La journée de samedi constituait le cœur de la Virée classique organisée depuis une dizaine d’années par l’Orchestre symphonique de Montréal, un mini-festival qui s’est mis en branle vendredi soir et se terminera ce dimanche après-midi. La Presse a assisté à quatre des quatorze concerts payants offerts samedi à différents endroits de la Place des Arts.

Cela faisait chaud au cœur de voir la foule venue nombreuse écouter les concerts gratuits offerts dans le grand hall de la Place des Arts et au Complexe Desjardins. Mais les autres concerts n’ont pas été moins populaires, notamment le premier que nous avons eu la chance d’entendre, donné à guichets fermés.

Plus un billet pour entendre de la musique de chambre pour cordes ? Les mélomanes, rassemblés en début d’après-midi dans cet espace idéal que constitue la scène du Théâtre Maisonneuve, ont pu entendre des membres de l’OSM jouer des extraits de la Commedia dell’arte, œuvre pour quatuor à cordes composée il y a une dizaine d’années par la Montréalaise Ana Sokolović, et le sextuor Souvenir de Florence, op. 70, de Tchaïkovski.

Si la première œuvre charme par ses sonorités inattendues, passant du jazz à la boîte à musique, avec des effets instrumentaux bluffants (jeu sur le chevalet ou sur la touche, harmoniques…), la seconde, chef-d’œuvre de la musique de chambre peu joué du fait de ses effectifs passablement inhabituels, décoiffe par l’engagement des six musiciens menés par le violon solo de l’OSM Andrew Wan, qui émeut dans ses différentes interventions en solo, notamment dans le splendide Adagio cantabile.

Détour à Bali

On change ensuite de scène pour celle de la salle Wilfrid-Pelletier, où encore plus de spectateurs sont entassés. Mais le menu est cette fois aux antipodes. Littéralement.

Honte à nous d’avoir méconnu ce trésor national qu’est Giri Kedaton (« mont royal » en indonésien), orchestre de musique balinaise en résidence à l’Université de Montréal depuis la fin du siècle dernier. L’ensemble joue sur un gamelan (ensemble d’instruments à percussion) gracieusement offert par le gouvernement indonésien.

Il faudrait un article complet pour décrire cette expérience où se conjuguent costumes, accessoires, instruments exotiques (beaucoup de percussions métalliques, mais aussi flûtes, gongs…), chant, danse, masques et rituels divers.

Une heure de musique extrêmement touffue (Debussy disait que Palestrina aurait rougi en entendant la complexité de la musique balinaise), jouée essentiellement par cœur, avec des sonorités d’un autre monde… inoubliable !

Beauté immatérielle

On reste tout près (au Piano Nobile) pour le récital du violoncelliste allemand Nicolas Altstaedt, une des vedettes de cette édition de la Virée, qui propose trois jalons du répertoire pour violoncelle solo : la Suite pour violoncelle no 5 en do mineur, BWV 1011, de Bach, les Trois strophes sur le nom de Sacher de Dutilleux et la Sonate pour violoncelle seul de Kodály.

On est bouche bée devant le raffinement du jeu du musicien, à peine perturbé par la chute de sa tablette électronique dans le premier morceau de la Suite de Bach. Il faudrait plusieurs écoutes pour saisir toutes les nuances (dynamiques, mais pas que) qui émanent de son instrument.

Mais tout cela est d’une perfection un peu hautaine. Le Dutilleux aurait par exemple bénéficié d’une amplification des effets, et le Bach d’un tempo légèrement plus large, en particulier le prélude, dont on sent peu la solennité à la française. Heureusement, la sarabande a tout racheté par sa beauté immatérielle.

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Le violoncelliste allemand Nicolas Altstaedt

Nous partons enfin (ratant malheureusement la formidable Sonate de Kodály) pour arriver à temps sur la scène du Théâtre Maisonneuve pour un autre concert inusité, cette fois donné par un quatuor de cornistes de l’OSM, une formation qu’on entend trop rarement.

Très sympathique moment avec des œuvres généralement brèves, surtout des transcriptions, hormis l’intéressante Suite pour quatre cors en fa d’Eugène Bozza, un compositeur spécialiste des cuivres qui sait toujours les faire bien sonner. En sus, une habile transcription du célèbre Prélude en sol mineur, op. 23 no 5, de Rachmaninov, qui pousse le quatuor dans ses retranchements.

La Virée classique se termine ce dimanche avec sept concerts, dont Carmina Burana d’Orff, les Vêpres de la Vierge de Monteverdi et le Requiem de Fauré.