La distribution des 14 000 billets pour la cérémonie d’hommage national à Karl Tremblay a suscité toute une gamme d’émotions jeudi. La joie de ceux qui pourront y assister, la déception de ceux qui n’ont pas eu de billets, et l’indignation envers les quelques revendeurs qui ont osé mettre des billets en vente sur l’internet.

Après que la présence de billets sur des sites de revente ait été relevée dans les médias, Marie-Annick Lépine, des Cowboys Fringants, est elle-même intervenue pour demander au public de s’abstenir.

« Par respect pour Karl, j’aimerais que personne n’achète les billets qui se revendent présentement à 500 $, a-t-elle écrit jeudi midi sur Facebook. Nous travaillons à trouver des pistes de solution autour du Centre Bell. »

CAPTURE D’ÉCRAN FACEBOOK

Aux nombreux admirateurs qui n’ont pu avoir de billets et qui se questionnaient sur les façons de voir la cérémonie, Marie-Annick a répondu que la cérémonie sera retransmise sur les réseaux sociaux.

Des billets pour la cérémonie ont notamment été aperçus en matinée sur le site de revente StubHub. Mathieu Monette, de Repentigny, a pris une capture d’écran tant il était choqué par le culot des revendeurs. Il a lui-même essayé de réserver des billets pour la cérémonie, en vain. « Ces gens-là abusent et profitent du deuil national pour se faire de l’argent », déplore le résident de Repentigny, grand fan des Cowboys Fringants.

CAPTURE D’ÉCRAN FOURNIE PAR MATHIEU MONETTE

Des billets revendus à 215 $

À midi, jeudi, aucun billet n’était offert sur le site, signe que le message de Marie-Annick Lépine a peut-être été entendu. Sur Marketplace, aucun billet n’était disponible non plus.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Marie-Annick Lépine

Sur Facebook, l’animateur d’ICI musique Olivier Robillard Laveaux a déploré cette revente de billets – qui, rappelons-le, ont été distribués gratuitement. « C’est une honte ! Mais c’était écrit dans le ciel… Malgré différentes mesures, l’industrie du spectacle semble incapable de contrer le problème des revendeurs qui s’est accentué depuis la pandémie. »

Les quelque 14 000 billets pour la cérémonie, rendus disponibles à 10 h jeudi, se sont envolés en 15 à 20 minutes, faisant des milliers d’heureux et aussi bien des déçus. La cérémonie – qui sera laïque, à la demande de la famille – aura lieu mardi soir au Centre Bell. Au programme : la projection du film L’Amérique pleure sur écran géant, quelques chansons accompagnées par des musiciens de l’Orchestre symphonique de Montréal, et une prise de parole de Jean-François Pauzé, auteur-compositeur et guitariste des Cowboys Fringants.

À 10 h, des milliers de personnes attendaient déjà dans une file virtuelle sur le site internet d’evenko, et chacun d’elle pouvait se procurer un maximum de 4 billets. Et à 10 h 15, il n’était plus possible de réserver des billets, a constaté La Presse. La capacité du Centre Bell pour un concert est d’environ 15 000 sièges.

Isabelle Laroche, de Laval, a réussi à obtenir des billets de peine et de misère. Lorsque son tour est arrivé, il ne restait que quelques billets. Elle a pu en réserver deux, côte à côte, dans la section 400 – donc tout en haut de la salle. Elle ira avec sa sœur, qui a beaucoup de chagrin depuis la mort de Karl Tremblay, la semaine dernière. « Je suis consciente de la chance que j’ai », dit Isabelle.

Mitsou Chartrand, de Belœil, a pu mettre la main sur quatre billets, elle aussi avec difficulté. « J’ai perdu quatre fois les places que j’essayais de réserver, mais à un moment donné, j’ai scoré », explique-t-elle. Elle est la seule parmi son groupe d’amies ayant réussi à en obtenir, et elle compte y aller avec ses deux enfants de 13 et 9 ans, qui aiment eux aussi le groupe. Le dernier billet, elle l’offrira probablement à une amie avec qui elle est allée voir le premier spectacle des Cowboys Fringants au Centre Bell, en 2003.

Nicole Larivée, de Montréal-Nord, n’a pas eu cette chance. Lorsqu’elle s’est connectée au site d’evenko, à 10 h, elle était à la 5690position dans la liste d’attente. Elle a attendu 20 minutes en ligne, mais lorsque son tour est arrivé, les billets avaient tous trouvé preneur. « Ça m’a brisé le cœur, mais bon, Karl était beaucoup aimé ; c’était prévisible que les billets s’envolent comme une étoile filante », convient Nicole Larivée.

Mathieu Tremblay, de Farnham, doit lui essuyer une grande déception. Au moment de finaliser la réservation de trois billets – un pour lui, un pour sa mère et un pour son beau-père, la page, dit-il, s’est réinitialisé. Plus de trace de la réservation. « J’avais les larmes aux yeux, raconte Mathieu. J’ai dû refaire la file, mais rendu à mon tour, il n’y avait plus aucune place. » Sur sa page Facebook, il offre des bijoux en échange de trois billets. « Je sais que Marie-Annick ne serait pas fière, mais je ne manquerais pour rien au monde la cérémonie pour son gros », dit l’admirateur du groupe, qui se rendra devant le Centre Bell pendant la cérémonie s’il ne trouve pas de billets.

Selon evenko, aucune défaillance technique n’a toutefois été constatée lors de la réservation des billets.

Mercredi, le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, a souligné que le décès de Karl Tremblay a touché beaucoup de Québécois, et que ceux-ci ont envie de se rassembler. « L’actualité n’est pas facile en ce moment, les Québécois ne l’ont pas toujours facile et donc, d’être capables de vivre ça ensemble, de mettre du bon autour de ça, ça va faire du bien à tout le monde », a-t-il déclaré.

Le drapeau du Québec flottera en berne au-dessus de l’hôtel du Parlement le jour de la cérémonie en hommage au défunt, mort d’un cancer à l’âge de 47 ans.

Un registre de condoléances a également été mis en ligne afin de permettre à ceux qui le désirent d’offrir leurs condoléances à la famille de Karl Tremblay.

Légale, cette revente de billets gratuits ?

La Loi sur la protection du consommateur interdit aux commerçants de revendre un billet de spectacle plus cher que le prix annoncé par le producteur, mais elle n’encadre pas la revente de billets entre particuliers. Ainsi, d’un point de vue strictement légal, « un individu peut vendre des billets qu’il a obtenus gratuitement, au prix qu’il veut, explique Charles Tanguay, responsable des relations avec les médias à l’Office de la protection du consommateur. Attention toutefois, si vous êtes acheteur, soyez certain d’acheter des billets valides et ne faites pas de virement bancaire avant d’avoir eu cette certitude. »

Consultez le registre de condoléances Lisez notre dossier sur Karl Tremblay