Ce n’est pas parce qu’un spectacle a lieu dans la plus grande salle en ville qu’il est forcément spectaculaire. On a vu bien des groupes rock se contenter de taper du pied sur la scène du Centre Bell. P!nk, elle, a mis le paquet, mercredi, lors du premier de ses deux spectacles à Montréal : elle a défié les moules de la pop et la gravité pour épater la foule.

On ne peut pas réduire P!nk à une seule chose. Elle a les capacités d’une chanteuse à voix, mais une dégaine de princesse punkette. Elle a le sens du spectacle, de l’humour et parle à une foule de 16 000 personnes comme si elle était dans son salon. Sans compter que cette chanteuse à l’âme de rockeuse est aussi bonne danseuse et même voltigeuse.

P!nk a effet amorcé son spectacle en s’élançant du haut de la structure scénique érigée sur la glace du Centre Bell après une introduction animée inspirée du personnage Max Headroom (demandez qui c’est à Google, si vous avez moins de 40 ans). Elle a virevolté au-dessus de la scène, chantant même la tête en bas dans un de ces numéros aériens qui sont sa marque de commerce.

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Elle a bien sûr lancé la soirée avec Get the Party Started, succès de 2001, puis enchaîné avec Raise Your Glass (ce qu’ont fait de nombreux spectateurs) et Just Like A Pill. Le son n’était pas encore au point à ce moment-là (trop de réverbération, mauvais équilibre entre hautes et basses fréquences), mais sur scène, la chanteuse, ses choristes (le plus souvent trois, parfois quatre) et sa demi-douzaine de danseurs se donnaient à fond.

C’était plus que pour en mettre plein la vue : on a d’emblée senti une générosité chez P!nk et son entourage. Une joie franche, une envie de faire plaisir, de faire oublier ce que la vie a de lourd. « Est-ce qu’on va se lâcher pendant deux heures ? », a lancé la chanteuse, qui a reçu pour réponse des cris enthousiastes provenant de partout dans l’enceinte du Centre Bell.

Réinventions en série

Taylors Swift souligne dans le documentaire Miss Americana que les femmes se réinventent mille fois plus que les hommes dans la pop et le rock. Par obligation, d’abord, et par choix ensuite. Elle a raison. P!nk en est l’illustration parfaite : son spectacle a été à l’image de sa carrière, c’est-à-dire multifacettes.

Après une entrée en matière pop, voire europop dans le cas de What About Us, qui a enchanté l’assistance, elle a enfilé une robe venue du haut des airs et mis l’accent sur son côté « chanteuse à voix ». Seule au piano, elle a fait Make You Feel My Love, chanson de Bob Dylan aussi reprise par Adele, puis accompagnée de son pianiste, elle a livré une interprétation sensible de sa chanson Lost Cause.

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Un peu plus tard, elle virait la robe et retrouvait son énergie rock entre autres pour F**kin’Perfect et Just Like Fire, chanson dans laquelle elle a intégré un bout de Heartbreaker de Pat Benatar. Un clin d’œil autant qu’un hommage puisque la rockeuse aujourd’hui âgée de 70 ans fait partie de ces femmes qui ont cherché à faire les choses à leur manière dès le tournant des années 1980, ouvrant ainsi une porte dans laquelle P!nk a pu s’engouffrer 20 ans plus tard.

Les réinventions se sont poursuivies en deuxième partie de spectacle au cours duquel la vedette américaine a chanté avec sa jeune fille (Cover Me in Sunshine) et versé dans le folk (When I Get There, en mémoire de son père). Elle a aussi repris – en tentant de rester sérieuse, a-t-elle dit – une vieille chanson à elle intitulée Please Don’t Leave Me, dont les paroles tranchent en effet avec l’image de femme indépendante qu’elle s’est bâtie depuis deux décennies.

Le bouquet final a été aussi dansant que le début et c’est du haut des airs que P!nk a salué ses fans en chantant So What, faisant le tour du Centre Bell en virevoltant de plus belle, comme si elle était un croisement entre Madonna et la sœur volante. Oui, c’était impressionnant. Oui, ça mettait le sourire aux lèvres.

Raconté comme ça, son spectacle peut avoir l’air d’un patchwork échevelé. Il n’en est rien, car le liant dans tout ça n’est pas esthétique : c’est P!nk elle-même. Son charisme, son engagement total sur scène, son sens de l’autodérision, ce côté désinvolte qui fait qu’elle ne cherche pas à être parfaite et réussit à être impeccable quand même. Aucun doute que les milliers de personnes qui iront à sa rencontre jeudi pour le deuxième de ses concerts au Centre Bell en ressortiront eux aussi avec des étoiles dans les yeux.