Avec un troisième album en cinq ans, Laurence-Anne continue de nous inviter dans son univers mystérieux aux contours mouvants. Oniromancie, qui sort vendredi, est un hypnotique voyage au pays des rêves qui ressemble à un tableau surréaliste, mais surtout qui porte la signature unique d’une créatrice prolifique.

Contrairement à la plupart d’entre nous, Laurence-Anne se souvient de la majorité de ses rêves, qui viennent même souvent hanter ses journées. Plusieurs des chansons de cette fille de clair-obscur plus que de lumière, nocturne assumée qui connaît ses moments d’inspiration surtout la nuit, répercutent des échos oniriques depuis Première apparition, son premier album paru en 2019.

Mais Oniromancie va plus loin : les 11 pièces de l’album sont une totale plongée dans ses rêves et son inconscient, peuplées d’images chimériques et de textures étranges, comme les paysages qui coulent dans un tableau de Dali. Un monde intangible qu’elle a tenté de traduire en mots et en sons.

« C’est vraiment une question de lieux, de paysages, d’ambiance », explique l’autrice-compositrice-interprète. Et ce n’est pas toujours le côté enchanteur ou paisible du rêve qu’on y trouve, il y a aussi des cauchemars et des états plus angoissants, comme la paralysie du sommeil qu’elle évoque dans Polymorphe.

Extrait de Polymorphe

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« Le terme oniromancie, qui signifie divination par les rêves, je trouvais qu’il fonctionnait avec les chansons. Parce qu’elles parlent d’expériences que j’ai vécues, ou de situations que je vivais que j’ai comprises à travers les rêves. »

On peut trouver Laurence-Anne un peu ésotérique, et elle l’admet d’emblée en souriant. « Oui, je le suis, dans un sens. Ce n’est pas un secret. » Elle réfléchit un peu.

Je ne serais pas capable de composer sur le réel. Je ne pourrais pas écrire sur mon trajet en autobus. Ça ne m’inspire pas vraiment, ce qui est factuel, parce que c’est déjà là, on le sait. Ça n’a rien de surprenant.

Laurence-Anne

De là à dire qu’elle préfère le rêve à la réalité, il n’y a qu’un pas. L’anxiété ambiante et « les faits de tout ce qui se passe autour » en 2023 sont de bonnes raisons pour s’évader un peu, estime-t-elle.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Laurence-Anne

« Je ne suis pas vraiment une fille de réalité. Mais je ne vis pas dans le déni non plus ! C’est pour ça que j’ai plein de questionnements sur la place de la musique aujourd’hui. On sert à quoi en tant que musicien ? Si on peut faire du bien à au moins une personne, ça aura valu l’effort. »

Explorations sonores

Laurence-Anne a toujours aimé les ambiances vaporeuses et les textures sonores, et la thématique du rêve lui a permis de pousser encore plus ses explorations. Pour sculpter le monde en légère distorsion d’Oniromancie, elle a travaillé pendant deux ans avec son coréalisateur François Zaïdan, musicien qui œuvre davantage dans le milieu de la musique expérimentale. Le résultat, fait de boucles qui se répercutent et de sonorités qui semblent arrivées d’un autre monde, va de la chanson hyper mélodique à des morceaux plus dissonants en passant par de l’électropop dansante.

« La musique parle d’elle-même. Une chanson comme Supernova, si tu enlèves les mots, tu sais que tu es dans un lieu nocturne un peu étoilé, avec des étincelles… On peut s’imaginer quelque part. »

Extrait de Supernova

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Ce n’est pas pour rien que la dream pop de Laurence-Anne, dont le travail est « teinté » par les Cocteau Twins et autres Beach House, a été remarquée dans le monde anglo-saxon. Elle s’est produite au printemps dernier dans des festivals au pays de Galles, et deux de ses singles ont tourné à la radio là-bas.

« Au-delà du style musical, il y a un intérêt pour le français. Mais moi aussi, j’aime écouter de la musique dans d’autres langues. Par exemple, Dina Ögon, elle chante en turc, elle vient des pays scandinaves, ça ne me dérange pas de ne pas comprendre. Quand tu ne t’arrêtes pas à ça, plein de portes s’ouvrent. »

Celle qui a été finaliste aux Francouvertes en 2017 a depuis longtemps le désir de sortir des frontières, et ouvre de son côté chaque petite porte possible. Par exemple en mettant une chanson en espagnol sur ses deux plus récents albums, histoire de créer des ponts avec le Mexique, où elle a vécu plus jeune. Pari réussi : elle y a joué cet été en solo, et elle a l’intention d’y retourner avec ses musiciens pour une tournée plus consistante.

Extrait de Flores

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« Tant qu’à jouer de la musique, autant se créer des ouvertures pour aller jouer ailleurs, où les gens ont de l’intérêt. »

Après avoir été très productive depuis cinq ans – trois albums, un EP, en plus de sa participation au collectif La Sécurité, qui lui demande pas mal de temps –, Laurence-Anne fait une pause avant de recommencer à écrire des chansons. Oniromancie marque donc la fin d’un cycle créatif.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Laurence-Anne

« J’ai envie de faire quelque chose de différent. Mais là, les nouveaux spectacles commencent. Je vais attendre la fin de la tournée, et voir où la musique me mène. » Et où espère-t-elle emmener les gens avec ce nouvel album ?

« C’est un peu toujours la même chose. Un lieu pour s’évader, prendre une pause, sortir de la réalité du quotidien. Prendre ces 35-36 minutes-là, et juste en profiter pour faire un petit voyage intérieur. Offrir une petite oasis. »

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