Pour la première fois depuis l’ouverture de la salle Bourgie, il y a une douzaine d’années, est dévoilée une programmation qui n’est pas de la main d’Isolde Lagacé, qui a passé le flambeau l’an dernier à Olivier Godin et Caroline Louis. Un menu plus succinct, mais qui conserve de nombreuses valeurs sûres tout en faisant écho à certaines préoccupations actuelles.

L’excitation est palpable chez le directeur artistique et la directrice générale du vaisseau amiral de la Fondation Arte Musica, qui ont mis la main à la pâte dès l’annonce de leur nomination au mois de mai passé.

« Caroline et moi, on s’est parlé tout l’été dernier. On fait ça vraiment ensemble, on se challenge, on se lance des idées, on se fait l’avocat du diable », raconte Olivier Godin.

« C’est une programmation qui se veut à la fois rassembleuse, positive, réconfortante, mais qui reflète aussi certains enjeux sociaux auxquels on répond par de la musique », ajoute le directeur artistique.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Caroline Louis, directrice générale de la salle Bourgie, et Olivier Godin, directeur artistique

Le nombre de concerts (autour de 100, contre 122 l’an passé) reflète la normale prépandémique, plusieurs artistes qui auraient normalement dû jouer pendant la pandémie ayant été présentés la saison dernière.

« On a essayé de bâtir une programmation qui est à la hauteur des attentes et aussi de ce qui a été fait dans le passé », précise Caroline Louis, qui a entre autres voulu satisfaire l’appétit vorace du public pour les concerts baroques, dans l’ADN de la salle Bourgie depuis ses débuts.

D’où la venue de noms prestigieux comme le Poème harmonique de Vincent Dumestre ou le violoniste Théotime Langlois de Swarte (avec l’ensemble Le Consort), en plus de l’habituelle présence des Violons du Roy et d’Arion.

Schubert

Si certains des abonnés auraient voulu recommencer illico l’entièreté des cantates de Bach, c’est plutôt à Schubert que sera consacrée la deuxième grande intégrale donnée dans la salle, et ce, à partir de la saison 2024-2025. Au menu : les quelque 600 lieder de Schubert.

Olivier Godin, qui a accompagné de nombreux chanteurs en tant que pianiste, insiste sur l’importance de la voix à Bourgie. Cela vaudra aux mélomanes d’entendre de grands noms d’ailleurs comme Wolfgang Holzmair, Cyrille Dubois et François Le Roux, mais aussi les incontournables d’ici comme Marie-Nicole Lemieux, Karina Gauvin et Gordon Bintner.

Devenue la Mecque montréalaise du piano, la salle présentera aussi des virtuoses comme Pierre-Laurent Aimard, Christian Blackshaw (sonates de Mozart), Igor Levit, Víkingur Ólafsson (Variations Goldberg), Charles Richard-Hamelin, Bruce Liu et André Laplante.

Autre créneau éminemment « bourgien », la musique de chambre est loin d’être en reste avec la venue du Quatuor Dover (concert d’ouverture de la saison le 27 septembre), du Trio Wanderer et du Trio Faust-Queyras-Melnikov.

Enjeux sociaux

En quoi la programmation illustre-t-elle les « enjeux sociaux » mentionnés par Olivier Godin ?

Les deux administrateurs citent le concert donné pour la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation avec trois artistes autochtones, celui en hommage au peuple ukrainien avec des mélodies écrites sur des poèmes de soldats au front et un récital de chant dédié aux femmes iraniennes.

Les hommages seront multiformes, puisque la prochaine saison lèvera son chapeau à Rachmaninov, Fauré, Dubois, Ligeti et Maria Callas à l’occasion d’anniversaires de naissance ou de décès, mais aussi, plus près de nous, à Rachel Laurin, Oscar Peterson, Françoise Sullivan, Raffi Armenian et Agnes Grossman.

Ayant tous deux travaillé en pédagogie dans leur vie antérieure, le duo à la tête de la salle de la rue Sherbrooke a également programmé six cours de maître et demandé à six de ses invités d’agir en tant que mentors pour des artistes de la relève.

La Fondation chouchoute également les jeunes du public (34 ans et moins), qui pourront continuer à bénéficier de billets de dernière minute à 10 $, initiative de plus en plus populaire, d’après Olivier Godin.

« Isolde avait un beau lien de confiance avec le public. Notre souhait le plus cher est que les gens nous fassent confiance et prennent des risques avec nous », dit Caroline Louis en terminant.