C’est le début d’un nouveau cycle pour Dominique Fils-Aimé, qui lance l’album Our Roots Run Deep, premier volet d’une seconde trilogie. Lorsque l’artiste montréalaise nous le décrit, le disque sonne comme un souhait de bienveillance et d’acceptation, mais aussi comme un constat du lien qui nous unit tous.

« Quand on plante une graine et qu’une plante pousse, avec de l’eau et du soleil, on ne lui crie pas dessus pour lui demander pourquoi elle n’est pas encore un arbre. On est juste content de la voir grandir doucement. Tandis qu’envers nous, on ne fait jamais la même chose. On se demande souvent pourquoi on n’est pas rendu à un certain stade. On devrait se donner plus de douceur et d’empathie par rapport à notre évolution personnelle et sociale. »

Dominique Fils-Aimé est fascinée par la nature, par les plantes en particulier. Dans la vie comme dans le magnifique vidéoclip de la chanson-titre de son album, Our Roots Run Deep, Dominique Fils-Aimé s’entoure du plus de végétation possible. Elle est « émerveillée » par ce que la nature peut faire. Mais aussi par les leçons qu’elle peut donner.

« Je passe beaucoup de temps avec des plantes », dit-elle, attablée face à nous au café Le Petit Dep, dans son coin de Montréal.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Dominique Fils-Aimé

Je trouve qu’il y a tout le temps des métaphores qui partent de la nature et s’appliquent à la vie. Et il a quelque chose de juste dans la logique de la nature.

Dominique Fils-Aimé

Ces préceptes de douceur et de patience « que les plantes [lui] ont transmis », Dominique Fils-Aimé veut les faire partager par sa musique. C’est ce qu’elle fait avec Our Roots Run Deep, son quatrième album.

« L’autre chose [qui a inspiré l’album], c’est quand j’ai réalisé à quel point on commence à peine à découvrir à quel point les racines sont liées sous terre de manière intense, même si à la surface, on voit des arbres séparés, dit-elle. Ces racines fonctionnent comme un seul cerveau. Et si l’équivalent s’appliquait aux humains ? On voit une foule, des gens qui vivent individuellement. Mais il pourrait y avoir quelque chose qu’on ne voit pas, une même fréquence, un lien qui nous connecte tous. Et on dirait que je le sens. »

Ralentir, puis repartir

« Après la pandémie, c’est comme si j’avais oublié toutes les leçons que j’avais apprises. On a repris à mille à l’heure. Alors que j’avais parlé de prendre mon temps. J’avais observé les arbres qui poussaient et je me disais qu’eux ont le bon rythme, par rapport à nous qui sommes hyperactifs. »

Lorsqu’elle a voulu reprendre le rythme prépandémie, son corps s’y est opposé. Des douleurs au dos l’ont clouée au lit. « Ça m’a donné tellement de temps pour réfléchir, sans pouvoir bouger. J’ai essayé de voir comment trouver la gratitude là-dedans, comment me reconnecter et quelle leçon je peux retenir de ce qui arrivait. »

Dominique Fils-Aimé a souvent parlé dans ses chansons de la santé de l’esprit et du mental. « Mais qu’en est-il du corps, maintenant ? s’est-elle demandé. Il était inexistant. J’ai réalisé que ça comptait. »

Quand sa blessure lui a permis de s’asseoir, de pouvoir se remettre à l’écriture, « les chansons sont sorties d’un coup ». En trois ou quatre jours, tout était là. Les mots, la musique, un travail déjà bien avancé.

C’est le projet le plus complet que j’ai présenté à mon réal. Avant j’arrivais avec des ébauches, un refrain, une mélodie. Là, j’avais tout.

Dominique Fils-Aimé

« Ça a donné un côté très cohérent, ajoute-t-elle. Ce ne sont pas plein de chansons écrites dans les trois dernières années, c’est le résultat d’un moment dans le temps. Je me suis questionnée après, en me demandant si j’allais présenter ce jet de chansons. Et la réponse a été oui, parce que ces chansons sont honnêtes, c’est moi, à ce moment-là précis, où j’en étais dans mon évolution personnelle. C’est ça aussi, la musique. »

Arrivée dans le présent

Our Roots Run Deep fait suite à une trilogie, que Dominique Fils-Aimé a achevée en 2019. Ce nouvel album est aussi le premier volet d’un second ensemble de trois œuvres. Ces deux cycles s’inscriront ensuite dans quelque chose de plus grand encore (qu’on ne dévoilera pas ici), comme une façon de montrer le lien inhérent entre le singulier et le tout.

Les trois premiers albums étaient associés aux couleurs primaires (bleu, rouge, puis jaune). Cette fois, le fond est vert, l’une des trois couleurs secondaires. Les concepts animent la chanteuse en lui donnant un terrain de jeu bien précis, qu’elle délimite elle-même selon des envies claires, souvent liées à ses croyances profondes.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Dominique Fils-Aimé

Je pense toujours au tout, d’abord. Plus je me donne une structure, une idée claire et une vision globale, plus je suis libre après d’explorer à l’intérieur de ces balises.

Dominique Fils-Aimé

Dominique Fils-Aimé adore être en studio. Elle nous le dit plusieurs fois pendant notre rencontre. Elle aime y passer de longs moments, prendre son temps pour mettre au monde l’œuvre qu’elle a imaginée. Toujours accompagnée de son complice des premiers jours, le réalisateur Jacques Roy (qui a aussi mixé et sonorisé l’album), elle a voulu cette fois encapsuler sur disque des pièces sur lesquelles le jazz est une source indéniable et où son instrument principal, sa voix, formule des boucles en harmonie qui tapissent les mélodies.

« Le concept des mantras, de la répétition, est vraiment important pour moi. La musique est méditative pour moi et je voulais faire pareil pour les gens. En répétant des phrases courtes et simples sur mes chansons, ça permet d’enlever toutes les fioritures, de garder l’essentiel. »

Si ses trois premiers disques puisaient dans son héritage et dans le passé, tant sur le plan sonore que thématique, Our Roots Run Deep est l’arrivée de Dominique Fils-Aimé dans le moment présent.

« Après la première trilogie, j’ai eu une espèce de deuil. Il y a ensuite eu l’excitation de commencer quelque chose de nouveau, avec beaucoup de joie et d’envie d’être plus courageuse, plus ouverte, dit-elle. J’ai toujours gardé une espèce de pudeur. Et je me suis demandé si j’étais retournée dans le temps avec les albums précédents pour m’acheter du temps en attendant de pouvoir me présenter moi. J’ai pris des forces et du courage dans le passé, et maintenant, c’est le vrai départ : ici, maintenant, moi. »