Si tous les films de concerts ne sont pas forcément pertinents, Beyoncé a su donner à sa tournée Renaissance une intention supérieure en créant un long métrage qui non seulement permet de s’émerveiller devant ce mythique spectacle, mais aussi ouvre une fenêtre sur la vision artistique, revendicatrice et humaine de l’artiste.

Tout y est. Le film nous montre d’abord le concert d’un angle auquel aucun spectateur n’aurait pu avoir accès. Il nous montre aussi les coulisses de la production de cette tournée plus grande que nature. Il nous donne enfin accès à la démarche de Beyoncé, ses réflexions, son ambition, sa vulnérabilité et sa force, en tant qu’artiste et en tant que femme.

Nous avons assisté à un des concerts à Toronto l’été dernier et le film nous a permis de découvrir des éléments du spectacle qui nous avaient échappé au Rogers Arena. On a une vue privilégiée sur ses costumes, ses chorégraphies, son décor, ses mises en scène. Parce qu’il est filmé lors de plusieurs représentations, on a accès au meilleur du spectacle, y compris à la participation de Kendrick Lamar, Megan Thee Stallion, Diana Ross et Blue Ivy (la fille de Beyoncé et Jay Z). Certaines prises de vue semblent même avoir été réalisées en dehors des concerts, tant elles sont limpides et cadrées serré.

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Beyonce, suspendue au-dessus de la scène, lors de son concert à Toronto, en juillet dernier

L’attention que Beyoncé porte à l’élaboration de sa performance est inspirante, surtout quand on a la chance de la constater de si près. Nous pouvons sentir à quel point l’artiste est impliquée dans le travail colossal que représente la création de ces deux heures et demie de concert durant lesquelles tant de choses se passent.

Bien sûr, il s’agit de son film. C’est elle qui l’a écrit, réalisé et produit. C’est elle qui en fait la narration. Elle se met elle-même en scène, ce qu’il faut garder en tête.

Ce spectacle et ce film, c’est elle. Mais Beyoncé a tenu à mettre de l’avant l’équipe qui l’entoure. On comprend un peu mieux l’ampleur du travail des techniciens et des danseurs qui l’accompagnent sur scène. On apprend comment le spectacle s’est bâti, sur une période de quatre ans, tant sur le plan pratique que sur le plan artistique.

Une célébration

Et puis, le film Renaissance permet aux spectateurs de voir un peu Beyoncé dans son espace personnel. Dans ses propres termes, bien sûr, mais d’un angle qui semble authentique. En se montrant vulnérable, elle montre que même la « Queen Bey » est humaine, ce qu’on oublie peut-être parfois. Elle exprime le fait qu’elle est une mère avant tout. Qu’elle souffre pour son art. Que tout est un peu plus ardu quand on est une femme noire, même quand on est Beyoncé. Qu’elle se sent plus libre et en paix que jamais, à 40 ans passés et 27 ans de carrière plus tard. Qu’elle avait pour l’album et la tournée Renaissance une ambition claire : célébrer la culture noire et la culture queer.

L’extraordinaire apport culturel des communautés noire et queer occupe de plus en plus de place dans notre espace « mainstream ». Mais il ne faut pas se leurrer : leur marginalité demeure et leur existence est encore souvent rejetée. Tous ne sont pas d’accord avec le fait qu’elle ait intégré à son œuvre les codes d’une culture queer qui n’est a priori pas la sienne. Ce point de vue est tout aussi valable.

Mais nul doute qu’avec Renaissance, une étincelante place au sommet est réservée à ces communautés marginalisées, là où on ne peut pas les manquer, même si on le voulait.

Une des personnes qui dansent dans le spectacle Renaissance le formule bien (nous paraphrasons ici) : Beyoncé est un véhicule qui permet de créer un espace grandiose pour ces voix que certains préféreraient (à tort) ne pas entendre. Le concert Renaissance hurle cette identité afro-américaine, il hurle cette identité queer, et il les hurle dans un langage pop intelligible pour un grand nombre.

Il faut voir les images sur les réseaux sociaux de salles de cinéma pleines à craquer dans lesquelles des admirateurs s’égosillent sur leurs chansons préférées, se déhanchent comme s’ils étaient dans une salle de ballroom et s’émeuvent devant l’œuvre que présente Beyoncé. Le film, qui rapportera des millions à l’artiste, il va sans dire, n’est pas qu’un objet commercial. C’est aussi un moyen d’exprimer très fort (et de très belle façon) des revendications qui, maintenant sur grand écran, pourront rejoindre encore plus de monde.

Renaissance est une célébration. Par la célébration, il devient une revanche. Renaissance est un affranchissement. Une prise de pouvoir. C’est aussi un éloge à la beauté des corps, à la communauté, au pouvoir de la mode, à la sexualité féminine, à l’hypersexualité même, dans ce qu’elle a de plus décomplexé et émancipateur.

Encore une fois, Beyoncé a créé un objet populaire qui a le pouvoir de prendre une place inégalée dans l’espace culturel. La place que l’on donne à l’art qui porte quelque chose de grand et d’important.

Renaissance : A Film by Beyoncé est à l’affiche actuellement.

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  • 21 millions
    Renaissance : A Film by Beyoncé a pris la tête du box-office nord-américain lors de son week-end d’ouverture, récolant 21 millions de dollars de recettes.
    Exhibitor Relations