La pianiste japonaise a multiplié les notes jeudi au Festival de jazz.

Si certains doutent encore que le 43Festival de jazz est commencé, c’est qu’ils n’étaient pas au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, jeudi soir. Ils auraient vu la pianiste Hiromi livrer une autre de ses électrisantes performances, pour le plus grand plaisir d’un public avide de spectaculaire.

Musicienne prolifique (17 albums en 20 ans !), ancienne protégée de Chick Corea et de Stanley Clarke, la musicienne japonaise n’était pas venue à Montréal depuis 2017, quand elle avait enregistré un album live avec le harpiste Edmar Castañeda. Elle était cette fois accompagnée du quatuor à cordes PUBLIQuartet, pour reproduire l’essentiel de son dernier album, Silver Lining Suite (2021), œuvre concept de 45 minutes inspirée par la « période difficile » du confinement.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Hiromi était accompagnée du quatuor à cordes PUBLIQuartet.

Fougue et cinématique

Son mélange de jazz et de musique classique était somme toute assez réussi. On se promène sans cesse à la frontière entre les deux univers. Hiromi Uehara en mène large, mais laisse beaucoup de place à l’orchestre de chambre, dont les cordes tantôt soyeuses, tantôt frénétiques ajoutent un côté cinématique aux compositions.

Mais c’est elle, malgré tout, qui attire la lumière. Vêtue d’une robe blanche assez design, de running shoes de la même couleur, et arborant un chignon un peu fou, elle attaque le piano avec fougue. Ses doigts volent sur le clavier, piochent, martèlent, main gauche solide, main droite hyperactive, avec une maîtrise totale de l’instrument.

On ne sent chez elle aucun effort. Tout semble facile. Elle gesticule, lève la jambe, tape du pied, bouge la tête, mais ne transpire pas, ou à peine.

Hiromi est une virtuose, au sens le plus strict du terme. C’est-à-dire qu’elle joue beaucoup, beaucoup, beaucoup de notes à la minute. C’est impressionnant. C’est époustouflant. C’est même étourdissant, après un certain moment. Pour les références, on pense confusément à Chick Corea, Erroll Garner, Keith Jarrett, Lalo Schifrin ; à Liberace, lorsqu’elle flirte avec l’easy listening ; et même à Paul McCartney, dont elle reprend la ballade Blackbird.

Est-ce que l’émotion est au rendez-vous ? C’est une autre question. Hiromi frise la perfection, mais ne semble connaître que deux vitesses : les explosions de notes et les accalmies. On cherche – en vain — le monde de nuances qui pourrait exister entre ces deux extrêmes. On ne les voit ni ne les entend.

Ça ne gâche pas le plaisir. La salle savoure cette performeuse hors pair. Cette prodigieuse dextérité. Les ovations sont nombreuses. Mais à la fin, on a un peu l’impression que ça tourne en rond. On en reprendrait, mais à petites doses…