Le duo Chromeo est né à Montréal, mais son dernier spectacle dans une salle de la métropole remonte à 2014. En vue du concert du groupe au MTelus le 19 octobre, La Presse a discuté près d’une heure avec Dave 1, la moitié d’un couple soudé depuis plus de 20 ans.

« On a une soif de reconnexion avec Montréal. On a juste le goût de faire des interviews en français », confie David Macklovitch, alias Dave 1.

Son ami Patrick Gemayel, alias P-Thugg, et lui forment Chromeo depuis 2002. Ils se sont connus au secondaire, au collège Stanislas. « Si je me rappelle bien, on ne s’aimait pas trop au début parce que Pat était jaloux que je sois meilleur guitariste que lui, raconte Dave en riant. Ce qui a été le moteur de notre amitié, c’est la découverte d’un même style de musique, le funk, dont on a pris conscience ensemble. Culturellement, on avait aussi plein de similitudes. Ses parents sont immigrants du Moyen-Orient, ma mère vient d’Afrique du Nord. On est vite devenus très proches en famille. Notre sens de l’humour était aussi très compatible. On faisait les cons ensemble à l’école. »

À 15 ans, ils ont fondé un groupe de funk puis, un peu plus tard, se sont mis à la production hip-hop avec le petit frère de Dave, A-Track. Chromeo est en quelque sorte la fusion des deux genres avec l’ajout de divers instruments. « Pat a intégré la talk box, qu’il voulait depuis qu’on était ados, et m’a aussi convaincu d’apprendre à chanter. »

On allait voir Jamiroquai au Métropolis, puis la semaine d’après, les Beastie Boys. On faisait du graffiti ensemble. Mon frère commençait le scratch. C’était une superbe adolescence passée à Montréal dans les rues, dans les soirées, dans les festivals, dans les disquaires de la rue Saint-Denis à acheter des disques à 25 cents.

Dave 1

Bien que son identité artistique soit loin d’être définie, le duo se fait offrir un contrat par la maison de disques montréalaise Turbo Recordings, exploitée par Tiga, un ami de Dave. Chromeo enregistre She’s in Control, qui est lancé en 2004. Propulsé par la pièce Needy Girl, le groupe se produit un peu partout.

New York ouvre les portes

Entre-temps, Dave déménage à New York. Il s’y installe grâce à une bourse de doctorat à l’Université Columbia en littérature française. Sa nouvelle adresse est aussi bénéfique pour Chromeo, qui monte régulièrement sur de petites scènes new-yorkaises. Le chanteur estime que la moitié de Fancy Footwork (2007) a été enregistrée à New York, de même qu’une grande partie de Business Casual (2010).

Pat rejoint finalement Dave en 2012. Ce dernier, épuisé après quatre ans de tournée, en plus de l’enseignement et de sa thèse doctorale, met ses études de côté afin de se consacrer pleinement à la musique. Le duo enregistre White Women, qui s’avère un succès grâce entre autres à la pièce Jealous. Forte de la réussite de son quatrième opus, qui sort en 2014, la paire construit un studio à Los Angeles. « Au lieu de se remplir les poches, chose qu’on ne fait jamais, on a tout réinvesti dans l’album. On est allés chercher plein de collaborateurs pour faire un truc vraiment pluriel. On voulait aussi une nomination aux Grammy, et on l’a eue ! »

Retour aux sources pandémique

La tournée de Head of Heels venait tout juste de prendre fin quand le coronavirus a frappé. « On dirait que l’isolement de la pandémie nous a forcés à reconnecter avec notre amitié de façon vraiment essentielle, indique Dave. Par ailleurs, une réflexion s’est entamée sur ce qu’est Chromeo à l’âge adulte. »

Ainsi, l’album qui paraîtra le 16 février prochain se nomme Adult Contemporary. Celui-ci résume l’état d’esprit de Dave et Pat par rapport à leur statut de quarantenaires et « l’électro-funk rigolo » qu’ils proposent depuis plus de 20 ans. « C’est un paradoxe complètement fou, souligne Dave. D’une part, on voulait retrouver l’ambiance du sous-sol de la mère de Pat à Brossard. On revient à ces premières sonorités sur des morceaux comme Replacements ou (I Don’t Need A) New Girl. En même temps, ailleurs sur l’album, il y a des cuivres, un orchestre de cordes et de la guitare acoustique qui donnent un côté plus mature, plus poli et plus sophistiqué. Quant aux textes, les thématiques concernent la vie amoureuse à l’âge adulte », explique Dave.

