Souldia a lancé son 11e album, Non conventionnel, il y a trois semaines. Il le présentera, ainsi que ses nombreux succès, ce vendredi soir, au MTelus. La Presse a rencontré l’artiste de Québec pour discuter des différents thèmes qui définissent son œuvre.

Le rap

Kevin St-Laurent rappe depuis le tournant des années 2000. « À 15 ans, je faisais des mixtapes qu’on enregistrait dans ma cave. Je collais même les collants sur les disques. Je les donnais dans la rue ou je les vendais 10 $ », se rappelle-t-il.

Celui qui a grandi dans le quartier Limoilou, à Québec, a bénéficié à l’époque d’une scène locale active. « Il y avait beaucoup d’artistes, dont Limoilou Starz. On les voyait travailler, puis on se disait qu’un jour, on aimerait faire comme eux, partir en show […] C’était facile pour moi, le studio était au coin de la rue. Après le studio, c’étaient les freestyles au barbecue », se remémore le MC.

Extrait de Je ferai du rap, de Souldia
0:00
 
0:00
 

J’ai découvert que je savais faire autre chose que vendre de la drogue. Je me suis découvert moi-même avec le rap.

Souldia

Le film 8 Mile, mettant en vedette Eminem, est également sorti dans ces années et a contribué à l’explosion de la popularité des compétitions de rap battle. « Les premiers dollars que j’ai faits avec le rap, c’est dans des battles, confie Souldia. Après, je me suis mis à tourner dans les bars, alors que je n’avais même pas d’album. Des gens me payaient pour que je vienne juste rapper. J’étais déjà dans un engrenage. Le rap est devenu une maladie mentale. »

La rue

Pour Kevin, la musique était une porte de sortie. « J’ai grandi dans le crime, dans la drogue. Tout mon entourage, c’est ça. Les gens qui m’ont entouré toute ma vie, je ne vais pas les renier. Ce sont des gens que j’aime, assure-t-il. D’où je viens, il y a une limite à s’en sortir. Tes cousins qui étaient en prison vont quand même venir au baptême de ton bébé. C’est comme s’il y avait un genre de 20 % de toi-même qui va toujours rester là. Je pense qu’il faut l’assumer. »

Après être passé par les centres jeunesse, Souldia a connu la prison en 2009, au moment où sa carrière semblait réellement décoller. Après un séjour derrière les barreaux de près de 30 mois, la suite était encore plus limpide pour lui : « Dès que j’ai rencontré le rap et que j’ai vu qu’il y avait de l’argent au bout de ça, je me suis dit : “C’est ce que je vais faire jusqu’à ce que je sois à l’aise financièrement.” »

Le Québec

Souldia s’est souvent fait dire que son rêve n’allait jamais se concrétiser, surtout pas au Québec. « Bien gagner sa vie avec ça, c’est long. C’est très possible, mais il faut être persévérant. Le succès, au début, c’est comme si tu devenais une espèce de superstar sans avoir l’argent. Tout le monde pense que t’es riche. J’ai vécu des situations dans les épiceries où les gens se mettaient à courir, à hurler, à tomber dans les pommes, puis j’avais 100 $ dans mes poches », décrit le rappeur en souriant.

Ç’a pris 10 ans avant que je joue dans les grands festivals. Je ne me suis jamais plaint ouvertement parce que j’étais conscient du discours que j’avais. Je me disais : “Bon, c’est de ça que je veux parler dans mes tounes, je vais l’assumer. Je vais aller jouer dans les bars à Chicoutimi puis à La Tuque.”

Souldia

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Souldia aux Francos, en 2022

C’est justement les programmateurs des Francos qui lui ont offert sa première scène d’importance. « J’ai complètement capoté ! Mon plus gros show, je l’ai donné l’an dernier, aux Francos, sur la scène Bell. Depuis deux ans, je vis des affaires de fou malade. »

Le français

Sur Amnésia, première chanson de Non conventionnel, Souldia annonce : « je rappe en français, le reste je m’en tabarnak ». « J’ai grandi en écoutant beaucoup de rap français. Après, j’ai vu les Yvon Krevé, les Muzion, les Sans Pression qui rappaient en gardant l’accent québécois. Quand j’ai découvert que je pouvais le faire sans laisser mon accent de côté, j’ai trouvé ça magnifique. »

Souldia se dit un « défenseur du français ». Il accepterait volontiers une offre du gouvernement pour prendre part à la promotion de notre langue, mais il est conscient que les instances politiques ne veulent probablement pas participer à la diffusion de ses propos. « Trouvons des acteurs influents, suggère-t-il. J’ai du respect pour les gens âgés, mais je pense que c’est aux jeunes qu’il faut parler pour mettre la langue française de l’avant. »

La suite

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Après avoir coanimé La fin des faibles, Souldia travaille à l’écriture d’une série télé.

« Il me manque la grosse scène au Festival d’été [de Québec]. Il me manque des cases à cocher, mais mes objectifs de vie, je les ai déjà atteints. J’ai déjà dépassé ce dont je rêvais quand j’étais gamin. Je m’amuse. C’est mon deuxième MTelus. Qu’il soit sold out, j’y tiens vraiment », affirme Souldia.

Il y a deux ans, l’homme de 38 ans a lancé son étiquette, Altitude Records. Le jeune Jay Jay et son vieil ami Die-On – qui assurera la première partie du spectacle ce vendredi soir – sont les deux artistes de l’écurie.

« On prend notre temps, car c’est déjà beaucoup la routine studio, show, famille. Moi, je veux écrire du cinéma. Je veux écrire des séries avec mon ami d’Iceland Film, Usef Naït, qui réalise tous mes clips. On a déjà un plan de série. La prochaine étape, ça va être derrière et devant la caméra. »

Au MTelus, 21 h

Consultez le site des Francos