Les dernières années ont été éprouvantes pour Ralph-Michel Maurice, alias Dunnï. Maintenant remis de deux cancers en peu de temps, le Montréalais vient de lancer son premier album en français, @TonRappeurFavori. Rencontre.

« Je suis un black rapper. Je ne suis pas un gangster. Je ne suis absolument pas ton stéréotype. J’ai eu deux fois le cancer. Je suis un père. Mon but est d’humaniser le regular black dude. Quand les gens voient des rappeurs, ils ne pensent pas à leurs voisins à qui ils disent : “Allô ! Je suis ton voisin !” »

Sans lui demander de nous livrer un mot de la fin, c’est ainsi que Dunnï a conclu notre entretien des plus sympathiques. Pendant plus d’une heure, il nous a parlé de ses traitements de chimiothérapie, de la perte de son père, de son anxiété, mais aussi de ses souvenirs sur scène avec Muzion lorsqu’il avait 15 ans, de son jeune garçon qu’on entend sur le premier titre du disque et des meilleurs restaurants haïtiens à Montréal – Piklìz est son préféré.

On ne se douterait pas qu’il est si affable lorsqu’on écoute sa musique. « Le fait que je suis tellement chill peut laisser croire que je suis inoffensif, mais on record, I’m not to play with [sur mes albums, je ne m’en laisse pas imposer], déclare Dunnï. Cela dit, je veux être plus vulnérable sur mes prochaines chansons. J’en ai sur le cœur après ce que j’ai vécu. Mais le côté un peu arrogant du rap, je dois le faire parce que ça fait une vingtaine d’années que je fais ça et je suis plus respecté en Europe et aux États-Unis qu’au Québec. »

Si tu me mets dans un studio, je gagne. Peu importe [contre qui], en français ou en anglais.

Dunnï

50 Cent, Muzion et Far Cry

Un cousin, Swifty Swift, a permis au jeune Dunny Brazz (l’ancien nom de Dunnï) de faire ses premiers pas dans le monde du hip-hop. Swift se rendait souvent à New York pour élaborer ses mixtapes (compilations) au tournant des années 2000. Il en profitait pour distribuer des beats de son cousin adolescent. L’un d’eux a fait son chemin jusqu’au studio de 50 Cent, qui l’a refilé à son partenaire Tony Yayo.

En 2002, alors que Muzion venait de lancer l’album J’Rêvolutionne, Swift a débarqué à la maison de Dunnï avec deux des trois membres du groupe, J. Kyll et Imposs, pour enregistrer un couplet de ce dernier. « Il leur a dit : “Mon petit cousin rappe et fait des beats, il est super bon !” Imposs, c’était mon rappeur favori. Je suis super gêné, mais je lui fais entendre des trucs. Il m’annonce sur-le-champ qu’il m’invite dans leur crew. J’étais DJ ou hypeman pendant leur tournée. J’étais comme leur petit frère », se rappelle Dunnï.

Une dizaine d’années plus tard, il fait paraître OG’s Dream, son premier album, en anglais. Tandis qu’il semble sur une lancée, des enjeux avec des associés et la mort soudaine de son père ébranlent le rappeur qui décide de prendre une pause. Il revient en 2017 avec la chanson Russian Roulette, qu’on peut entendre dans le jeu vidéo Far Cry : New Dawn.

Un contrat… puis deux cancers

Avec le soutien de Koriass, Dunnï tente sa chance en français afin de se « rapprocher du public québécois ». Deux chansons sont suffisantes pour convaincre Carlos Munoz, de l’étiquette Joy Ride, de lui offrir un contrat en 2019. La pandémie ralentit le processus, mais le MC poursuit l’enregistrement de ce qui deviendra @TonRappeurFavori.

Son premier diagnostic de cancer lui est annoncé en octobre 2021, quelques semaines avant que Normal de l’Est, de Connaisseur Ticaso, auquel Dunnï collabore, remporte le Félix d’album rap de l’année.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Dunnï

Connaisseur [Ticaso] m’écrivait pour faire des spectacles… Je n’en parlais à personne. J’étais juste couché dans mon lit à voir tout se passer. C’était dur de ne pas pouvoir capitaliser. Mon album était quasiment fini en plus.

Dunnï

En octobre 2022, le cancer qu’il croyait avoir vaincu revient. « Ça m’a brisé le cœur […] Pendant mes traitements de chimio, j’écoutais de la musique, des livres audio. Je priais beaucoup », relate Dunnï.

Octobre 2023, quelques jours avant la date de sortie prévue de @TonRappeurFavori, il rencontre son médecin. « Quand j’ai vu son sourire, je le savais immédiatement. Il m’a dit : “On se voit dans deux, trois mois. Vis ta vie !” J’étais comme Hell fuckin’ yeah que je vais vivre ma vie. J’ai un album qui sort next week. »

Sa première offrande en français maintenant lancée, Dunnï compte bien continuer à raconter son histoire, afin que « [son] message et que [sa] personne soient compris ».

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Joy Ride Records