Alexandre Poulin mène sa carrière loin des projecteurs, suivi par un public fidèle qui aime autant l’auteur-compositeur-interprète folk que le raconteur philosophe, en chanson comme en spectacle. Il lancera vendredi son sixième album, La somme des êtres aimés, hommage à la vie et à ce qui nous unit aux autres, inspiré par le deuil de son père.

Qu’est-ce qui rend heureux ? ont demandé des chercheurs, sur une période de 85 ans, à des personnes en fin de vie. Aimer et être aimé, ont répondu les participants, peu importe l’époque ou le niveau social.

« Ça n’a jamais changé, tout le monde répond la même affaire », s’émerveille Alexandre Poulin, qui est dans une quête incessante sur le sens de la vie. Cette question du bonheur l’intéressait depuis longtemps quand son père, ce « titan » qui avait toujours été en super forme, a reçu à l’âge de 70 ans un diagnostic lui donnant moins d’un an à vivre, et qu’il a pu accompagner jusqu’au bout.

« Il est parti avec l’aide médicale à mourir. C’est un cadeau inestimable : il m’a accueilli à ma naissance, j’avais l’honneur d’aller le reconduire jusqu’à la porte. » Et en voyant les gens défiler dans sa chambre pendant sa dernière semaine de vie, Alexandre Poulin est arrivé au même constat que les auteurs de l’étude.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Alexandre Poulin

Finalement, au bout, il y a l’amour que tu as donné, l’amour que tu as reçu, pis that’s it. J’ai osé demander à mon père, le matin de sa mort, ce qui l’avait rendu heureux. Il m’a répondu : c’est le temps que j’ai passé avec vous.

Alexandre Poulin

« Il m’a tellement appris », ajoute-t-il. C’est là que La somme des êtres aimés a pris racine, dans cette expérience unique et bouleversante. Et il a su la transcender pour raconter des histoires d’amour et d’amitié, passées, présentes ou futures, parce que nous sommes tous habités « en strates » par les gens qui ont croisé notre route.

« J’ai trouvé ça difficile d’aller au fond de mes tripes, d’y aller pour vrai. C’est venu me chercher creux, mais c’est tant mieux. »

0:00
 
0:00
 

Au cœur des deux « parenthèses » que sont la première (Loverdose) et la dixième chanson (Dire adieu), qui parlent de son père, il y a donc la vie. C’est dans sa nature, Alexandre Poulin ne peut s’empêcher de voir le côté lumineux des choses.

« C’est juste une affaire de perspective. Comme la chanson Mauvais sang, tu la lis à l’envers ou à l’endroit, et elle raconte autre chose. C’est ma fierté pour ce disque, d’avoir fait face à une épreuve comme celle-là, et d’en ressortir avec une vision. »

Unicité

Alexandre Poulin sortira vendredi son sixième album en 16 ans... et il n’en revient pas. « Surtout qu’au départ, on me disait que ça ne marcherait pas. On me disait : il faut que tes chansons soient plus courtes, il n’y a pas de refrain, il faut que ce soit plus commercial... »

Alors que sa nouvelle tournée comptera une bonne centaine de dates sur deux ans, le chanteur de 46 ans croit maintenant que c’est en gardant son unicité qu’il a fait son chemin, « loin des routes toutes tracées et des grosses lumières ».

« Je ne l’ai pas décidé, c’est arrivé tout seul. Ça fait 16 ans que je fais ça et que je vends des billets... Est-ce que c’est niché ? Je n’ai pas l’impression. On me disait que le monde n’écouterait pas, qu’il dérocherait après cinq minutes. Moi, je pense que si tu prends le monde pour des caves, ils vont le devenir. Mon public, il est silencieux et attentif. Je le trouve exceptionnel. »

Bien sûr, il se pince souvent, ne tient rien pour acquis et roule ses manches chaque matin pour travailler. « En me disant que chaque journée en est une de plus pour faire ce qui me nourrit le plus. Le plus beau métier du monde. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Alexandre Poulin

Étincelle

Alexandre Poulin a été professeur avant de devenir chanteur. On l’associe encore beaucoup au milieu de l’éducation, même s’il n’enseigne plus depuis... 2008 ! C’est beaucoup à cause de sa chanson L’écrivain, sortie en 2010, qui est devenue un classique dans les écoles, et aussi parce que ses chansons sont utilisées dans les examens du ministère. Mais c’est vrai qu’il a toujours « les mains et les pieds » dedans.

« Mes meilleurs amis sont profs », dit celui qui a été porte-parole pour la persévérance scolaire et qui, dans son projet Humains marquants, a rendu hommage aux enseignants qui font les choses différemment – ce thème était même le cœur de sa précédente tournée.

À la lumière de la grève récente dans le secteur public, quand on lui demande s’il trouve que l’éducation est bien traitée, il secoue la tête. « Si on me part là-dessus, je vais l’échapper. J’ai de la misère à en parler tellement ça me bouleverse... Je ne sais pas ce que ça va prendre pour que ça change. On a-tu ce qu’il faut en tant que peuple ? »

Pour ne pas avoir l’impression de « critiquer tout seul dans un coin », il continue de parler et d’agir dans la mesure de ses moyens. S’il se sent une responsabilité, il est bien conscient qu’il ne peut pas changer les choses à lui tout seul.

Mais si tu n’es pas le bâton de dynamite, tu peux être l’étincelle. Ou même tu peux juste souffler sur les braises, et ça va déclencher quelque chose que tu ne sauras même pas.

Alexandre Poulin

Maintenant que l’album est sur le point de sortir et qu’il est fin prêt à repartir en tournée – « Je suis assis sur le train, j’attends qu’il parte » –, il espère que ses nouvelles chansons feront beaucoup de route avec lui. Et qu’elles seront entendues « par des gens à qui ça va parler ».

0:00
 
0:00
 

« C’était viscéral d’écrire ces tounes, de défendre La somme des êtres aimés, cette filiation profonde qu’on a avec les êtres humains. Ça m’a libéré de les écrire, ça m’a fait un bien immense. J’espère que l’écoute fera ça. »

La somme des êtres aimés

Folk

La somme des êtres aimés

Alexandre Poulin

Bleu Cardinal