Il est rare que quelqu’un reçoive en héritage un lot de chansons de qualité jamais enregistrées. C’est la chance qu’a Emilie Clepper, qui a donné vie aux chansons de son père dans The Family Record, album filial qui évoque autant la poussière dorée du Texas que les rues enneigées de Québec.

« C’est un rêve devenu réalité », dit l’autrice-compositrice-interprète, qui est texane du côté paternel et québécoise du côté maternel. Surtout que son père, Russell Clepper, a pu participer à l’album, dans lequel il chante et joue de la guitare. Car oui, le paternel est toujours bien vivant.

« Ça faisait longtemps qu’on en discutait. À un moment donné, il m’a dit : ‟Je commence à être vieux, on a tous une date d’expiration.” Alors on s’est mis au travail. On a eu des petits bâtons dans les roues, comme une pandémie ! Mais on a réussi, et on est rendu au grand moment où on peut enfin partager ça avec tout le monde. »

Emilie Clepper se souvient de son père qui lui chantait des chansons de son cru comme Texas Sunshine, pour l’aider à s’endormir quand elle était petite. « Il s’assoyait sur le coin de mon lit avec sa Gibson J45 1963, qui est ma guitare maintenant. C’est une chanson pour ma grand-mère, et cet album est dédié à mon fils… C’est mon héritage familial et c’est comme un legs pour lui. »

Extrait de Texas Sunshine

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Elle n’avait pas conscience à l’époque à quel point les pièces de son père étaient riches et profondes, raconte-t-elle.

C’est mon frère le plus proche de moi en âge, qui est mort maintenant, qui m’a emmenée à comprendre son aisance avec l’écriture, sa force en storytelling.

Emilie Clepper

Puis elle a appris la musique, a vieilli et est « devenue fan ». Si The Family Record est d’abord un geste de transmission, c’est aussi une manière de dire merci à son père, qui n’a pas poursuivi sa carrière pour toutes sortes de raisons, entre autres pour s’occuper de ses enfants. Ses chansons n’ont en effet jamais été enregistrées de manière professionnelle – « il existe peut-être des petits enregistrements underground » –, et il n’a jamais eu de contrat avec une maison de disques.

« Je lui ai parlé tantôt », nous raconte au téléphone Emilie Clepper, qui vit dans la région de Chaudière-Appalaches. « Il m’a dit qu’il se sent vraiment choyé et content que les musiciens aient pu travailler sur cet album, pour que je reprenne ses chansons et qu’elles puissent parler à un auditoire plus large. »

C’est l’inestimable guitariste Joe Grass (Elisapie, Patrick Watson) qui a réalisé cet album complètement country-folk – de toute évidence, ses influences roots étaient compatibles avec les pièces de Russell Clepper, qui ont été écrites sur plusieurs décennies et dont plusieurs remontent aux années 1970. Il y a pourtant un parfum d’intemporalité qui se dégage de l’ensemble.

Extrait de Streets of Québec

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« Ces genres de musique americana, qui existent depuis longtemps, ils perdurent dans le temps comme du bon vin. Ça vieillit bien », estime Emilie Clepper qui, dans son interprétation, s’approprie avec cœur les chansons de son père.

Un petit bout du Québec

Russell Clepper a passé 15 ans de sa vie au Québec – il est retourné au Texas ensuite, et demeure aujourd’hui dans une île du Pacifique, au large de Seattle. C’est amusant de l’entendre évoquer la rue Couillard dans Streets of Québec, ou même chanter en français dans La valse à Gaétan, qui rappelle un peu la chanson traditionnelle québécoise. Ce petit bout du Québec dans l’imaginaire d’un auteur-compositeur texan est assez émouvant.

Extrait de La valse à Gaétan

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C’est extraordinaire de voir le parcours d’un Américain dans la Belle Province. Il y a des gens qui se sont mis à exister par son arrivée au Québec. Mon existence est due à ces moments racontés sur l’album.

Emilie Clepper

Une existence, on s’en doute, passée entre ici et là-bas. « Mon fils est né au Texas, alors on continue un peu la tradition du voyagement ! », dit-elle en riant. Elle a souvent trouvé difficile de porter ce biculturalisme, et cet album arrive un peu comme une grande réconciliation.

« Ce sont mes deux ports, mes deux morceaux culturels qui ne font qu’un. Cet album englobe bien l’essence de qui je suis. » Qui vient avec son lot d’épreuves, mais qui lui donne une singularité dont elle est fière.

Emilie Clepper espère que les gens écouteront ce répertoire quasi inédit, parce qu’il le mérite. « Je veux que ces chansons soient entendues parce que je les trouve exceptionnelles », dit la chanteuse, qui est consciente de la chance qu’elle a eue de travailler ainsi avec son père. Sa tournée commence bientôt et elle a très hâte – lui viendra la rejoindre sur scène à compter du printemps. Elle rappelle d’ailleurs à quel point le voir encore chanter et jouer de la guitare est important.

Extrait de Middle of Everywhere

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« Quand on suit son chemin, c’est là qu’on est le plus utile dans notre société et auprès des gens qui nous entourent. On est heureux parce qu’on suit notre cœur et nos passions. »

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