L’Orchestre Métropolitain et son chef Yannick-Nézet Séguin ont donné un bouleversant concert à la Maison symphonique, samedi soir, en proposant un monument symphonique soviétique et un concerto qui a tout pour s’inscrire durablement au répertoire.

Fait exceptionnel (et réconfortant), le quatrième programme de la saison de l’OM a été présenté à guichets fermés, tant vendredi, à la Maison de la culture d’Ahuntsic, que samedi à la Place des Arts. Étonnant pour un concert présentant un concerto inconnu et une symphonie longue et exigeante.

Le chef à vie de l’orchestre a décidément une aura qui permet toutes les audaces. Comme celle de rappeler aux auditeurs, en début de seconde partie, de tousser plus discrètement, même si la pandémie est pour ainsi dire terminée.

Si la chose va de soi en temps normal, c’était encore plus le cas samedi, avec la présence des caméras et micros, qui immortalisaient la prestation pour la chaîne Stage+ de Deutsche Grammophon, mais aussi pour le documentaire Opus 28 de la Canadienne Sofia Bohdanowicz sur la redécouverte du Concerto pour violon, op. 28, de Johan Halvorsen (1864-1935).

Yannick Nézet-Séguin a rappelé les circonstances étonnantes entourant cette trouvaille. C’est après avoir entendu jouer la prodige du violon albertaine Kathleen Parlow (1890-1963) à Oslo, en 1908, que le Norvégien, lui-même violoniste virtuose, décida de lui composer un concerto, qu’elle créa aux Pays-Bas à l’année suivante.

PHOTO DENIS GERMAIN, FOURNIE PAR L’ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN

Le chef Yannick Nézet-Séguin

Malgré la réception enthousiaste du public et de la critique, le concerto fut rangé dans un tiroir et probablement brûlé par le compositeur à la fin de sa vie. On doit sa conservation à la dédicataire, qui l’avait enfoui dans ses archives jusqu’à sa redécouverte en 2015 à Toronto. L’œuvre a depuis fait l’objet d’au moins deux enregistrements.

Sonorité royale

Nouvelle coqueluche Deutsche Grammophon, la jeune violoniste andalouse María Dueñas s’est donnée corps et âme dans cette partition athlétique d’un peu plus de 20 minutes. Dès la fulgurante cadence initiale, elle nous happe par son éloquence et sa sonorité royale. Tant les graves que les aigus sont admirablement projetés et d’une indéniable richesse.

Il faut dire que la partition, dont le style, très lyrique, n’est pas éloigné de celui d’un Grieg, donne amplement à boire et à manger pour tout soliste moindrement en moyens.

En rappel, la musicienne a interprété la Veslemøy’s Song, que Halvorsen avait transcrite pour violon et orchestre pour Parlow.

PHOTO DENIS GERMAIN, FOURNIE PAR L’ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN

La violoniste María Dueñas et le chef Yannick Nézet-Séguin

Changement total d’ambiance après l’entracte avec la Symphonie n7 en do majeur, dite « Leningrad », de Chostakovitch, que Yannick Nézet-Séguin avait dirigée au Festival de Lanaudière il y a cinq ans.

Comme il l’avait promis au début de la seconde partie, la Maison symphonique a eu droit à son lot de décibels, avec la section fortississimo du premier mouvement, d’une grande puissance tant sur le plan de la dynamique que de l’expression.

Le chef montréalais a réussi à entretenir une véritable dramaturgie dans cette œuvre d’environ 80 minutes qui compte, comme il l’a aussi rappelé, son lot de temps – à dessein – morts.

Tous les pupitres ont eu leurs moments de gloire et ils s’en sont tirés avec tous les honneurs.

La vive réaction du public à la fin a été à la hauteur d’une telle réalisation.