Le Festival Bach, qui propose cette année une douzaine de concerts jusqu’au 3 décembre, s’est mis en branle vendredi soir à la Maison symphonique avec quatre œuvres rarement jouées de deux des fils du Cantor de Leipzig. Avec Reinhard Goebel à la tête de l’Orchestre du Festival, on ne pouvait rêver mieux pour nous guider à travers ces pages méconnues.

La directrice et fondatrice de l’organisation Alexandra Scheibler a judicieusement rappelé en début de soirée l’association au long cours du chef allemand avec le festival, qui avait inauguré sa première édition en 2005.

Sa présence à Montréal était bienvenue après la déconvenue consécutive à l’annulation du concert de préouverture qui aurait dû faire entendre un autre grand spécialiste de Bach, John Eliot Gardiner, qui a cessé temporairement ses activités à la suite d’une altercation avec un chanteur.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

La pianiste allemande Schaghajegh Nosrati

Il reste que le concert, dont la soliste était la pianiste allemande Schaghajegh Nosrati, était moins à même d’attirer les foules que les deux dernières éditions, qui avaient été inaugurées avec de grandes œuvres chorales de Johann Sebastian Bach.

Le public – peut-être la moitié de la Maison symphonique – comptait peu de visages familiers, ce qui s’est traduit par des applaudissements après chacun des 13 mouvements de symphonie ou de concerto au programme.

Les deux œuvres de Johann Christian Bach qui formaient la première partie appellent des jugements contrastés. Probablement le plus connu, avec Carl Philipp Emanuel, des fils de Johann Sebastian, Johann Christian, qui a entretenu des liens chaleureux avec le jeune Mozart, se distingue par son cosmopolitisme (il a longtemps séjourné à Milan et à Londres) et son style galant.

Mais l’inspiration n’est pas toujours à son zénith. Ne disait-il pas lui-même avec un certain humour que Carl Philipp vivait pour composer tandis que lui composait pour vivre ?

La première partition, la Symphonie en sol mineur, op. 6 no 6, son œuvre orchestrale la plus singulière, met néanmoins excellemment la table dans une ambiance typiquement Sturm und Drang (courant préromantique des années 1770). On s’étonne d’y rencontrer un mouvement lent en mineur, alors que le mode majeur est généralement la règle.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Le chef d’orchestre Reinhard Goebel

Arrivé sur scène en coup de vent avec son nœud papillon et ses chaussettes rouges, le pétulant Reinhard Goebel a à peine le temps d’arriver au lutrin qu’il donne le signal de départ à la vingtaine de musiciens. Tout est habilement mis en relief avec un louable souci du détail.

Le Concerto pour piano en mi bémol qui suit est beaucoup moins satisfaisant, avec ses formules stéréotypées, malgré l’implication de la pianiste sur son grand Steinway. Seule originalité à signaler : quelques passages en pizzicatos à l’orchestre.

Au tour de Johann Christoph Friedrich

Mais le retour de l’entracte allait heureusement nous transporter ailleurs. De trois ans l’aîné de Johann Christian, Johann Christoph Friedrich eut une existence beaucoup plus effacée, ayant travaillé plus de 40 ans à la cour de Bückeburg, petite ville de Basse-Saxe.

Cela ne l’a pas empêché de composer des œuvres qui sont loin de manquer de personnalité. On s’en aperçoit dès le Concerto grosso en mi bémol majeur pour piano, deux hautbois, deux cors, basson et cordes.

L’emploi du terme « concerto grosso », largement désuet à l’époque (on est en 1792), est déjà original. Le premier thème du mouvement initial est bien dessiné et le mouvement central, en mineur, développe un magnifique thème au rythme de sicilienne, avec des alternances entre modes majeur et mineur évocatrices. Nosrati y est impeccable, entretenant une communication de chaque instant avec l’orchestre, malgré la sonnerie téléphonique qui s’est fait entendre dans la salle vers la fin du concerto.

La dernière œuvre au programme, la Symphonie en si bémol majeur (1794), n’est pas moins passionnante avec sa partie de piccolo, son bref solo de contrebasse et ses modulations savoureuses. Le programme, qui n’annonçait que trois des quatre mouvements, nous a à tort fait applaudir avant le délicieux rondo, plein d’humour avec ses saillies de vents à la fin.

Le concert est repris au Palais Montcalm de Québec ce samedi soir et au Carleton Dominion-Chalmers Centre d’Ottawa dimanche.

Consultez le site du Festival Bach Montréal