L’iconoclaste compositeur et pianiste montréalais Chilly Gonzales vient de lancer l’album French Kiss, hommage à la langue et à la culture françaises dans lequel tous les styles sont permis. Discussion avec un artiste qui ne connaît aucune frontière.

L’appartement

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C’est à Paris qu’on joint Chilly Gonzales par visioconférence – la caméra fermée parce que c’est la canicule ce jour-là, qu’il arrive d’un rendez-vous à pied et qu’il est « torse nu et en sueur ». Est-il donc retourné vivre en France ? « C’est un peu plus compliqué. Nous les artistes, on vit dans plusieurs villes et nulle part à la fois. Je suis dans cette catégorie en ce moment, un peu entre Cologne, Paris, et Londres, des fois », explique Jason Charles Beck, qui a eu l’idée de cet album pendant qu’il attendait la livraison d’un piano par la fenêtre de son appartement de l’île Saint-Louis. « Ça a inspiré mon premier refrain en français. Je me disais : mais qu’est-ce que je vais jouer sur ce piano ? C’est comme ça qu’est née cette mélodie avec les mots qui venaient avec : Piano à Paris. »

La langue

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Chilly Gonzales croyait qu’il ferait un seul morceau en français, mais « rapidement c’est devenu deux, trois et quatre, et finalement un album ». Le pianiste, qui est né, a grandi et a étudié à Montréal, a ainsi renoué avec l’écriture de chansons grâce au français, qu’il utilise pour la première fois. « Le français a toujours été dans ma vie, mais je n’avais jamais osé m’exprimer avec artistiquement. Je ne sais pas pourquoi, j’étais peut-être intimidé. J’ai trop de révérence pour cette relation que les francophones ont avec leur langue. Et bizarrement, c’est à travers le français que j’ai reconnecté avec l’idée d’écrire des textes. Je n’avais pas écrit de paroles depuis Solo piano 2, il y a une douzaine d’années. » Qu’est-ce que le français lui permet de dire qu’il ne peut pas dire en anglais ? « Il y a un côté lâcher-prise de maîtrise. En anglais je peux trouver 25 façons de dire la même chose. En français, je vais droit au but parce que je n’ai pas le choix, et bizarrement c’est une libération. »

La musique populaire

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Chilly Gonzales défend depuis longtemps l’utilité de la musique populaire, que ce soit pour se détendre ou se divertir. Dans cet ordre d’idées, il rend ici hommage au pianiste français Richard Clayderman – Ballade pour Adeline, vous vous souvenez ? –, son « papa musical » qui l’accompagne sur la pièce Richard et moi. « C’est le pianiste vivant le plus connu dans le monde. Il a encore une carrière très active en Asie, au Moyen-Orient, en Amérique du Sud. En Europe, sa musique est snobée, mais c’est une question de goût, et le goût, c’est subjectif ! Il a contribué à populariser la musique instrumentale pour qu’elle atteigne un public plus large, et c’est objectivement un accomplissement énorme. » Richard Clayderman, qui est selon Chilly Gonzales un des précurseurs de la vague néo-classique actuelle, a été une grande inspiration qui lui a permis de « voir le piano autrement ». « Il m’a montré que je pouvais devenir une star au piano, ce que je suis, donc je le remercie ! »

Les influences

PHOTO ANKA, FOURNIE PAR GENTLE THREAT

Chilly Gonzales

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Il y a de tout dans French Kiss, du Fauré et du Michel Berger, du disco et des Ondes Martenot, du rap et de la musique expérimentale, on y croise même Aznavour transformé en figure hip-hop. Quel est le fil rouge dans tout ça ? « C’est moi. Je crois qu’on entend mon esthétisme de composition dans chaque morceau. Dans mes albums de piano, il y avait la même complexité de styles, mais là, je me permets de produire un album avec plein d’instruments, ça saute aux oreilles davantage. » Les collaborations sont tout aussi éclectiques, d’Arielle Dombasle à Bonnie Banane en passant par Juliette Armanet. Un choix qui correspond à sa vision de la culture française « très inclusive », qui va « de Baudelaire à Bangalter », avec un parti pris pour ce qui est sous-estimé et pour les artistes qui s’amusent. « J’ai choisi chaque reprise, collaborateur, name drop, qu’ils soient très connus ou pas, en fonction de ce qu’ils partagent, soit le privilège de faire plaisir au public. C’est quand même le drapeau que je tiens depuis longtemps, en me disant entertainer plus qu’artiste. »

Montréal

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Chilly Gonzales est ravi parce que sa nouvelle tournée lui permettra de venir passer beaucoup de temps à Montréal. Ses plus récents concerts ici datent de janvier 2020, juste avant la pandémie, et ceux qui étaient prévus en 2022 ont été reportés. « C’était triste, mais c’était pour des raisons évidentes. Là j’ai trop envie, et revenir avec French Kiss, c’est encore mieux ! » Il jouera trois soirs au Rialto en octobre et il estime que ses nouvelles pièces devraient être bien comprises par son « public préféré ». « Ma perspective sur la culture française, à la fois je suis dedans et dehors, mais dans quel sens je suis dehors ? C’est dans le sens québécois, finalement. Cette petite distance, j’ai très hâte de voir comment ça peut résonner. Et vous avez capté les petites références québécoises dans le morceau Wonderfoule quand même ? Quand je dis écœurant dans le sens positif, le fun en crisse… J’ai fait un effort pour que les Québécois se reconnaissent dans ces morceaux. »

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