La chanteuse mexicaine Natalia Lafourcade a offert mercredi à la Maison symphonique le concert inaugural de sa première tournée en cinq ans. Ce fut un moment de musique enveloppant et impeccable, qui lançait aussi le Festival international de jazz de Montréal.

Ce n’est pas tous les soirs qu’on voit des gens danser à la Maison symphonique. Portés par le rythme doucement entraînant de Nunca es suficiente, grand succès de Natalia Lafourcade dont la foule enthousiaste chantait le refrain, des couples ont esquissé quelques pas mercredi, mains liées, corps synchronisés et, on le devinait sans le voir, sourire aux lèvres.

La vague de bonheur n’a pas baissé d’un cran, au contraire, au morceau d’après, Tú sí sabes quererme, tiré d’un album datant de 2017, Musas, et qui figure visiblement parmi les favoris des admirateurs de la chanteuse mexicaine.

Encore une fois, aucun spectateur n’avait les fesses vissées sur son siège : les hanches se déliaient et l’ambiance était à la fête, ce qu’on n’aurait pas cru possible deux heures plus tôt, lorsque les artistes sont entrés en scène.

Natalia Lafourcade est en effet apparue côté jardin marchant d’un pas lent, en tenant dans ses mains la très vaste jupe de sa robe noire. Le moment se voulait empreint d’une certaine solennité, mais on sentait la chanteuse empêtrée dans cette toile au diamètre impressionnant, qui fut déployée avec l’aide de techniciens de scène après qu’elle eut pris place sur la chaise placée au centre de la scène.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

La très large robe noire de la chanteuse constituait pratiquement un élément de décor.

On ne le savait pas encore, mais ce concert – le premier de deux qu’elle présente à Montréal, l’autre étant programmé ce jeudi – inaugurait sa première tournée en cinq ans. « Il y a des choses qui sont prêtes et d’autres qui ne le sont pas, a tenu à préciser Natalia Lafourcade, chez qui on ne sentait pas une miette de trac. C’est comme ça, la vie. » Elle avait raison de ne pas trembler : si elle ne l’avait pas mentionné, jamais on n’aurait songé que son groupe et elle n’étaient pas déjà parfaitement rodés.

Une foule captivée

Le mouvement d’ensemble du concert et l’exécution furent en effet impeccable. Misant sur les morceaux de son plus récent album, De todas las flores, dont elle a interprété 9 des 12 chansons au cours de la première partie du spectacle, Natalia Lafourcade a d’abord paru vouloir installer un cadre un peu sage. Entourée de ses quatre musiciens (un pianiste, un contrebassiste, un percussionniste et un guitariste possédant aussi une superbe voix), elle a tout de suite captivé la salle.

Plus encore que sur disque, la chanteuse dialoguait musicalement avec son pianiste, qui rajoutait de jolies teintes de bleu sur De todas las flores et Pasan los días.

L’atmosphère s’est mise à changer sur Llévame viento, où, tirant des sons parfois inusités de leurs instruments, les musiciens ont évoqué le vent de la chanson, créant un moment de poésie rehaussé par une sonorisation sans faille.

Ponctué de moments dramatiques, mais surtout empreint de nostalgie, le premier tiers du concert a oscillé entre envies jazz et réminiscences cubaines, mexicaines et brésiliennes. Le tout rendu avec une grande finesse. Natalia Lafourcade, elle, faisait élégamment glisser son chant sur ces musiques pleines de charme. Le constat s’est imposé de lui-même : cette femme possède un charisme fou. Il a suffi que la cadence augmente un peu pour que le groove qui naissait sur la scène fasse rouler des épaules et remuer des hanches dans la salle pourtant encore assise. Pendant María La Curandera, même un technicien de scène n’a pas pu s’empêcher d’esquisser des pas de danse côté cour.

Quelques boléros

Après une finale théâtrale, Muerte, la chanteuse est sortie de scène le temps de changer de tenue et de revenir sur les planches vêtue d’une robe blanche à frange. Le message était clair : après le voyage dans les affres d’une rupture amoureuse, il était temps de revenir à la vie. Natalia Lafourcade a alors entonné quelques boléros qui l’ont accompagnée « toute sa vie » – La Llorona, Tú me acostumbraste et Soledad y el Mar – très chaleureusement reçus par l’auditoire.

On avait compris à ce moment-là que Natalia Lafourcade avait conçu son spectacle comme un lent crescendo. Elle avait soigneusement mis la table, augmentant discrètement le rythme, soulignant de plus en plus les grooves, pour mener au bouquet final entre autres composé de Lo que construimos, Hasta la raíz, Mi Tierra veracruzana et sa touchante Nunca es suficiente.

Ce fut, au bout d’un peu plus de deux heures de musique, un triomphe. Celui de l’élégance, celui de la beauté, celui d’un groupe en symbiose quasi parfaite et celui d’une chanteuse et musicienne au goût sûr et au magnétisme irrésistible.