire du prix Polaris en 2020.
  • En 2021, en pleine pandémie, le groupe sort son quatrième disque, Untourable Album.
  • Fondé à Québec par Jessy Caron et Dragos Chiriac en 2014. En 2016, Emmanuelle Proulx, Margaux Sauvé (Ghostly Kisses) et Odile Marmet-Rochefort se joignent à la formation ; les deux dernières quittent plus tard le groupe.
  • Genre : musique electro-pop, downtempo, shoegaze, aux diverses influences