Notre journaliste se balade dans le Grand Montréal pour parler de gens, d’évènements ou de lieux qui font battre le cœur de leur quartier

« C’est magique. »

Chaque fois qu’Éric Fortin-Lambert gravit la colline où sont alignées les grandes lettres d’Osheaga, la vue l’éblouit, avec le paysage du centre-ville de Montréal qui s’élève derrière les deux principales scènes du festival, aménagées dans l’Espace 67 de l’île Sainte-Hélène.

Depuis 2012, le parc Jean-Drapeau est sa deuxième maison pendant l’été, puisqu’il est le directeur de production et des opérations des festivals d’evenko. « J’y passe presque deux mois », dit celui dont l’équipe est sur place depuis le 4 juillet.

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Éric Fortin-Lambert, directeur de production chez evenko

Osheaga, qui débute vendredi jusqu’à dimanche, ne serait pas le même sans son site insulaire enchanteur. On peut en dire autant des festivals îleSoniq et Lasso, qui auront lieu les week-ends après celui d’Osheaga, sans compter le spectacle de Guns N’Roses, mardi prochain, le 8 août.

« La vue sur la ville, la vue sur le fleuve : c’est l’un des meilleurs sites au monde », renchérit Nick Farkas, vice-président programmation, concerts et évènements chez evenko.

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Nick Farkas, vice-président programmation, concerts et évènements chez evenko

« Ça fait 40 ans que je viens ici », souligne-t-il en mentionnant qu’il a travaillé pendant deux étés à La Ronde alors qu’il était adolescent. C’était dans une concession alimentaire, près du feu manège La Pitoune. « Je portais un chapeau de cowboy », se remémore-t-il.

C’est depuis 2006 que le festival Osheaga existe et a lieu sur l’une des îles du parc Jean-Drapeau. Au cours des deux dernières années, il y a eu des tensions entre evenko et la Ville de Montréal, pour finalement réduire la superficie du site d’environ 20 %.

Les festivals sont là pour de bon, assure néanmoins Véronique Doucet, directrice générale de la Société du parc Jean-Drapeau (SPJD), rencontrée après avoir visité le site d’Osheaga avec Nick Farkas et Éric Fortin-Lambert. « Avec les promoteurs, on a travaillé à restreindre leurs limites et mieux les penser. »

Résultat : la scène boisée des Arbres n’est plus, mais il y en aura une autre plus petite aux allures de beer garden. En guise de consolation, l’ajout d’une deuxième passerelle permettant de se rendre aux scènes Verte et de la Vallée donne une vue spectaculaire sur Montréal.

Sinon, le Piknic Électronik a dû quitter le site de la plaine des Jeux pour s’intégrer à celui d’Osheaga. Après le Piknic de dimanche dernier, il fallait donc changer rapidement les installations.

« C’était vraiment intense », dit Éric Fortin-Lambert.

Or, le directeur de production a su développer une grande débrouillardise au fil des années. Il raconte en riant être allé acheter un trône rouge en catastrophe dans une boutique de décors pour le rappeur Big Boi dont le genou était blessé en 2013. Il a aussi songé à faire venir Travis Scott en hélicoptère quand le rappeur a été coincé à la douane en 2018. Disons que ça entre dans la catégorie « tâches connexes ».

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Vue sur Montréal de l’une des passerelles

Pour sa part, Nick Farkas s’est réveillé mercredi matin en apprenant que la tête d’affiche Aya Nakamura avait des ennuis de santé et qu’elle devait annuler son premier spectacle en Amérique du Nord prévu vendredi à Osheaga. On lui a finalement trouvé une remplaçante : la reine pop du Québec, Charlotte Cardin. « Nous avons créé une cellule de crise. Et en cinq heures, c’était réglé. »

Heureusement, les ventes de billets vont bien cette année : la journée de samedi affiche complet (avec 50 000 entrées), et celle de dimanche le sera sans doute aussi. L’an dernier avec moins de 120 000 festivaliers en trois jours (contre 135 000 avant la pandémie), Nick Farkas confie avoir eu peur qu’Osheaga souffre d’un désintérêt généralisé. Or, c’était plutôt l’absence de festivaliers étrangers qui a fait mal.

« Il y avait une inquiétude pour l’avenir, et c’est un soulagement de voir qu’on revient fort cette année. »

Un parc unique en renouveau

Si la météo demeure un facteur de stress perpétuel pour Nick Farkas, ce dernier ne cache pas que les importants travaux prévus jusqu’en 2030 au parc Jean-Drapeau sont une nouvelle grande source d’incertitude. Il espère notamment que les festivals d’evenko pourront toujours avoir accès à la place des Nations.

En poste depuis 16 mois, la directrice générale de la Société du parc Jean-Drapeau Véronique Doucet se fait rassurante. Les Osheaga et îleSoniq représentent des revenus et des retombées importantes pour le parc et Montréal, mais c’est au cœur du plan directeur dévoilé en 2021 d’assurer un équilibre entre vocation événementielle et accessibilité pour les usagers. « Il fallait mettre des balises », résume-t-elle.

Mme Doucet rappelle que le parc Jean-Drapeau fêtera son 150e anniversaire l’an prochain. C’est le plus vieux parc de Montréal et le plus grand parc urbain insulaire au Québec, signale-t-elle. « Il n’y a rien de comparable avec ses activités diversifiées. »

Un parc avec La Ronde, un casino, un circuit de Formule 1, un complexe aquatique extérieur, une plage et le plus grand bassin olympique en Amérique du Nord, c’est en effet assez unique.

Parmi les travaux prévus jusqu’en 2030 (au coût d’environ un milliard de dollars), citons le resurfaçage (en cours) du circuit Gilles-Villeneuve, la réhabilitation du lac des Cygnes, des jardins et des canaux, ou encore la réouverture du pavillon Hélène-de-Champlain. On veut améliorer l’offre alimentaire, celle d’activités hivernales, et la mobilité pour se déplacer d’une installation à l’autre sans voiture, expose Véronique Doucet.

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Véronique Doucet, directrice générale de la Société du parc Jean-Drapeau

La directrice générale de la SPJD rappelle par ailleurs que tous peuvent profiter du parc Jean-Drapeau alors que les festivals ont lieu. « C’est ce qu’on veut démystifier pour la population. Le parc reste accessible. »

Faire du vélo sur une piste de Formule 1, se baigner, puis aller voir Billie Eilish ou Kendrick Lamar ?

En plus de sa vue « magique », le parc Jean-Drapeau est incontestablement unique. « Ça fait partie de l’ADN d’Osheaga », conclut Nick Farkas.