Pour l’autrice-compositrice-interprète Eli Rose, l’hypersensibilité est autant un défi quotidien qu’un « superpouvoir ». C’est ce fil très personnel qui a inspiré son nouvel album, Hypersensible, dans lequel elle laisse tomber tous ses masques.

Il s’en est passé des choses et des remises en question depuis la sortie du premier album solo d’Eli Rose il y a quatre ans : une pandémie qui l’a stoppée dans son élan, un bébé qui lui a fait relativiser ses valeurs, un Félix de Révélation de l’année qui lui a laissé un souvenir doux-amer.

« Quand je l’ai reçu en pleine pandémie, mon album était sorti depuis quelques mois et la tournée que je devais entamer s’est écroulée. C’était mon rêve d’avoir un Félix, normalement c’est là que tout commence, mais pour moi ç’a été la fin. »

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Cette période, suivie d’une grossesse difficile – « J’ai eu la nausée pendant sept mois ! » –, a été une des plus éprouvantes de sa vie. C’est pourtant ce moment d’introspection forcée qui lui a permis d’amorcer un changement de cap : la chanteuse, qui est sous contrat avec la maison de disques française Barclay, s’est rendu compte que dans son premier album, elle s’était éloignée d’elle en « essayant d’atteindre quelque chose d’inatteignable ».

J’ai fait de grosses scènes, des premières parties pour Angèle, Jain. J’ai eu un aperçu de ce que c’est… mais ça ne me tentait pas. Ce n’était pas moi. Moi, j’aime jardiner. Je préfère cueillir des pissenlits avec mon fils que d’être en tournée mondiale.

Eli Rose

Celle qui se décrit comme « une introvertie hypersensible » – une disposition qui n’est pas particulièrement adaptée à son métier ! – a alors essayé de trouver ce qu’elle avait envie de dire. Et la clé lui a été donnée par l’autrice-compositrice-interprète Gaële.

« J’étais un peu en dépression, je ne savais pas quoi écrire, je lui ai lâché un coup de fil et elle m’a invitée chez elle. On s’est assises avec du thé et du chocolat, on a ouvert un document et on a écrit l’album en une soirée. C’est comme si j’en avais vu le canevas se dérouler. Elle m’a éclairé le chemin. »

Comme une séance de thérapie, mais en mieux. Gaële a ainsi fait partie du cœur créatif d’Hypersensible, tout comme les réalisateurs Ruffsound et RealMind, qui travaillaient déjà avec elle sur le premier album. En plus d’une foule d’autres collaborateurs, s’est ajouté à ce noyau le producteur français maintenant établi à Montréal Nk.F (Nikola Feve), qui a assuré la réalisation vocale et le mixage, et qui l’a emmenée là où elle ne pensait jamais aller.

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« J’ai eu l’impression d’être allée à l’école de la musique tellement j’ai appris avec lui. C’est un album où je joue plus avec les voix de tête, on essaie des affaires, des sons. Ce n’est pas juste « je chante une chanson ». »

Faire du bien

Depuis ses débuts avec le duo Eli et Papillon, Eli Rose a exploré le thème de l’amour sous toutes ses coutures. « C’était Eli en peine d’amour, Eli parle d’amour… » Cette fois l’autrice-compositrice-interprète a voulu faire quelque chose de plus personnel. Elle s’est servie de son hypersensibilité pour écrire une sorte de journal intime, qui lui a permis d’aller mieux et de « voir la lumière ».

Je n’ai jamais écrit comme ça dans ma courte carrière. C’est de l’émotion vulnérable à l’état pur. Je l’ai écrit pour moi, sans penser à faire de hit radio, et ça m’a fait beaucoup de bien. J’espère que ça fera du bien aux autres.

Eli Rose

Alors que la guerre fait rage au Proche-Orient et que le monde flambe, Eli Rose s’est en effet beaucoup interrogée sur la pertinence de sortir un album qui parle d’elle. Sa réponse, elle l’a trouvée auprès de son amie Gaële. « Elle m’a dit : “Tu sais, Eli, la musique, c’est un baume sur le cœur des gens. Cet album, il n’est pas juste au je : on vit tous des émotions en ce moment et c’est de ça qu’il parle.” »

Il parle aussi de quête de simplicité et de lâcher-prise, ce qui se reflète sur sa personne. Elle l’admet, elle a laissé tomber les masques et ne joue plus de personnage : fini les tenues Adidas et l’attitude hip-hop, retour aux jeans et au naturel. « Quand j’ai lancé le projet, c’est ça que je voulais. Je voulais faire quelque chose de respecté. Pour me rendre compte… pourquoi ? Je veux m’aimer comme je suis et je n’ai pas besoin de prouver rien aux autres. »

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Elle revient avec le désir de faire les choses autrement, simplement. Se voit-elle encore dans le métier dans cinq ans ? La question se pose à chaque album, répond-elle, surtout que le processus de création demande beaucoup d’énergie.

« Avec le genre de musique que je fais, je dépends de 12, 15 collaborateurs. C’est beaucoup de gestion de conflits d’horaire, c’est pour ça que ç’a été si long. C’est un album qui s’est fait à la petite cuiller, un pas à la fois. »

Ce qui est certain, c’est qu’elle n’arrêtera pas d’écrire et qu’elle a envie de mener plusieurs autres projets, être comédienne, écrire un livre. Pour l’instant, « plus sereine et mature », elle a hâte de remonter sur scène et aborde son métier avec un peu plus de légèreté et de brillance. Mais il lui est difficile de se projeter davantage.

« Je vais rester en musique aussi longtemps que je le peux. Je sors de deux ans de maternité, je n’ai pas beaucoup dormi, j’ai un peu perdu qui je suis. Une fois que j’aurai dormi une nuit complète, je vais pouvoir te dire où je m’en vais ! »

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