Le 43e Festival de jazz se conclut ce week-end. Il reste encore des spectacles en salle et à l’extérieur pour en profiter, mais d’ores et déjà, on peut se prononcer : ce fut une grande édition.

On ne peut pas tout voir, c’est bien le beau dilemme de la plupart des festivals. Conflits d’horaires, choix déchirants ; prendre le pouls d’un tel évènement donne invariablement un diagnostic différent d’une personne à l’autre – mon collègue Jean-Christophe Laurence en propose un autre.

Lisez le compte-rendu de Jean-Christophe Laurence

L’équipe de la programmation s’est brillamment relevée d’une annulation dès le premier jour en remplaçant le guitariste britannique Oscar Jerome par le trio québécois Misc, tout à fait à sa place à 22 h, au Studio TD. Jérôme Beaulieu au piano et ses deux comparses nous ont donné du jazz en mutation avec une pincée d’électro comme on l’entend sur Partager l’ambulance. On aurait pu intituler la soirée Oscar Jerome Beaulieu ! Ça s’est passé le 29 juin, le soir même où le très attendu Christone Kingfish Ingram chauffait la scène blues à l’extrémité est du site du festival à l’invitant Parterre symphonique pour deux solides sets de blues électrique à 21 h et 23 h. Il y a du monde là les amis !

La scène est plus basse qu’avant, en plus d’avoir subi une légère inclination vers l’ouest. On a préféré cette ambiance survoltée à l’extérieur à sa performance un peu cacophonique à la salle Wilfrid-Pelletier. On s’inquiétait de la qualité de l’air, particulièrement ce soir-là, mais le bluesman de Clarksdale, au Mississippi, en a mis plein la vue, sans esbroufe. Le gros coup blues des organisateurs, il va sans dire. On a hélas manqué George Benson qui revenait au festival. Pour l’avoir vu à toutes ses escales montréalaises depuis 30 ans, dont le fameux concert double, 10anniversaire au Forum en 1989 en compagnie de B.B. King, le guitariste aux notes chantées fut un choix indiscutable pour le concert d’ouverture en salle.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Buddy Guy à la salle Wilfrid-Pelletier le 30 juin dernier

Le lendemain, rendez-vous une dernière fois avec Buddy Guy et ses nobles intentions blues. On vous en parlait plus tôt cette semaine, l’ambiance était à son comble. Il maltraitait toujours son manche de guitare, a fait le comique, raconté des bonnes histoires, nous a parlé un peu de sa vie et, surtout, a offert ces chansons de Willie Dixon, Muddy Waters et autres John Lee Hooker à sa manière, c’est-à-dire toujours à fleur de peau, du feeling à revendre et une voix qui n’a pas fléchi. Il ne s’en fait plus des comme lui, pour reprendre l’expression consacrée. Grand écart, du côté de la place des Festivals, pour attraper 20 minutes de Cimafunk, formation latino qui mise sur le funk avec un chanteur en mission !

La série Invitation : le rendez-vous des splendides

Il y avait des découvertes à faire à l’heure du souper à la salle du Gesù. L’endroit est bien sûr propice aux rencontres impromptues, parfois des musiciens qui ont très peu joué ensemble. Imaginez : quatre musiciens de Snarky Puppy le 1er juillet, suivi d’une séquence victorieuse de trois soirs consécutifs avec le batteur Nate Smith.

Le 4 juillet en particulier, Smith a eu carte blanche avec deux monstres à dompter, le guitariste Cory Wong et surtout l’incendiaire bassiste Victor Wooten, ex-Béla Fleck and The Flecktones. Improvisations, connexion avec les éléments spirituels, cette série propose ce samedi le nonet de notre Alain Caron, défricheur de sa profession.

Le 2 juillet, sur cette grande place des Festivals, la soirée a commencé dans une douceur relative avec le quatuor californien The Altons qui avait joué la veille sur une autre scène. Le son indé de sa musique, en plus des harmonies des voix qui font mouche dans ses écrins pop, est juste parfait à cette heure. On aime beaucoup cette désinvolture.

Avec un peu de recul, on réalise à quel point le concert de Herbie Hancock à la salle Wilfrid-Pelletier a comblé ce public d’aventureux, toutes générations confondues. Des ovations pour la musique – pas toujours évidente –, de la gratitude infinie pour le jazzman de 83 ans. On ne l’espérait plus, et pourtant. On le dit : Terence Blanchard a sidéré tout le monde avec sa trompette.

Les concerts gratuits : l’offre montréalaise qui fait l’envie des visiteurs

Ma découverte jazz du festival ? Endea Owens & The Cookout, le 3 juillet, qui a mis en scène un rutilant quintet acoustique énergisant au possible. L’emplacement de cette scène sur l’esplanade Tranquille (en hommage au libraire qui tenait boutique tout près) est idéal et surtout ultraconvivial pour le jazz-jazz. La contrebassiste fait l’amour avec son instrument, c’est physique, c’est contagieux. Cette femme reviendra à Montréal, c’est certain, avec Charlebois dans ses écouteurs, pourquoi pas ?

Jeudi, le très attendu Thundercat avec sa basse à six cordes foulait la scène TD, la plus grande, avec un batteur au casque de moto au look boule disco et un pourvoyeur de beats et de sons électros. Sa dernière visite remontait au 10 décembre 2021, au MTelus. Le producteur et collaborateur tous azimuts californien a offert une solution jazz des plus modernes, la basse bien ronde, sorte de continuité avec le concert de Kamasi Washington sur cette même scène l’an passé.

Enfin, en terminant, ma reine Marisa Monte, deux soirs, s’il vous plaît. On fait une petite génuflexion devant le Christ Rédempteur de Rio pour lui témoigner toute notre gratitude. De l’émotion, des ambiances gorgées de soleil, la langue portugaise… si sexy ! Ma palme d’or de cette 43édition.

Un très grand FIJM. C’était notre 41e et celui-là nous laisse une maudite belle impression. Le plein équilibre des styles, en salle comme à l’extérieur, du neuf comme il se doit, des revenants de toutes les provenances musicales, les grandes forces qui en font sa marque, son image de marque, c’est la musique et son site formidablement bien aménagé. Le jazz vit et revit. C’est le cycle perpétuel.