Molinari, c’est d’abord le patronyme d’un acteur majeur de la modernité picturale québécoise, mais c’est aussi le nom d’une formation de chambre incontournable de notre écosystème musical. Rencontre avec la violoniste Olga Ranzenhofer, directrice artistique et fondatrice du Quatuor Molinari, à l’approche de son concert du 8 septembre (19 h 30) au Conservatoire de musique de Montréal.

On compte sur les doigts d’une main les quatuors à cordes québécois professionnels à temps plein. Fondé en 1997, le Quatuor Molinari fait partie des heureux élus. Il en est à sa 27e saison, une saison qui le mènera notamment à New York, Toronto et Vancouver.

« On a trois répétitions par semaine. C’est assez intense, parce que la musique qu’on fait demande beaucoup, beaucoup de travail », explique la musicienne, seule membre d’origine de cet ensemble se consacrant exclusivement au répertoire des XXe et XXIe siècles.

Un appartement aménagé en haut de chez Mme Ranzenhofer sert de havre pour le quatuor, qui peut alors en toute quiétude se déchaîner sur Chostakovitch ou Bartók à l’ombre de la vingtaine de prix Opus remportés au cours des années.

Un métronome amplifié permet au groupe de garder le cap à travers les méandres du répertoire moderne et contemporain. Mais cela ne suffit pas toujours. Notamment dans les œuvres de Webern, que les Molinari joueront en mars prochain.

« Webern comporte beaucoup de changements de battue, alors c’est difficile de suivre avec un métronome, précise la violoniste. Pierre-Alain [Bouvrette, violoncelliste du quatuor] nous fait des click tracks pour gérer les accelerandos et les changements subits de tempo ». Des click quoi ? Une piste-métronome, comme dirait Guy Bertrand, autrement dit un enregistrement de chaque pulsation de l’œuvre.

« On l’a utilisé quand on a fait les quatuors de Berio, en particulier dans un quatuor qui est un peu comme du Webern à la puissance dix : chaque mesure changeait de tempo, d’indication métronomique ou de métrique », ajoute la directrice artistique.

Mais on ne fait pas juste des musiques très avant-gardistes. Là, on est dans Chostakovitch, on a beaucoup de plaisir ! Et on va faire le quatuor de Debussy cet automne.

Olga Ranzenhofer, directrice artistique et fondatrice du Quatuor Molinari

Mais quand même, est-ce que cela ne leur démange pas parfois de sortir les petits bijoux de Haydn et de Mozart ou les grandes pages du dernier Beethoven ?

« Les XXe et XXIe siècles nous permettent d’avoir un vaste répertoire, très varié, qui nous permet de toucher aux grandes écoles d’écritures et aux grandes écoles nationales. Je ne trouve pas qu’on se restreint, car on ne se rendra jamais au bout de tout ce qui a été écrit après 1900 », affirme, convaincue, Mme Ranzenhofer, qui a étudié aux États-Unis auprès du Quatuor LaSalle, spécialiste reconnu en ce domaine.

« J’ai beaucoup appris avec le Quatuor LaSalle, entre autres sur les quatuors de Webern. C’est de la musique viennoise, “mit Schlag”, avec de la crème ! Il ne faut pas avoir peur de vibrer et de faire des glissandos », assure-t-elle en riant.

PHOTO FOURNIE PAR LE QUATUOR MOLINARI

Le quatuor Molinari

« Le danger, c’est d’avoir de la distance et de la froideur quand on fait de la musique contemporaine, alors que ce n’est pas du tout le but des compositeurs », indique la musicienne.

Il y a eu une époque, il y a quelques décennies, où la musique contemporaine, il ne fallait pas qu’il y ait de l’émotion et c’était froid. Mais ce n’est plus ça du tout !

Olga Ranzenhofer, directrice artistique et fondatrice du Quatuor Molinari

C’est notamment le cas dans les quatuors de Chostakovitch, dont le Quatuor Molinari entame, vendredi prochain (avec du Nachoff et du Schafer), une intégrale au long cours qui le mènera au demi-centenaire de décès du compositeur soviétique en 2025. Un parcours qu’il avait déjà arpenté en 2015 pour les 40 ans.

« C’est très formateur de travailler Chostakovitch, car tous les défis de la musique pour quatuor sont là : l’intonation, le rythme, l’intensité, l’expression, les couleurs… »

« Quand Chostakovitch met un triple forte, tu rentres dans la corde ! lance-t-elle. S’il y a un petit crounch à l’attaque, ce n’est pas très grave, il faut que ça soit comme un coup de poignard dans le cœur. »

Alors, barbante, la musique contemporaine ?

Consultez le site du Quatuor Molinari