« C’est le genre de band qui te donnait le goût de jouer de la musique. », lance Marc-André Grondin au sujet des Marmottes Aplaties, qui remontent sur scène pour une courte série de spectacles. Retour sur l’influence d’un petit groupe majeur.

Guillaume Beauregard avait à l’époque une conception plutôt modeste de ce qu’est le succès. « Je me souviens que je travaillais dans une station de ski et que je passais tous mes shifts à écouter CISM [la radio de l’Université de Montréal] », raconte celui dont le groupe, Vulgaires Machins, ne s’était pas encore souvent aventuré hors de Granby. « Pédophilie intraveineuse [tiré du premier album des Marmottes] jouait beaucoup, et pour moi, à ce moment-là, tourner à CISM, c’était ça, réussir. »

Une vingtaine d’années après la dissolution du groupe, la marque laissée par les Marmottes Aplaties dans la grande petite histoire des musiques sérieusement pas sérieuses ne cesse de se confirmer. Après avoir remis en circulation leur discographie en 2018 (sur vinyle et en ligne), le trio formé du chanteur et guitariste Bruno Lamoureux, du bassiste Sébastien Goyette et du batteur Martin Lussier repart le moteur de sa bagnole, le temps d’épater tous ces guignols avec quelques spectacles à Montréal, Québec et Alma.

« Comme ils avaient une longueur d’avance sur nous, ils nous ont donné envie de jouer dans les mêmes ligues qu’eux, poursuit Beauregard. Ils avaient tellement des bons hooks, une désinvolte complètement folle et des paroles ridicules. En show, ils créaient une sorte de magie. »

Comme des amis

Fondé à Saint-Jean-sur-Richelieu par trois amis du secondaire qui avaient à peine 15 ans au moment d’enregistrer leur première cassette démo (Truck, 1994), les Marmottes Aplaties envoyaient le signal, par leur contagieuse effronterie, leur salvatrice impertinence et l’immédiateté de leurs mélodies, que quiconque a accès à une guitare ou à une batterie pouvait leur emboîter le pas.

« Les Marmottes, c’est le genre de band qui te donnait le goût de jouer de la musique », lance l’acteur (et batteur) Marc-André Grondin, un des apôtres les plus enthousiastes du groupe. En novembre 2018, les mammifères écrapoutis lui offraient la surprise d’une visite sur le plateau d’En direct de l’univers, un de ces moments invraisemblables que provoque l’émission de France Beaudoin.

PHOTO ÉRIC MYRE, FOURNIE PAR ATTRACTION

Les Marmottes Aplaties sur le plateau d’En direct de l’univers

C’est comme s’ils te disaient que t’avais pas besoin d’être un virtuose : si tu tripais et que t’avais du cœur, c’était assez. Ils avaient tout le temps l’air d’avoir du fun, ils se donnaient et, en plus, t’avais l’impression que c’était tes amis.

Marc-André Grondin

Tout aussi introverti soit-il, Olivier Niquet a un temps été le chanteur d’un groupe de sous-sol baptisé Out of Range, qui interprétait certains hymnes skate punk de NOFX, Lagwagon et No Use for a Name. « Et quand les Marmottes sont arrivées, c’était rafraîchissant d’entendre cette musique-là, mais dans ma langue », se rappelle celui dans le cortex de qui chaque mot de l’album 1001 chansons pour agrémenter vos repas (1996) demeure imprimé. Y compris Les scouts, Revanche d’un golfeur et… Pédophilie intraveineuse.

Je ne pourrais pas à ce jour te dire ce que NOFX ou Lagwagon chantaient, je n’ai aucune idée de leur message. Alors que pour les Marmottes… ben, je comprenais qu’il n’y en avait pas !

Olivier Niquet

Détruire au Centre Bell

Aujourd’hui tous âgés de 45 ans, Bruno Lamoureux travaille comme directeur artistique dans une maison d’édition, Sébastien Goyette dans une école secondaire et Martin Lussier, comme professeur au département de communication sociale et publique de l’UQAM. Il est d’ailleurs peut-être le seul prof de l’UQAM à avoir déjà organisé un combat de lutte dans le spaghetti (lors du lancement du deuxième album des Marmottes, Épisode sanglant, en 1999).

C’est sur Épisode sanglant que se trouve Détruire, la chanson signature du groupe, dont le clip parodiant les films de Godzilla a probablement été diffusé aussi souvent à MusiquePlus que celui d’I Want It That Way des Backstreet Boys. Un hymne au pouvoir constructif de la destruction, propulsé par une des lignes de basse les plus menaçantes, et les plus électrisantes, de l’histoire du rock québécois.

« MusiquePlus nous a permis d’atteindre un public auquel on n’aurait jamais pu rêver, partout en province », pense Martin Lussier, maintenant membre, avec Sébastien, du groupe Le Dernier Assaut, alors que Bruno a récemment mis sur pied la formation Cornette. « C’est ce qui faisait en sorte que lorsqu’on arrivait au Saguenay, les salles étaient pleines, même si on n’avait aucune couverture radio. »

Les Marmottes étaient néanmoins loin de s’imaginer qu’une de leurs chansons ferait un jour partie de la liste de lecture du Centre Bell, comme c’est le cas depuis 2019 de la version Canadien de Détruire.

Le fruit d’une longue campagne de lobbying de Marc-André Grondin, mené sur Twitter. « J’ai une amie qui travaille au Groupe CH, dit-il, et qui m’a raconté qu’un jour, Geoff Molson était débarqué dans son bureau en lui demandant : “ C’est quoi, ça, les Marmottes Aplaties ? Il y a plein de monde qui parle de ça sur Twitter. ” Elle était allée chercher le clip de Détruire sur YouTube et elle l’avait regardé avec Geoff Molson. Je n’ai jamais eu autant d’influence que cette fois-là. »

Ce samedi 23 septembre aux Foufounes Électriques, le 29 à l’Anti de Québec et le 30 au Café du Clocher d’Alma

Leur chanson préférée des Marmottes Aplaties

Guillaume Beauregard 

« Boîte à lunch. Je n’ai jamais rien compris aux paroles, mais le refrain, c’est le meilleur hook du groupe. »

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Marc-André Grondin

« Détruire. Même si ça s’appelle “ détruire ”, il y a quelque chose de positif dans cette toune-là. Peu importe comment je me sens, elle va m’énergiser. C’est tellement simple, mais ça marche. C’est un peu l’équivalent québécois de Surfin’Bird. »

Olivier Niquet

« Les pas fins, parce que la phrase “ les pas fins sont méchants ”, c’est du génie. »

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