Sa musique électronique unit des genres aux antipodes. Son tout premier album, Good Luck, a été récompensé du prestigieux prix Polaris du meilleur album canadien de l’année. Son ambition semble sans limites. La Presse a discuté avec l’artiste d’origine nigériane Debby Friday à la veille de son spectacle à Montréal, où elle a grandi.

Peu de choses dans son parcours indiquaient que Debby Friday se retrouverait, en septembre dernier, à monter sur la scène du Massey Hall, à Toronto, pour accepter le prix Polaris du meilleur album canadien de l’année. En 2018, l’artiste sortait son premier minialbum, Bitchpunk, alors qu’elle n’avait aucune expérience musicale. Juste avant, pendant environ neuf mois, elle s’était démarquée en tant que DJ, parcourant l’Europe et l’Amérique du Nord derrière ses platines.

Et puis, cela ne l’a plus tentée. « J’ai laissé tomber le deejaying, j’ai laissé tomber la vie nocturne, j’ai quitté Montréal, raconte Debby Friday. J’ai eu besoin de réorganiser ma vie. Je suis partie à Vancouver et j’ai fait mon EP, que j’ai mis sur l’internet. C’est là que tout a commencé. »

Pour la Montréalaise, née au Nigeria et maintenant établie à Toronto, être DJ équivalait à s’exprimer à travers la musique des autres. Cette fois, elle pouvait montrer ses propres couleurs.

Même si elle a toujours été « une enfant créative », l’art ne lui avait jamais vraiment été présenté comme un choix de carrière. Pourtant, l’appel a été si fort qu’elle s’est installée devant le logiciel de musique Logic, qu’elle a regardé « des heures et des heures » de vidéos sur YouTube, et qu’elle s’est très rapidement mise à raconter ses histoires en musique.

Extrait de So Hard to Tell

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Un seul album, un Polaris

Celle qui a fait des études universitaires en science politique et études des femmes est ainsi devenue compositrice et chanteuse. Une beatmaker qui s’est inventé un son unique. Sous les rythmes électros se cachent le hip-hop, le noise, de la musique industrielle et un certain côté punk.

Ç’a été une évolution. Je n’ai pas de formation en musique. Mais je sais quels sons j’aime. Je me fie à mon intuition.

Debby Friday

Après son premier minialbum, quelques autres ont suivi, ainsi que plusieurs simples. Puis, en mars dernier, elle a lancé sous la prestigieuse étiquette Sub Pop Good Luck, un premier album complet sur lequel sa voix s’est révélée un peu plus douce, tandis que les influences industrielles ont continué de tracer leur sillon.

« Je savais quelles émotions je voulais évoquer et les sons ont juste émané de là. Je voulais que cet album soit à mon image, à l’image également des choses que j’ai vécues, explique Debby Friday. Mais je voulais aussi que ce soit un album qui puisse toucher les gens. »

Le contact a eu lieu, puisque, six mois plus tard, l’album s’est vu décerner le prix Polaris. « Ça a pris du temps avant que je réalise ce qui était arrivé, dit-elle, deux mois plus tard. C’est gratifiant de voir que tout le temps, l’énergie et le travail qu’on a investis dans l’album sont reconnus. Je ne suis pas quelqu’un de très préoccupé par les prix, mais ça donne tout de même une forme de validation et ça me montre ce côté du métier de musicien auquel je ne pense pas souvent. »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE DEBBY FRIDAY

Debby Friday

De la musique et plus encore

Debby Friday cherche à intégrer l’image à sa création. Plusieurs de ses chansons sont accompagnées de courts métrages, qu’elle réalise ou coréalise, dont deux ont été nommés pour des prix Prism, qui récompensent les meilleurs vidéoclips au Canada.

Je vois ça comme un tout. Je ne veux pas m’enfermer dans une boîte et j’aime m’exprimer de plusieurs façons. La musique et l’image se nourrissent mutuellement.

Debby Friday

« Je n’ai pas étudié en arts visuels, mais j’ai rencontré des gens à Vancouver qui m’ont aidée à apprendre. Et plus j’avance, plus j’apprends. »

La suite logique à tout cela ? Un long métrage, qu’elle est en train d’écrire. Et côté musique ? « Je travaille sur mon deuxième album », révèle-t-elle.

Pour l’heure, elle retourne ce jeudi au Ritz PDB à Montréal, cette même salle où elle a donné son tout premier concert, il y a environ cinq ans. « L’hybridité qui se trouve partout ici est ce qui me manque le plus », affirme Debby Friday, en ajoutant qu’elle a hâte de retrouver la ville qui l’a vue grandir. « Montréal représente une si grande part de ce que je suis et de la raison pour laquelle je fais la musique que je fais. »