On ne s’est pas fait la vie facile pour ce disque. On a tout fait nous-mêmes, mais on l’a fait dans la rigolade. On est un vieux couple qui s’amuse beaucoup.

Dave 1

Deux types de spectacles

En avril dernier, Chromeo a participé au festival Coachella – son cinquième. Le magazine Rolling Stone a vanté la nouvelle proposition scénique du groupe. Il réserve toutefois autre chose pour le public montréalais, jeudi.

« On travaille autant sur la scénographie que sur la musique. Pour nous, ça fait vraiment partie de l’expérience, comme les groupes qui nous ont formés : Daft Punk, Wu-Tang, Beastie Boys, souligne Dave. On s’est rendu compte que ce qu’on a fait à Coachella se traduisait mal en salle. On a monté un autre truc pour Montréal avec plein de nouveaux morceaux. C’est un long spectacle, plus d’une heure et demie, avec une scénographie qui a le même langage chromé, les mêmes jeux de lumière, mais d’autres couleurs, d’autres tonalités. »

« Pat et moi, on sortait au Métropolis quand on avait 15 ans. On distribuait des flyers devant. De revenir là est presque absurde, c’est fou ! J’espère que ça va bien se passer », souhaite David Macklovitch.

Au MTelus, le 19 octobre, 20 h

Consultez la page du spectacle Consultez le site de Chromeo

Les albums de Chromeo

She’s in Control (2004)

« On faisait n’importe quoi, mais par une sorte de coïncidence magique, le morceau Needy Girl a connu beaucoup de succès dans les scènes underground. Notamment avec l’aide de Tiga, la musique s’est répandue internationalement dans le monde des DJ. C’est vraiment ça qui nous a lancés. Ça reste des débuts hyper modestes parce qu’on faisait des shows devant sept personnes à Pittsburgh. »

Extrait de Needy Girl

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Fancy Footwork (2007)

« Nous avons fait celui-là entre Montréal, New York et Paris. Nous étions un peu plus à l’aise avec notre son et notre sensibilité. La sortie a coïncidé avec la grosse vague d’électro des années 2006, 2007, 2008, quand Daft Punk a fait sa tournée en Amérique du Nord. C’est à partir de ce moment qu’on a commencé à faire des salles combles. »

Extrait de Fancy Footwork

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Business Casual (2010)

« On a commencé Business Casual très vite après, et l’idée était qu’il soit un complément à Fancy Footwork, qui est festif et joyeux. On voulait que la suite soit un peu plus sophistiquée, sombre et mélancolique. On a une ballade en français, puis Night by Night et Don’t Turn the Lights On qui sont plus disco et nocturnes. »

Extrait de J’ai claqué la porte

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White Women (2014)

« Sur cet album, il y a Ezra Koenig, Solange, Toro Y Moi, et on a travaillé avec des coproducteurs pour faire grandir le son et le polir davantage. On a eu notre premier succès radio avec Jealous. Au Canada, il est double platine et aux États-Unis, c’est un morceau du top 40. Un succès commercial complètement inattendu pour nous. »

Extrait de Jealous (I Ain't With It)

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Head Over Heels (2018)

« Cette fois, on voulait plein de collaborations, comme si Chromeo faisait un truc à la Gorillaz. Après quatre albums juste Pat et moi complètement isolés, on désirait d’autres voix, d’autres sonorités. Après, on a fait plein de spectacles et de festivals. On a terminé notre tournée juste avant la pandémie. »

Extrait de Bedroom Calling pt. 2 (avec The-Dream)

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