Le second album de Charlotte Cardin est un moment dans le temps, fait de 99 nuits, figé dans une musique où la Montréalaise s’est permis de tout explorer avec spontanéité pour se libérer. Elle présentera vendredi le résultat de ses efforts.

Lorsque l’acclamé premier disque de Charlotte Cardin, Phoenix, est sorti en pleine pandémie, il n’était toujours pas possible pour elle d’aller le défendre sur la route. À l’été 2020, l’artiste s’est alors tout de suite attelée à confectionner la suite. En résulte l’album 99 Nights, une capsule temporelle qui décollera officiellement dans moins de 24 heures.

Et parce qu’il n’y avait pas d’obligation, aucune contrainte de temps ou de forme, la création a été « libératrice ». Pendant 99 nuits, un nombre métaphorique qui incarne la période où son remue-ménage intérieur a fait naître ses nouvelles chansons, elle a écrit, composé et chanté, et elle s’est libérée.

« Pour Phoenix, c’était une thérapie qui a été quand même difficile : j’ai eu à retourner dans des moments qui faisaient mal », raconte-t-elle, à quelques jours de la sortie de 99 Nights.

Cette fois-ci, ça a été une thérapie vraiment plus saine, ça m’a fait me sentir bien de l’écrire. Je suis allée dans des choses vraiment profondes, mais c’était plus dans le moment présent.

Charlotte Cardin

Nous discutons avec la chanteuse dans un cubicule de réunion dans les bureaux de sa maison de disques, Cult Nation, dans le Mile End. Elle se lance ce jour-là dans un blitz d’entrevues pour promouvoir ce deuxième disque dont elle est visiblement très fière, dont elle parle avec un enthousiasme contagieux.

À l’été 2020, donc, Charlotte et son bassiste, Mathieu Sénéchal, se sont retrouvés dans l’appart de ce dernier à « jammer » jusqu’à l’arrivée de morceaux de chansons, une façon de faire de la musique qu’elle avait rarement adoptée avant.

« On arrivait le matin et on faisait juste de la musique. J’avais plein de hauts et de bas, je me sentais à la croisée des chemins dans plein d’aspects de ma vie, relate Charlotte Cardin. C’est de ça que j’avais besoin. De juste faire de la musique pour échapper à tout ça. Des fois, j’écrivais pour me sortir de ce que je vivais. C’était quelque chose de super spontané, c’était un processus super joueur pour moi de plein de façons différentes, dans les sonorités, dans les instruments, dans les mots. Je pouvais me laisser aller dans le studio, j’avais du plaisir. »

« J’avais un peu plus confiance en approchant la création de cet album-là, raconte-t-elle ensuite. Ça m’a permis d’écrire des chansons et de jouer avec des sonorités qui étaient comme une libération. C’est comme si mon playground s’était élargi. Je n’avais pas peur d’aller toucher de nouveaux éléments ou de parler de certaines choses. »

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À Montréal, puis ailleurs

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Charlotte Cardin

Le disque est très introspectif, la chanteuse se questionne, s’observe, se donne la permission de s’amuser aussi dans toutes ces réflexions. « On voulait garder une approche qui faisait que c’était comme un journal intime. Il y a de mes histoires vraiment très personnelles, mais ce sont aussi des choses qui sont arrivées à mes amis. »

Parlant d’amis, certains de ses compagnons les plus proches ont été de la partie du début à la fin de la création de 99 Nights.

C’est un album que j’ai vraiment fait à la base avec mes amis à Montréal.

Charlotte Cardin

Le noyau formé de son grand complice artistique et imprésario Jason Brando, de Lubalin et de Mathieu Sénéchal. Mais la liste de collaborateurs ne s’arrête pas là. Tant à l’écriture, où l’on peut voir dans les crédits les noms d’Aliocha, de Skiifall (qui rappe sur la pièce bilingue Enfer) et de Patrick Watson, que sur le plan de la réalisation, où s’ajoutent les noms de Mr. Hudson, Sam Avant, MAG et Rob Grimaldi, notamment.

Dès la première fois où nous avons rencontré Charlotte, il y a maintenant quelques années, il a été évident en lui parlant de son art que ceux qui l’entourent font sa force. Son talent seul lui permet d’accomplir de grandes choses, mais ses collaborateurs sont un carburant dont elle ne pourrait se passer.

« Il y avait un grand aspect collectif dans la création de cet album », constate-t-elle aujourd’hui.

Après ces 99 nuits, il a fallu aller sur la route pour présenter le premier album, Phoenix. Lorsque l’horaire le permettait, elle se rendait à Londres ou à Toronto pour travailler les chansons de 99 Nights.

Avec les grandes lignes du nouveau disque bien tracées et une direction claire, elle est allée à la rencontre des réalisateurs étrangers dont les approches et les styles sont différents, mais qui avaient tous en commun de pouvoir porter son travail où elle l’imaginait. « Mais c’est resté dans la spontanéité, précise-t-elle. On avait notre direction, mais quand on est arrivés, par exemple, avec un producer qui nous a dit que son background, c’était le saxophone de jazz, on est allés jouer avec ça. On se laisse porter par les ambiances des différents producers. »

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Quitter Montréal pour grandir

Le résultat est éclectique sans être éparpillé. Les chansons ont en commun des thèmes (l’ego, l’introversion, le renouveau ou l’amour, bien sûr), mais aussi le fait qu’elles font danser doucement, pour la plupart. Fidèle à elle-même, Charlotte Cardin n’est pas passée à côté de l’occasion de livrer une ballade saisissante. La dernière pièce de l’album, Next to You, a été écrite avec le Montréalais Patrick Watson, avec qui elle travaille depuis un an déjà, depuis un duo au Festival d’été de Québec.

« C’est un collaborateur extraordinaire, qui est tellement inspirant, dit Charlotte Cardin. Quand je suis arrivée en studio la première fois, il m’a demandé de faire jouer mes derniers enregistrements vocaux dans mon cell. Et le plus récent, c’était cette mélodie de piano que j’avais travaillée ce matin-là, que ça faisait des mois que j’avais en tête sans trouver où l’amener. Je la lui ai fait jouer et on a su qu’on travaillerait à partir de ça. »

Next to You est la chanson sur laquelle elle a « passé le plus de temps », environ six mois. Charlotte a déménagé à Paris et la pièce s’adresse à sa ville, Montréal, qu’elle a souhaité quitter pour « mieux [s’]épanouir ». « Ça a été une décision vraiment difficile. Montréal sera toujours ma ville et j’y reviens tout le temps. Mais plein de choses m’attendaient et j’avais besoin de le faire pour grandir. Cette chanson-là est le parfait dernier chapitre de ce petit journal intime. »

L’artiste s’apprête désormais à aller chanter ce journal intime sur scène, un peu partout dans le monde en commençant par le Québec. Sur 99 Nights, elle a donné de nouvelles nuances à sa voix, des subtilités qui lui permettent de faire beaucoup sans toujours pousser les plus hautes notes. Ces nouveaux défis vocaux se traduiront aussi en spectacle. Charlotte se sent prête à prendre la route, à faire vivre ce disque autrement, deux ans après ces 99 nuits où il a commencé à exister. Un nouveau chapitre commence.